« Comme des animaux »: Jimmy Gressier affirme être dévenu champion du monde « grâce aux contrôles antidopages »
Jimmy Gressier est revenu sur ses mondiaux à Tokyo avec une franchise qui claque. Sacré champion du monde du 10 000 mètres et médaillé de bronze sur 5 000 mètres en septembre, le Français a raconté dans le Super Moscato Show à quel point la lutte antidopage a, selon lui, rebattu les cartes au plus haut niveau.
Sur RMC, il a assumé un message simple : sans un durcissement des contrôles antidopage, sa médaille d’or aurait, peut-être, appartenu à un autre.
“Deux ans en arrière, je ne suis pas champion”
Son constat repose sur une sensation vécue de l’intérieur. D’année en année, Gressier dit avoir vu des coureurs “partir comme des fous” et “ne jamais craquer”, sans même laisser paraître l’effort. Des visages fermes, un souffle qui ne bronche pas, des fins de course “pas possibles”. L’athlète ne lance aucune accusation nominative et insiste sur l’impossibilité de diffamer sans preuves. Mais il assume cette impression persistante qui l’a accompagné longtemps, jusque dans le couloir d’arrivée de certaines grandes courses.
Quand la pression change le paysage
La différence, pour lui, s’est faite quand la pression antidopage a augmenté. “Il y a eu beaucoup plus de contrôles et de pression de ce côté-là.” Cette fermeté, il la compare à une porte qui s’est ouverte : l’accès à un podium plus équitable, où la densité est restée énorme mais où chacun se bat davantage à armes égales. En quelques mots, l’intensification des contrôles aurait resserré l’écart entre les meilleurs et évité que certains profils “inarrêtables” ne fassent dérailler la logique sportive.
Des adversaires “comme des animaux”
La formule a fait mouche. “Ils finissaient comme des animaux.” Dans sa bouche, l’expression ne vise pas l’agressivité, mais l’impression d’inépuisable. Des allures démarrées très fort, qui tiennent jusqu’au ruban sans baisse de régime visible, alors que lui-même évoluait déjà dans le top 15 mondial chaque saison. Le contraste, répété, a nourri ses doutes. Dans son témoignage, Gressier décrit même des adversaires “qui ne respiraient même pas”, le faciès figé, comme “sur un transat aux Maldives”. De quoi alimenter un sentiment d’anomalie.
Derrière la phrase, un contexte de suspensions
Le coureur rappelle aussi un arrière-plan lourd : des suspensions en cascade, notamment au Kenya, pays roi du fond. Il cite le chiffre d’environ 140 athlètes kényans suspendus, avec, dans le lot, des noms majeurs du marathon. Le message est clair : ce climat de sévérité a envoyé un signal à toute la discipline. Les fédérations nationales auraient été mises au pied du mur par l’instance mondiale, sous peine de connaître le sort de la Russie, écartée pour dopage institutionnalisé. Un électrochoc qui, selon lui, a vraiment commencé à produire des effets visibles sur la piste.
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Un sport qui respire mieux
Pour Gressier, la différence ne se mesure pas seulement aux podiums. Elle se voit dans la façon de courir. Les départs toujours plus rapides existent encore, mais les fins de course paraissent moins “hors normes” que ce qu’il a parfois observé. À l’inverse, il décrit un plateau où l’usure réapparaît, où le craquage existe de nouveau. Ces signes, minuscules pour le téléspectateur, racontent beaucoup aux athlètes qui vivent la course métronome au poignet, au souffle près.
Une parole rare, et pesée
Le Français sait que le sujet est inflammable. Il répète ne viser personne et ne pas “être sûr”. Sa prudence est constante : il parle de ressenti, pas de certitudes. Ce qui change tout, ce ne sont pas des rumeurs, mais des procédures. Plus de contrôles, plus de pression, plus de sanctions. Résultat : des courses moins “surhumaines”, une hiérarchie qui bouge, et un titre mondial devenu possible.
Le rôle clé des instances
Au cœur de sa démonstration, il y a un remerciement. Celui adressé aux instances antidopage qui, selon lui, ont fait “un boulot monstre”. Leur fermeté a contraint les fédérations à s’organiser, à suivre des protocoles, à multiplier les tests et à courir le risque d’une suspension générale en cas de laxisme. C’est cette architecture, laborieuse et parfois impopulaire, qui, in fine, aurait rendu aux jambes et aux poumons ce qu’on attend d’eux : décider d’une médaille.
Des mots qui résonnent au-delà de sa course
Ce que dit Gressier dépasse son palmarès. C’est l’idée qu’un sport peut rester spectaculaire sans dériver, que la performance n’a pas besoin d’être invraisemblable pour être belle. En parlant d’“animaux”, il désigne un fantasme du coureur intouchable qui ne transpire pas. En remerciant l’antidopage, il rappelle qu’un cadre strict n’empêche pas l’exploit, il le légitime.
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Un calendrier qui s’accélère… et un sport sommé de rester crédible
Les prochains mois s’annoncent chargés pour le demi-fond, avec des championnats traditionnels où la pression antidopage demeure élevée, mais aussi avec une actualité brûlante autour de pays scrutés de près. Le Kenya, pilier historique du fond, est ainsi ciblé par une procédure de non-conformité ouverte par l’Agence mondiale antidopage, avec des sanctions potentielles si les correctifs exigés ne sont pas apportés dans les délais. Ce rappel à l’ordre illustre la ligne dure imposée par les instances pour garantir l’équité, après des années marquées par un volume élevé de coureurs kenyans suspendus par l’Athletics Integrity Unit.
Pour Jimmy Gressier, qui a déjà expliqué sur RMC combien le durcissement des contrôles a « rebattu les cartes », le message est clair : la route vers les podiums passe désormais autant par la préparation que par le respect strict du cadre, au risque sinon de s’exposer à des exclusions majeures des compétitions internationales.
… pendant qu’une « ligue pro-dopage » prépare son show
En parallèle, un autre feuilleton occupe le terrain médiatique : les Enhanced Games, une compétition privée annoncée pour mai 2026 à Las Vegas, où des athlètes pourraient concourir sous surveillance médicale tout en recourant à des substances amélioratrices autorisées par la loi américaine mais proscrites par le Code mondial antidopage. L’organisation revendique des primes record – jusqu’à 1 million de dollars pour certains records – et affirme avoir séduit des têtes d’affiche issues de la natation et de l’athlétisme.
Face à ce projet, la riposte du monde sportif est nette : WADA a dénoncé une initiative « dangereuse et irresponsable », tandis que World Aquatics a prévenu qu’elle bannirait des compétitions officielles tout participant, coach ou officiel impliqué dans ces Jeux « pro-dopage ». Le contraste est saisissant avec les rendez-vous traditionnels où les contrôles s’intensifient : d’un côté, une vitrine qui promet le spectaculaire en assumant l’« amélioration » pharmaceutique, de l’autre, un sport olympique qui resserre ses garde-fous pour restaurer la confiance. Pour Gressier et ses pairs, ce contexte confirme que l’exploit durable se construit là où la règle protège l’athlète… et la valeur du résultat.
Une médaille gagnée aussi en dehors de la piste
Au fond, son message tient en une image. Son titre n’est pas seulement la photo-finish d’un dernier virage parfait. C’est aussi le fruit d’une mécanique plus large, ce ménage fait dans les coulisses de l’athlétisme. La révélation, il la réserve pour la fin, comme un dernier tour qu’on négocie à l’économie : “C’est aussi grâce à elles que je suis champion du monde.” Les instances antidopage, pour Jimmy Gressier, ont été l’adjuvant invisible de sa plus belle victoire