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“Si vous refusez, vous aurez une coupure totale d’électricité” : Enedis va multiplier les contrôles des compteurs Linky

Publié par Killian Ravon le 07 Nov 2025 à 23:03

Enedis s’apprête à accélérer ses contrôles chez les particuliers équipés d’un compteur Linky. Après une forte hausse des interventions en 2024 et 2025. L’opérateur du réseau annonce une nouvelle montée en puissance. Avec des visites de techniciens plus fréquentes et des sanctions renforcées en cas d’entrave.

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Technicien Enedis inspectant un compteur Linky dans l’armoire électrique d’un pavillon, tablette en main.
Contrôle à domicile : le technicien vérifie un Linky avant relevé et consigne ses observations.

Un dispositif qui vise la fraude au compteur, mais qui entraîne aussi des contestations d’usagers estimant être accusés à tort.

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Contrôles en hausse : la nouvelle doctrine d’Enedis

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Depuis le début de l’année 2024, Enedis a significativement intensifié ses vérifications. Le nombre d’interventions est passé d’environ 12 000 en 2024 à 30 000 en 2025. Et la cadence doit encore progresser en 2026.

Pour mener cette campagne, les équipes dédiées ont doublé. D’environ 250 agents en 2024 à plus de 500 un an plus tard. L’objectif affiché est limpide. Endiguer une fraude au compteur qui, selon l’entreprise, a déjà coûté plus de 250 millions d’euros depuis 2022. Derrière ces chiffres, une ligne directrice se dessine. La lutte contre les manipulations sophistiquées du matériel et la sécurisation du réseau Enedis.

Cette montée en puissance s’accompagne de procédures standardisées. Les clients ciblés reçoivent un courrier d’avertissement mentionnant une « succession d’événements caractéristique d’une situation de fraude » . Et la programmation d’un contrôle à domicile. Ce choix de mots, très direct, installe d’emblée un cadre quasi contentieux. Avec un calendrier serré et des conséquences explicites en cas de refus.

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Comment les fraudeurs s’y prennent… et pourquoi Enedis riposte

Les méthodes décrites par Enedis se ressemblent souvent. L’ajout d’un câble ou d’un pontage qui permet de « voler » une partie de l’énergie consommée. Les gains, eux, peuvent être considérables : certaines manipulations feraient baisser la facture d’électricité jusqu’à 70 %.

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La viralité des réseaux sociaux ajoute une couche de complexité. On y trouve des « tutos », des démonstrations, voire des services monnayés à quelques centaines d’euros pour intervenir illicitement sur un compteur Linky. Ce phénomène, assumé ou revendiqué par certains profils, alimente la détermination d’Enedis à « faire des exemples ».

L’entreprise, de son côté, considère qu’elle n’a guère d’autre choix que d’augmenter la pression, à la fois pour dissuader les tentatives. Et pour protéger les consommateurs honnêtes. Mais cette fermeté a un corollaire. Une hausse mécanique des contrôles dans les foyers, y compris chez des particuliers qui n’ont rien à se reprocher et qui découvrent. Parfois avec stupeur, la teneur des courriers.

Coffret mural ouvert avec compteur Linky vert intégré dans un muret de rue à Lyon, vue frontale en extérieur en pleine journée.
Un compteur Linky en façade, coffret ouvert, repéré à Lyon.
Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA 4.0
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Un seuil de tolérance très bas : ce que risquent les récalcitrants

Le calendrier est clair dans les lettres envoyées aux ménages. La visite du technicien est annoncée, et l’accès au compteur doit être garanti. En cas de refus d’ouverture de porte ou d’obstruction à l’intervention, Enedis avertit qu’une coupure totale d’électricité peut intervenir dans un délai de dix jours après le passage du contrôleur.

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Cette perspective, très concrète, vise à limiter les arrangements ou les reports indéfinis. Elle place aussi les consommateurs face à un dilemme : accepter la procédure, ou s’exposer à une sanction immédiate aux conséquences domestiques importantes.

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Pour l’opérateur, c’est une question de sécurité du réseau et d’équité entre usagers. Pour de nombreux foyers, c’est une situation anxiogène qui, même en l’absence de fraude, les contraint à se préparer à un contrôle à domicile potentiellement intrusif. Une tension qui explique, en partie, l’essor des témoignages et des recours auprès d’associations.

Gros plan sur l’écran d’un compteur Linky affichant des informations de consommation et d’identification en intérieur.
Gros plan sur l’afficheur d’un boîtier Linky.
Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA 4.0

Quand l’anti-fraude déborde : les accusations contestées

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C’est l’autre versant de cette campagne. À mesure que les contrôles se multiplient, des particuliers affirment être injustement accusés. L’association UFC-Que Choisir a été saisie à de multiples reprises. Son président, Jacky Hébert, insiste : dans les dossiers qui lui remontent, des ménages se retrouvent dans une situation où la charge de la preuve pèse sur eux, alors que ce devrait être au technicien de démontrer la fraude.

Le recours à des « indices » — baisse de consommation d’électricité, variations inhabituelles, événements successifs sur le point de livraison — peut mener à des interprétations hâtives si le contexte n’est pas précisément documenté.

Le cas de Sylvain V., 64 ans, illustre ce risque. À la suite d’une chute de sa consommation entre 2021 et 2023, il a reçu une demande de 1 500 euros. Or, selon lui, le logement était inoccupé après le décès de sa mère en 2020, et il ne s’y est installé qu’en 2023.

