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« Il a profité de ma faiblesse »: scandale à l’université de la Réunion, un professeur accusé d’agression sexuelle envers une étudiante

Publié par Elodie GD le 08 Sep 2020 à 14:28
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D’un ton déterminé et d’une voie claire, Alexia se lance dans le récit de son agression. Afin que l’on puisse mieux comprendre ce dont il est question, elle tient à poser le décor et rappeler le contexte. Auparavant étudiante sur le campus de l’Université de la Réunion, elle n’arrive aujourd’hui plus à se résoudre à en passer les grilles. Elle tient à ce que son message soit entendu par un maximum de femmes et ne veut plus que les agresseurs agissent en toute impunité.

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Alexia Accot agressée sexuellement par son professeur témoigne

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Une élève fragilisée

Après 2 ou 3 sonneries, Alexia décroche le téléphone. Au départ un peu hésitante, elle finit par se sentir en confiance et se livre sur ce moment difficile de sa vie. Tout comme elle, en 2016 plus d’un demi million de femmes ont été victimes d’agressions sexuelles. Tout comme elle, 95% d’entre elles se sont vues imposer un baiser par la force.

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Durant tout son parcours scolaire, Alexia a été une élève aux résultats plus que satisfaisants. Désireuse de réussir, elle a obtenu de bons résultats de l’école primaire aux bancs de la fac. « J’ai eu mon bac mention Très Bien, et encore j’ai pas eu les félicitations du jury parce que j’ai 9 en sport (super merci le sport!). J’avais eu mention très bien aussi au Brevet, enfin aucun problème. J’étais aussi dans les meilleurs de la promo (à la fac) » déclare-t-elle avec une pointe de fierté dans la voix. Après une première année passée sans encombres, elle a même pu se rendre quelques mois en Erasmus en Irlande lors de sa deuxième année à l’université.

Mais voilà, après quelques soucis personnels et une rupture douloureuse, Alexia sombre dans la dépression. La fac ne l’intéresse plus, elle n’a plus goût à rien. Plus les semaines passent et plus elle se sent incapable de franchir les grilles du campus. Elle finira par renoncer à s’y rendre, mettant entre parenthèse sa vie d’étudiante. Cette période difficile pour Alexia coïncidait avec la remise de son rapport de stage. Mais la jeune femme au plus bas, ne s’est pas manifestée auprès de son professeur référent. Ce dernier ignorant sa situation a ajouté son nom à liste de ceux auxquels il projetait de mettre un zéro. Cette nouvelle a agit comme un électrochoc pour la jeune femme.

Un professeur trop entreprenant

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N’acceptant pas de se voir sanctionner, elle a immédiatement pris contact avec son professeur sur Facebook. Elle lui a exposé sa situation en lui expliquant qu’elle était incapable de lui remettre son rapport de stage dans l’immédiat. Contrairement à ce qu’elle aurait pu penser, il s’est montré compréhensif voire même protecteur avec elle. « A ce moment, je pensais vraiment qu’il était gentil et qu’il n’avait pas d’arrières pensées et que c’était un professeur qui allait me prendre sous son aile et que ça allait être une relation élève/professeur » confie-t-elle.

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Après quelques échanges, l’élève se confie de plus en plus à son professeur. Pour sa part, il s’agit d’une relation complètement platonique, au même titre que celle que pourraient avoir un père et sa fille.
Après une tentative de suicide, Alexia se retrouve en clinique.
Toujours aussi présent pour elle, son professeur lui promet même de passer la voir pour lui changer les idées. « Dans mon état j’aurai pas pu savoir. Et je m’en veux parce que j’ai l’impression d’avoir été conne… J’ai été conne en fait d’avoir fait confiance à quelqu’un comme ça et de m’être fait avoir par un prédateur. » déplore la jeune femme.

« Aujourd’hui j’ai pas envie qu’on m’affiche avec cette pancarte de victime sur le front et je dénonce ce qui m’est arrivé » précise-t-elle avant de reprendre. « Alors en fait j’étais désespérée, je venais de rompre avec mon copain à ce moment là et donc j’avais fait une tentative de suicide quand j’étais aux Flamboyants donc on m’a envoyé à (l’EPSMR). Et il est venu me voir trois ou quatre jours après quelque chose comme ça. Et je lui ai demandé de me réparer mon téléphone « je te rembourserai quand j’aurai l’argent et tout ». Mes parents non plus ils n’avaient pas d’argent, c’était difficile financièrement. Alors il m’a dit ‘ok pas de problème’.Il me l’a rendu alors je lui ai fait un câlin en mode ‘merci c’est gentil’, et pour lui dire au revoir j’étais en mode ‘merci vraiment’, et je lui refais un câlin. » Elle prend une grande inspiration « Et il m’a embrassée ».

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Après avoir prononcé ces mots, la jeune femme reste silencieuse quelques secondes. « J’ai pas compris tout de suite. Je me suis dit ‘qu’est-ce-qui se passe ? C’est mon prof, il est vieux, il est moche (enfin c’est pas méchant) … Non en fait ! » a-t-elle repris. Mais loin de s’arrêter là, le professeur profite de l’absence de réaction d’Alexia, paralysée par l’incompréhension, pour répéter son geste. C’est l’arrivé d’un infirmier, agacé par ce qu’il pense être une démonstration d’affection, qui va l’interrompre. Une fois son enseignant parti, la jeune femme encore sous le choc, s’est assise près des autres pensionnaires de la clinique. « Pourquoi un vieux t’a embrassé comme ça? » a demandé l’un d’eux perplexe. Alexia a alors commencé à réaliser ce qui venait de lui arriver. Après plusieurs crises d’angoisses, elle est prise en charge par les infirmiers. « Et voilà » conclu-t-elle dépitée.

