Budget 2025 : le gouvernement prévoit de geler les APL et de les supprimer pour certains étudiants
L’annonce est tombée à la faveur du projet de loi de finances 2026 : gel des Aides personnalisées au logement. Et suppression pour une partie des étudiants étrangers. Une mesure budgétaire qui met immédiatement en tension la question du logement étudiant, déjà sous pression dans les grandes villes.
Derrière les formules, que recouvre exactement ce scénario ? Qui serait concerné, avec quels effets concrets et à quel horizon ? Décryptage, sans dramatisation ni euphémisme, pour comprendre ce qui change. Et ce qui pourrait encore bouger au fil du parcours parlementaire.
Un budget sous contrainte, un logement étudiant déjà fragilisé
Le logement étudiant cumule depuis plusieurs années des fragilités structurelles. Hausse des loyers dans les métropoles, recul de l’offre accessible à proximité des campus, tension sur les logements CROUS. Et difficulté à boucler les garanties pour les jeunes sans CDI, reste à charge en charges énergétiques. Dans ce contexte, les APL jouent un rôle d’amortisseur. Elles ne font pas baisser les loyers, mais limitent la casse sur le reste à vivre.
Le budget 2026 est construit sous forte contrainte : la trajectoire de déficit. Et la progression de la dépense sociale servent de toile de fond à une série de mesures dites de « maîtrise » des dépenses. L’exécutif justifie ainsi l’idée d’un gel des APL au 1er janvier 2026, c’est-à-dire l’absence de revalorisation automatique malgré l’inflation. Concrètement, si les loyers et charges continuent de progresser. L’aide resterait au même niveau nominal. Ce qui constitue une baisse en termes réels pour les bénéficiaires.
Dans la communication gouvernementale, l’argument avancé est celui de l’efficience. Contenir la dynamique de prestations pour concentrer les efforts budgétaires ailleurs. Notamment sur des dépenses jugées prioritaires. Reste qu’appliqué au logement étudiant, un gel se traduit mécaniquement par un décrochage entre l’aide et la facture.
Qui perdrait l’APL ? Le périmètre sensible des étudiants étrangers non boursiers
Le point le plus sensible du projet concerne la suppression des APL pour une catégorie d’étudiants étrangers : les non boursiers. La distinction paraît technique, elle est en réalité très concrète. Aujourd’hui, un étudiant étranger peut percevoir l’APL sous conditions de résidence, de ressources et de situation de logement. La réforme modifie ce socle : si vous êtes étranger, non boursier et inscrit en France, vous seriez exclus du bénéfice des APL à compter de 2026 selon le texte présenté.
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Pourquoi cette cible ? C’est ici que se déploie l’argument budgétaire : la mesure est décrite comme « très pénalisante » mais « à rendement » pour les finances publiques, parce qu’elle réduit immédiatement un flux de prestations jugé croissant. Les étudiants boursiers ne seraient pas concernés par la suppression, ce qui maintient un filet minimal pour les situations de précarité repérées par les bourses sur critères sociaux.
Sur le terrain, l’effet d’éviction est net : pour un studio à 500 à 650 euros dans une métropole universitaire, une APL mensuelle de 150 à 250 euros peut faire la différence entre loger en ville, s’éloigner et multiplier les transports, ou renoncer à une formation. La mesure a donc une portée à la fois sociale et territoriale, avec un risque de désaffection de certains campus.
Effet de ciseau : gel, inflation et loyers qui ne connaissent pas de pause
En pratique, le gel produit un effet de ciseau. D’un côté, les loyers et charges poursuivent leur trajectoire, soutenus par la raréfaction de l’offre et les coûts énergétiques. De l’autre, la ligne d’aide reste figée. Résultat : le reste à charge s’alourdit, y compris pour les bénéficiaires français et boursiers qui ne sont pas visés par la suppression.
À court terme, l’ajustement se fait au niveau des arbitrages : davantage de colocations, allongement des trajets, cumul emploi-études, renoncement aux soins non urgents, pression sur les banques alimentaires étudiantes. Les acteurs du logement universitaire redoutent une montée de la précarité énergétique dans les logements les plus vétustes si l’hiver est rude et que les charges flambent sans compensation côté APL.
Pour les bailleurs privés, la mesure ne change rien juridiquement, mais elle peut modifier indirectement leurs annonces : un étudiant qui perd l’APL ou qui voit son aide érosionnée retient un critère financier plus strict, ce qui peut mécaniquement resserrer la sélection des dossiers et alimenter une forme de discrimination économique.
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Une mesure au cœur d’un débat plus large sur l’attractivité universitaire
La suppression ciblée pour les étudiants étrangers non boursiers ouvre un autre débat : celui de l’attractivité. Ces étudiants, souvent en Master ou Doctorat, participent à la vie des laboratoires, aux échanges internationaux et, à terme, aux réseaux économiques entre la France et leurs pays d’origine. Restreindre l’accès aux APL peut être interprété comme un signal dissuasif, à rebours de la stratégie française de rayonnement académique et scientifique.
Certes, certains pays n’offrent pas d’aide au logement aux étudiants étrangers, mais beaucoup rivalisent par des bourses, des loyers encadrés ou des facilités administratives. Dans un environnement de concurrence internationale entre campus, chaque barrière supplémentaire pèse.
Sur le plan juridique, la distinction entre boursiers et non boursiers vise à sécuriser la mesure. Sur le plan pratique, elle produit un tri économique plus qu’académique : à parcours identique, c’est la ressource privée qui fait la différence, pas le mérite ou le projet. Le débat public s’oriente donc autant sur la cohérence budgétaire que sur la philosophie d’accueil des talents.
Ce que cela change pour 2026… et ce qui peut encore bouger
Dans son état actuel, le projet prévoit : un gel des APL au 1er janvier 2026 et une suppression de l’aide pour les étudiants étrangers non boursiers. Le calendrier suit le chemin classique : présentation, examen parlementaire, possibles amendements, puis promulgation. Rien n’interdit qu’un compromis intervienne, par exemple sous la forme d’une clause de revoyure, d’un plafond spécifique, d’une dérogation ciblée ou d’un dispositif transitoire pour les étudiants déjà en cours de cycle.
Pour les étudiants et leurs familles, le plus efficace est de raisonner dès maintenant en budget 2026 : vérifier ses droits actuels, simuler différents scénarios de loyer et de charges, identifier les alternatives de logement, activer en parallèle les bourses, la garantie Visale, les aides locales des régions ou métropoles, et anticiper un éventuel emploi étudiant compatible avec l’emploi du temps.
Au-delà du seul logement, la question posée par ce projet est plus large : quel partage des efforts budgétaires ? Quel niveau minimal de filet social pour un public étudiant de plus en plus contraint ? Et jusqu’où aller dans la différenciation des droits entre nationaux et étrangers au sein de l’enseignement supérieur ?
Ce qui cristallise
Le point crucial, celui qui cristallise le débat, tient en une phrase : le budget 2026, tel qu’il est présenté, gèle toutes les APL et supprime purement et simplement l’aide pour les étudiants étrangers non boursiers, avec une entrée en vigueur visée au 1er janvier 2026, sous réserve du vote du Parlement et d’éventuels amendements.