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Ce type de trajectoire personnelle, banale mais déterminante, peut suffire à expliquer une « anomalie » sans qu’il y ait la moindre manipulation du compteur Linky. Mais saviez-vous que la simple vacance d’un logement ou un changement d’équipement peut, sur le papier, ressembler à une baisse « suspecte » ?

Compteur Linky jaune-vert fraîchement installé sur une planche bois au mur d’un logement en France, alimentation visible.
Compteur Linky tout juste installé dans un logement.
Crédit : Wikimedia Commons / CC0

Une défiance ancienne envers Linky, ravivée par les contrôles

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La défiance n’est pas née avec cette campagne. Dès son lancement, le compteur Linky a suscité méfiances et rumeurs : atteinte présumée à la vie privée, collecte des données jugée intrusive, inquiétudes autour des ondes. Certaines intox ont circulé avec vigueur, comme l’idée que recouvrir son boîtier de papier aluminium réduirait l’émission d’ondes.

Ces discours, même démentis, ont durablement marqué l’image publique du dispositif. L’augmentation des contrôles et la perspective d’une coupure totale d’électricité en cas de refus risquent d’ancrer encore un peu plus cette perception conflictuelle.

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Pour autant, le cadre reste strict : Enedis avance que ses procédures s’appuient sur des signaux objectifs, que les visites visent d’abord à constater, et que les sanctions ne tombent qu’en cas de blocage manifeste ou de fraude avérée.

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Ce détail que peu de gens connaissent : les lettres évoquant une « succession d’événements » sont calibrées pour déclencher une coopération rapide, car l’analyse à distance ne suffit pas toujours à trancher entre un acte volontaire et une variation de consommation d’électricité parfaitement légitime.

Alignement de pylônes de transport d’électricité au centre de formation du National Grid, conducteurs haute tension sur paysage ouvert.
Pylônes d’entraînement du réseau britannique : travées et isolateurs bien visibles en situation réelle.
Crédit : Wikimedia Commons / Geograph — CC BY-SA 2.0

Que faire si vous recevez un courrier ?

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Sur le plan pratique, mieux vaut éviter le bras de fer. D’abord, préparer la venue du technicien : rendre le compteur Linky accessible, rassembler les éléments factuels (périodes d’absence, travaux, changement d’appareils, installation d’un chauffage ou de panneaux, etc.).

Ensuite, demander un compte-rendu précis de la visite. Enfin, en cas de désaccord, contester par écrit dans des délais raisonnables en s’appuyant sur les faits. L’expérience montre que des éléments simples — logement vacant, deuil, emménagement tardif — peuvent dissiper un soupçon si l’explication est étayée.

Dans les cas où une somme est réclamée, il est possible d’exposer ses observations, d’exiger la justification technique et, si nécessaire, de solliciter l’appui d’une association de consommateurs comme UFC-Que Choisir. La clé est de déplacer la discussion du terrain de l’« impression » vers celui de la preuve. Car si la lutte contre la fraude au compteur est légitime, elle ne doit pas reposer sur des raccourcis.

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Deux pylônes de haute tension reliés par des conducteurs, structures métalliques en treillis sur ciel dégagé, vue latérale.
Duo de pylônes sur une même travée : le schéma classique du transport à haute tension.
Crédit : Wikimedia Commons

Un équilibre à trouver entre fermeté et pédagogie

La campagne d’Enedis répond à un impératif économique et moral : protéger le réseau Enedis et ceux qui payent leur facture d’électricité sans tricher. Mais elle impose aussi une exigence de pédagogie, sous peine d’alimenter la défiance.

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Les contrôles peuvent, paradoxalement, devenir un moment d’information utile : explication des heures creuses, rappel des usages à proscrire, éclairage sur les hausses ou baisses de consommation d’électricité. Dans un contexte où les budgets des ménages sont scrutés à l’euro près, la clarté est un allié précieux.

Au fond, la réussite de cette opération se jouera sur deux plans : la capacité à démanteler les filières qui monnayent des manipulations de compteur Linky, et la justesse des diagnostics chez les particuliers de bonne foi. Si ces deux conditions sont réunies, la tolérance sociale à des contrôles plus fréquents pourrait s’améliorer. À l’inverse, des soupçons mal fondés, répétés, la fragiliseraient durablement.

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Et la sanction ?

Le message est sans ambiguïté : si l’accès au compteur Linky est refusé, la coupure totale d’électricité peut intervenir dans les dix jours suivant le passage du technicien. Cette épée de Damoclès n’est pas qu’une formule ; c’est la pièce maîtresse du dispositif anti-fraude.

Elle vient clore une procédure où les mots ont été soigneusement choisis et où l’escalade est graduée : alerte, visite, sanction. Enedis assume cette fermeté au nom de l’intérêt général. Reste à éviter les faux positifs : et c’est là que se joue, pour beaucoup de ménages, la frontière ténue entre suspicion et réalité.

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Dans plusieurs dossiers signalés, la « baisse anormale » provenait… d’un logement tout simplement inoccupé pendant des mois.

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1 commentaire

  • A
    AlainDuCantal
    08/11/2025 à 18:18
    Il faut expliquer aux lecteurs que, si un logement reste inoccupé, il faut réduire la puissance souscrite ou résilier le contrat !

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