Un harcèlement quasi quotidien

Aujourd’hui encore, elle se demande comment cet homme a pu profiter de sa faiblesse. Tout content à l’idée d’avoir trouvé ce qu’il pensait être une nouvelle conquête, il est revenu à la clinique quelques jours plus tard. Les infirmiers au courant de ce qui s’était passé quelques jours auparavant l’ont immédiatement mise à l’abri à l’intérieur du bâtiment. Après quelques minutes de réflexion, Alexia s’est finalement décidée à aller lui parler. Conciliante, elle lui a expliqué qu’elle le voyait uniquement comme un ami et rien d’autre. Elle s’est même excusée auprès de lui au cas où elle aurait pu lui laisser penser que quelque chose était possible entre eux.

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« Il savait que j’écrivais des poèmes pour le copain qui avait rompu avec moi. J’étais encore amoureuse de lui. » précise-t-elle. Contre toute attente, son professeur s’est montré compréhensif. Cependant, tout dans son attitude laisse à penser qu’il a développé des sentiments envers la jeune femme. Il lui fait des avances quasi quotidiennement, et ce, même si elle lui dit être en couple. Durant plusieurs mois, Alexia subit du harcèlement de la part de son professeur. Ses problèmes personnels l’avaient éloignée de tous ses amis et elle se raccrochait à ses études pour ne pas sombrer. Conscient de la situation de faiblesse dans laquelle elle se trouvait, le professeur d’anglais n’a pas hésité à se montrer insistant. « J’ai plus rien, j’ai plus d’amis, j’ai plus de vie hein clairement, je passe mes journées dans une clinique. La seule chose qui me reste, c’est ma troisième année d’études que je peux redoubler, et que je vais essayer d’avoir ».

Pourtant, Alexia n’y arrivera pas. Craignant ce que son professeur aurait pu faire en découvrant qu’elle essayait encore d’obtenir son diplôme, elle a préféré abandonner. « Soit il allait me niquer niveau hiérarchie parce que moi j’étais une petite merde comparée à lui qui était directeur du département d’anglais. Donc il suffisait que je le froisse et c’était fini. Soit je craquais à cause de l’angoisse et j’ai craqué à cause de l’angoisse et je ne suis plus retournée en cours. Je ne suis plus retournée à la fac. ». Une fois encore, la jeune femme a dû se résoudre à abandonner les études. « Je ne mets plus les pieds là-bas » a-t-elle lâché.

Un entretien chaotique

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Il y a bien une fois où Alexia a dû se résoudre à passer les grilles du campus. Après de longues semaines de réflexion, la jeune femme s’est finalement décidée à parler et à dénoncer ce qui lui était arrivé. Se rendant compte de la gravité de ce qui lui était arrivé, elle s’est exprimée sur les réseaux sociaux. Très vite, de nombreux étudiants ont réagi et se sont confiés concernant le comportement déplacé ou abusif du professeur d’anglais. Conscients du scandale que pourraient déclencher de telles allégations, les juristes de la faculté de la réunion ont finalement convoqué Alexia afin qu’elle parle de son expérience.

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Lors de son entretien, Alexia s’est sentie incomprise. Pensant se trouver face à des personnes à l’écoute, elle leur a confié que cela faisait plusieurs années que des rumeurs couraient à propos de ce professeur. Elle a dénoncé l’absence de réaction de la part des autres professeurs qui savaient et qui ne faisaient rien pour l’en empêcher. Elle a également évoqué ses antécédents dans l’Hexagone, d’où il a été muté avant de venir s’installer à La Réunion.

Au lieu d’abonder dans son sens, les personnes présentes lui ont affirmé ne rien savoir de tout ça.  Prise d’une crise d’angoisse, elle s’est vue obligée de quitter précipitamment la pièce dans laquelle se tenait la réunion. S’ensuivra un communiqué de presse dans lequel elle sera dépeinte comme « la méchante ». « Clairement ils le protègent et ils se protègent eux du scandale évidemment » en a conclu la jeune femme. Elle pense même qu’ils auraient accepté de l’accueillir non pas parce que son histoire les préoccupait, mais uniquement à cause de la pression médiatique.

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Des dizaines de témoignages mais aucune poursuite

Pour l’heure, l’université n’a entamé aucune poursuite à l’encontre du directeur du département d’anglais. Pourtant, elle a affirmé à la jeune femme qu’une enquête interne était actuellement en cours. Les témoignages de dizaines d’étudiants viennent corroborer les déclarations d’Alexia. « Tu ressembles comme deux gouttes d’eau à une étudiante avec qui il était très familier » lui confie une élève. « Il approche quand on est vulnérable et nous fait des avances, et forcément on ne veut pas le froisser parce que notre avenir académique dépend de lui » témoigne une autre étudiante. « Pour toutes les filles, avoir cours avec lui, c’est pesant », « tu sais que j’ai aussi arrêté la fac, en grande partie à cause de lui ». Des jeunes femmes se plaignent chaque jour de ce professeur à l’attitude gênante sur le Facebook d’Alexia. Elles acceptent même que leurs témoignages soient partagés afin que l’homme puisse être reconnu coupable.

Pour sa part, Alexia a récemment décidé de porter plainte. Au départ soucieuse de ce qui pourrait se passer par la suite, l’étudiante a finalement pris son courage à deux mains. Aujourd’hui, elle a réalisé que cette agression n’était pas arrivée par sa faute et que son professeur d’anglais avait profité de sa faiblesse comme il l’a fait avec d’autres femmes. Alexia est bien décidée à ce que les choses changent et s’engage même à être la voix de ceux qui se sont longtemps tus par crainte de ne pas obtenir leur diplôme.

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