Linky : un jugement qui bouscule Enedis… et relance le débat sur notre droit au consentement
Depuis des années, le déploiement des compteurs Linky oppose deux visions de la modernisation énergétique. Pour les uns, il s’agit d’un outil indispensable à la transition énergétique, aux économies d’énergie et aux relevés à distance.

Pour les autres, c’est une technologie imposée « chez soi », qui interroge le droit au consentement et soulève des inquiétudes sanitaires. Le dossier que tu m’as partagé illustre précisément ce tiraillement. Avec un cas qui a enflammé le débat public en 2024 et continue d’alimenter la conversation en 2025.
Un contexte de tension entre innovation et vie privée
La stratégie d’Enedis a longtemps reposé sur quatre piliers : conformité aux normes européennes, absence de preuves scientifiques établissant une nocivité, obligation nationale de déploiement et bénéfices environnementaux. Ces arguments, martelés depuis le lancement du programme en 2015, ont convaincu une grande partie des institutions. Et accompagné la généralisation du compteur communicant sur le territoire.
En parallèle, une contestation citoyenne s’est structurée. Des habitants disent ressentir des maux de tête, des troubles du sommeil. Ou une gêne diffuse après la pose du compteur. Ils réclament la possibilité de refuser l’appareil ou d’obtenir un retrait. Invoquant le principe de précaution et la souveraineté sur l’équipement installé dans leur sphère privée. Ce clivage a progressivement glissé du terrain technique vers une question de libertés individuelles.
Ce que disent les autorités sanitaires
Les autorités rappellent une ligne constante : le respect des seuils d’exposition. Et l’absence à ce jour de lien avéré entre les champs électromagnétiques du Linky et les pathologies rapportées. En 2025, l’Agence nationale de sécurité sanitaire maintient cette position, tout en poursuivant la veille et l’analyse des études disponibles. Cette prudence méthodologique nourrit néanmoins un décalage avec des personnes qui se déclarent électrohypersensibles. Et qui jugent leurs symptômes insuffisamment pris en compte par l’appareil public.
Une société partagée face aux ondes
La préoccupation ne se limite pas au Linky. Le Dr Fenech, présenté comme un expert mobilisé sur le sujet, alerte depuis 2023 sur l’effet cumulatif des différentes sources d’ondes électromagnétiques dans nos environnements. Selon ses travaux, 3 à 5 % de la population pourrait être plus sensible à ces rayonnements. Dans le même temps, une étude de l’INSERM publiée en janvier 2025 indique que 67 % des Français souhaitent des protections renforcées contre les ondes artificielles. Autrement dit, même sans consensus scientifique sur un lien de causalité, l’inquiétude sociale est bien réelle.
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Quand la technique rencontre le droit
Là où le dossier devient explosif, c’est sur le terrain juridique. Jusqu’ici, Enedis opposait des refus quasi systématiques aux demandes de retrait. S’appuyant sur la conformité réglementaire de l’appareil et sur sa mission de service public. De leur côté, les opposants revendiquent leur droit à choisir les technologies présentes chez eux. Ce conflit de normes — innovation contre consentement — a fini par atterrir devant le tribunal administratif, théâtre d’un bras de fer très observé.
Une affaire personnelle devenue symbole collectif
Au cœur de l’histoire, il y a un particulier de la Loire, Pierre Cascina. Après la pose d’un Linky en 2022, il dit avoir développé des symptômes persistants : céphalées récurrentes, troubles du sommeil, sensation de malaise. Il décide alors de saisir la justice. Son cas, d’abord intime, devient rapidement emblématique pour tous ceux qui demandent à reprendre la main sur l’équipement installé à leur domicile.
Autour de lui, des collectifs s’organisent, des associations épaulent d’autres foyers et un contentieux de masse s’esquisse. Le dossier que tu m’as transmis évoque plus de 1200 affaires similaires en préparation. Si toutes n’aboutissent pas, la pression judiciaire s’intensifie, poussant les pouvoirs publics à requalifier la manière dont on pense les infrastructures numériques dans les espaces privés.
Le principe de précaution au cœur de la décision
Le point de bascule, c’est la manière dont les juges lyonnais envisagent l’incertitude scientifique. Ils reconnaissent qu’il n’existe pas de consensus établissant un lien direct entre le compteur et les symptômes décrits. Pourtant, ils considèrent la souffrance subjective du plaignant, la chronologie des faits et l’impossibilité de traiter le risque par d’autres moyens comme des éléments suffisants pour activer le principe de précaution. Cette lecture ouvre une fenêtre nouvelle : en cas de doute sérieux et d’atteinte alléguée à la santé, la protection de l’habitant peut primer, au moins provisoirement, sur l’objectif d’équipement généralisé.
