« C’est allé trop loin » : chez Système U, un produit star des fêtes au cœur d’un bras de fer
À l’approche des fêtes de fin d’année, un produit incontournable des rayons s’invite dans toutes les discussions… mais pas pour les bonnes raisons. Entre négociations commerciales et incompréhension sur l’évolution des matières premières, les distributeurs sentent que quelque chose est en train de basculer.
Et un détail, en particulier, commence à faire tiquer jusque dans les caddies.
Un symbole des fêtes qui change de statut
Chaque fin d’année a ses repères. Les rayons se remplissent, les promotions se multiplient, et certains produits deviennent presque automatiques dans les achats, comme un passage obligé avant Noël et le réveillon.
Cette mécanique, pourtant bien rodée, semble gripper cette saison. Sur le terrain, des signaux remontent : des consommateurs regardent, comparent, hésitent… puis reposent. Ce n’est pas un phénomène massif décrit avec des chiffres de caisse, mais une impression qui devient assez récurrente pour alerter.
Ce qui frappe, c’est le contraste entre l’image du produit et la réaction qu’il provoque désormais. D’ordinaire associé au plaisir et à la générosité, il se retrouve à incarner un sujet nettement moins festif : celui du prix devenu difficile à justifier.
Derrière ce changement, il y a une question simple, presque brutale, que les clients formulent de plus en plus spontanément. À quel moment un produit « plaisir » franchit-il la ligne et devient-il un luxe que l’on tranche du panier sans même réfléchir plus longtemps ?
Quand la hausse des prix se heurte au portefeuille
En période de pouvoir d’achat tendu, les arbitrages sont rarement théoriques. Ils se font au rayon, devant l’étiquette. Et quand une hausse s’accumule, elle finit par changer non seulement le volume acheté, mais aussi la manière d’acheter.
Un produit peut rester désiré, mais devenir « évitable ». On peut encore l’aimer, mais décider de ne plus l’acheter « à ce prix-là ». C’est le genre de bascule qui n’arrive pas du jour au lendemain, mais qui se voit quand les retours clients deviennent répétitifs.
Ce détail que peu de gens connaissent, c’est que ce type de renoncement n’est pas seulement une mauvaise nouvelle pour les marques. Pour un distributeur, c’est aussi un indicateur : si même un produit ancré dans les habitudes de fin d’année commence à être laissé de côté, cela signifie qu’un seuil psychologique a probablement été atteint.
Dans ce contexte, la hausse ne se lit plus comme une simple inflation. Elle se transforme en message : certains prix ne sont plus « acceptés », même sur des références qui, jusqu’ici, résistaient mieux que d’autres.
Le bras de fer avec les industriels, au mauvais moment
C’est dans ce climat que Dominique Schelcher, président de Coopérative U, s’est exprimé sur BFMTV/RMC ce mardi. Son discours ne se limite pas à un constat général : il évoque une tension directe avec les fournisseurs, à un moment particulièrement sensible du calendrier commercial.
Pour les distributeurs, la période des fêtes est un enjeu de volume et d’image. Les clients attendent une forme de « normalité » en rayon, avec des prix qui restent compatibles avec l’achat-plaisir. Or, selon le dirigeant, la discussion avec les fabricants s’apparente à un bras de fer.
Il explique qu’il y a eu une confrontation pour Noël, mais aussi pour une autre période clé : la campagne de Pâques, qui vient d’être négociée. Et sur ce point, le message est clair : les tarifs espérés « plus raisonnables » ne se seraient pas matérialisés chez les grands acteurs.
Ce qui ressort aussi, c’est une différence de comportement selon la taille des entreprises. D’après Dominique Schelcher, les PME se seraient montrées « beaucoup plus raisonnables », là où les grands industriels seraient restés plus durs en discussion.
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Dans ce genre de négociation, chacun défend son intérêt. Mais quand un accord est qualifié de « raisonnable » tout en laissant entendre qu’on aurait voulu « aller plus loin », cela raconte un équilibre fragile : tenir un prix acceptable, sans obtenir la baisse que les distributeurs estiment cohérente avec le marché.
Des cours mondiaux en baisse, mais pas encore en rayon
L’un des points qui alimente l’incompréhension, c’est le décalage entre les cours mondiaux et les prix en rayon. Dominique Schelcher dit s’étonner que la baisse des matières premières ne se traduise pas encore pour le consommateur.
Dans l’article, la matière première citée est le cacao, dont les cours auraient fortement augmenté avant de reculer. Et pourtant, le « retour » de ces baisses ne serait pas visible au moment de payer.
Début décembre, Michel-Edouard Leclerc a lui aussi dénoncé un phénomène qu’il attribue à la spéculation. Il souligne que le produit concerné a « comme par hasard » augmenté de 55 % sur deux ans, et insiste sur le fait que le cours du cacao, lui, « s’effondre ».
Le chiffre avancé dans l’article situe le cours autour de 5 300 dollars la tonne, avec une chute de 40 % sur un an. Mais ce repli n’aurait pas entraîné, à ce stade, une détente équivalente des prix pour le consommateur final.
Autrement dit, la discussion ne porte plus seulement sur la hausse passée. Elle porte sur la question du temps de transmission — et sur la suspicion d’un système où les hausses montent vite, mais où les baisses redescendent lentement.
Quand la baisse « attendue » n’arrive pas, la défiance s’installe
Pour beaucoup de consommateurs, le raisonnement paraît évident : si le cacao recule sur les marchés, les prix devraient finir par respirer en magasin. Or, comme le souligne Dominique Schelcher, ce reflux ne se voit pas encore en rayon, ce qui alimente un sentiment d’injustice.
Dans ce genre de situation, la hausse passée reste dans toutes les têtes, alors que la baisse ressemble à une promesse qui ne se concrétise jamais. Et à l’approche des fêtes, ce décalage se ressent d’autant plus, parce que les achats « plaisir » deviennent immédiatement comparables, étiquette contre étiquette.
Le résultat, c’est que la discussion ne porte plus seulement sur quelques centimes de plus ou de moins, mais sur la confiance. Quand les clients ont le sentiment que « tout monte vite » mais que « rien ne redescend », ils finissent par trancher autrement, parfois en supprimant purement et simplement le produit du panier, ou en se reportant vers d’autres marques jugées plus accessibles.
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Ce que disent les chiffres… et ce que les clients répètent en caisse
Les données citées confirment que la tension est bien là. Selon NielsenIQ, le prix d’une tablette en rayon a augmenté de 32,8 % entre octobre 2024 et octobre 2025. Et, plus largement, l’Insee mesure une hausse de 15 % sur un an, en octobre, pour la catégorie cacao en France dans les commerces.
Ce sont des niveaux qui, mis bout à bout, finissent par changer le comportement d’achat. Et c’est précisément ce que Dominique Schelcher décrit à l’antenne, en parlant de retours clients qu’il entend directement.
« Il y a un produit qui est allé trop loin », rapporte-t-il, en expliquant que des gens lui disent désormais : « j’en achète plus ». Et le produit en question, celui qui serait devenu tellement cher « que les gens n’en achètent plus », c’est le prix du chocolat.