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Un signal au-delà du compteur
Ce raisonnement déborde la seule question du Linky. Il interroge le cadre juridique des technologies imposées à l’intérieur de la maison : capteurs, télérelèves, objets connectés adossés à des obligations de service public. À quelle condition peut-on installer un dispositif chez quelqu’un sans consentement explicite ? Quelles garanties offrir en cas d’effets indésirables — avérés, probables ou seulement allégués ? La réponse esquissée par la justice lyonnaise oblige à repenser ce contrat social.
L’État réagit : vers un nouveau cadre
Face à la contestation et à la judiciarisation, l’exécutif prend acte. La ministre de la Transition écologique annonce pour juin 2025 un audit pluridisciplinaire associant juristes, médecins et associations de consommateurs. Objectif : évaluer le dispositif, clarifier les droits, et proposer une mise à jour des règles du jeu entre innovation et libertés individuelles. Le Défenseur des droits avait déjà pointé un retard réglementaire ; l’heure est à une refonte plus globale afin d’offrir un chemin de recours clair aux ménages et une sécurité juridique aux opérateurs.
Ce que cela change concrètement pour les foyers
À court terme, cette dynamique remet au centre le droit à l’information et la notion de consentement éclairé. Les habitants cherchent à savoir quand et comment un compteur communicant peut être installé, quelles alternatives existent, et dans quelles conditions une désinstallation peut être demandée. Pour Enedis, l’enjeu est d’ajuster sa communication, de documenter encore davantage la conformité de ses équipements et d’accompagner les cas sensibles, notamment lorsque des symptômes sont déclarés. Pour les associations, la décision est perçue comme un levier pour encourager des solutions au cas par cas, plutôt qu’une logique du « tout ou rien ».
Un débat qui ne se réglera pas en un jugement
Il faut le dire franchement : l’absence de preuve scientifique définitive ne clôt pas la conversation. Elle appelle au contraire plus de recherche, une traçabilité des situations litigieuses et des protocoles de prise en charge mieux établis. La transition énergétique restera une priorité, mais elle devra épouser des exigences de transparence, de réversibilité et de respect du domicile. À l’inverse, l’électrohypersensibilité déclarée ne peut être balayée d’un revers de main : même si le mécanisme causal est discuté, la réalité vécue des personnes concernées impose une écoute et des mesures de précaution adaptées.
Le révélateur d’une époque
Au fond, l’affaire Linky sert de miroir à des questions plus larges : quel pouvoir de décision conserve-t-on chez soi ? Jusqu’où l’intérêt général peut-il imposer des dispositifs techniques ? Et comment arbitrer quand la science n’apporte pas encore de réponse tranchée ? Entre la volonté d’optimiser nos réseaux et le souhait de préserver notre intimité, tout indique qu’un nouvel équilibre est en train de se dessiner.
Et la fameuse « victoire » ?
C’est ici que tout se joue. Dans le dossier que tu cites, le tribunal administratif de Lyon a rendu, en 2024, une décision inédite : il a donné tort à Enedis et ordonné la désinstallation d’un compteur Linky chez Pierre Cascina, au nom du principe de précaution et de la souffrance reconnue du plaignant. Ce jugement historique — premier du genre — fait désormais office de référence, et pourrait lancer une vague de recours bien au-delà de ce seul logement. Autrement dit, oui, il y a bien eu victoire… et elle pourrait reconfigurer le rapport de force entre technologie, santé et libertés dans nos foyers.
- 25/09/2025 à 04:26Personnellement l’idée n’était pas mauvaise mais, la dangerosité existe. Quand jvais dans une maison où il y a un compteur linky je ne m’y sent pas bien. Je reçois des ondes qui, ne conviennent pas à ma santé.
- 25/09/2025 à 00:39Ils prennent le neutre sur le courant électrique pour envoyer leurs données, mais le neutre passe dans toute la maison une toile d'araignée, c'est malsain ! J'ai desacouple le 1 er étage du rez-de-chaussée ou se trouve le linky il est alimenté par un générateur et maintenant je dors très bien.
- 24/09/2025 à 19:01Le refus d'installer un Linky dans ma résidence principale m'a valu un long contentieux avec ENEDIS, assorti de véritables chantages et de menaces financières à motivation soi-disant légales nationales et européennes, ma motivation étant le refus qu'un collaborateur plus ou moins bien intentionné de mon fournisseur sache à tout moment si mon domicile est occupé ou non. En outre, ce compteur est peu fiable : il a cessé de fonctionner six mois après son installation dans une résidence secondaire. Cela a occasionné un contentieux avec EDF quand il a fallu évaluer la consommation pendant la période de non fonctionnement...
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