Indemnités journalières : vers un montant unique pour tous les salariés ?
La Sécurité sociale française fait face à un déséquilibre budgétaire persistant. Après un dépassement estimé à 1,3 milliard d’euros pour l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) en 2025, l’institution cherche des solutions pour limiter la hausse des dépenses. Cette tension financière n’est pas nouvelle, mais elle s’accentue à mesure que le nombre d’arrêts maladie et le coût des indemnités journalières continuent de grimper, fragilisant les comptes de la Cnam.
Les prévisions pour 2026 ont poussé le gouvernement et les partenaires sociaux à envisager des mesures fortes. François Bayrou doit présenter un plan de redressement budgétaire le 15 juillet, et le Medef en a déjà dévoilé plusieurs pistes pour économiser près de 6,5 milliards d’euros. Parmi les propositions, la forfaitisation du montant des indemnités quotidiennes occupe une place centrale.
Les premières alertes de l’Assurance maladie
En juin dernier, la Cnam a tiré la sonnette d’alarme. Elle anticipait une lourde facture pour l’exercice 2025, avec un dépassement de 1,3 milliard d’euros. Pour limiter l’impact, elle avait dévoilé le 24 juin un plan destiné à encadrer la durée des arrêts. Selon l’origine de la prescription, médicale de ville ou hospitalière, l’indemnisation serait limitée à deux ou quatre semaines.
L’objectif affiché était de garantir un suivi plus rapproché des patients, tout en modérant la dépense. Pour 2023, les indemnités journalières ont déjà coûté 10,2 milliards d’euros à la Sécu. Face à ces chiffres, toute proposition de contrôle ou de plafonnement suscite l’attention et la crainte des salariés.
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Le rôle du Medef dans le débat
Le 9 juillet, le patronat est monté sur le devant de la scène. Yves Laqueille, vice-président du Medef et administrateur de l’Assurance maladie, a présenté une méthode pour contribuer au redressement des comptes. Selon lui, la complexité actuelle du calcul des indemnités journalières pèse sur l’efficacité du système et sur la compréhension des assurés.
Le Medef avance que, depuis le 1er avril. Le montant journalier est égal à la moitié du salaire de référence. Dans la limite de 1,4 Smic. Avant cette date, ce plafond était fixé à 1,8 Smic. Pour nombre de salariés, le calcul aboutit à un versement oscillant entre 0,5 et 0,7 Smic par jour. Créant des inégalités difficiles à assumer pour ceux qui ne disposent pas d’une couverture complémentaire.
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Le mécanisme actuel des indemnités journalières
Aujourd’hui, le montant des indemnités journalières dépend du montant du salaire de référence du salarié et du plafond fixé par la réglementation. Cette méthode reflète la logique contributive du système. Mais elle impose des démarches administratives lourdes et peut aboutir à des justices apparentes. Un salarié faiblement rémunéré percevra proportionnellement moins. Tandis qu’un cadre au salaire élevé doit composer avec un plafond qui rabote sa perte de revenu.
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En pratique, de nombreux assurés se retrouvent à devoir avancer des frais ou à demander une aide complémentaire. Lorsque le différentiel entre salaire et indemnité est trop important. Cette situation alimente un sentiment de précarité et accroît les appels au fonds de solidarité ou aux aides sociales.
Les arguments en faveur de la forfaitisation
Pour simplifier le dispositif, le Medef propose de forfaitiser le montant des indemnités journalières. Plutôt que de calculer chaque jour le montant exact en fonction du salaire, le système rembourserait tous les salariés sur une base identique, à un pourcentage du Smic. Cette mesure rendrait la gestion plus lisible pour les assurés et pour l’administration.
Selon les estimations du Medef, une indemnisation fixe permettrait de réaliser 150 millions d’euros d’économies supplémentaires. Le gain viendrait de la réduction des écarts observés, notamment lorsque les revenus élevés perçoivent des indemnités à hauteur du plafond. En instaurant un barème uniforme, l’enveloppe globale allouée pourrait être mieux calibrée.
Les critiques et risques potentiels
Cependant, la forfaitisation n’est pas sans inconvénients. Plusieurs experts avertissent que la mesure peut pénaliser les salariés les moins bien rémunérés, surtout ceux disposant d’une ancienneté limitée et d’une mutuelle d’entreprise restreinte. Un plafond trop bas réduirait l’effort de solidarité, déporterait le coût sur les complémentaires ou sur les finances personnelles, et aggraverait la fracture sociale.
Le Medef lui-même met en garde contre un taux trop faible. Un seuil à 0,5 Smic, par exemple, risquerait d’entraîner une perte de pouvoir d’achat significative pour une large part des actifs. Pour cette raison, l’organisation patronale suggère d’opter pour un montant intermédiaire, garantissant un niveau de couverture suffisant tout en réalisant des économies.
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Les positions des syndicats et des experts
Du côté des syndicats, l’annonce a été accueillie avec prudence. Les représentants des salariés redoutent un recul social déguisé et réclament des garanties sur le maintien d’un niveau de revenus décent. Ils plaident pour une harmonisation progressive plutôt que pour une réforme brutale du calcul.
Plusieurs économistes soulignent que l’impact budgétaire de la forfaitisation dépendra fortement du niveau fixé. S’il s’avère trop élevé, les économies seront minimes ; s’il est trop bas, la mesure deviendra injuste. L’enjeu est donc de trouver un compromis acceptable pour l’État, les entreprises et les assurés, dans un contexte où la confiance dans le modèle social est déjà fragilisée.
Les implications pour les salariés
Pour les actifs, ce changement pourrait modifier la gestion de leurs finances en cas de maladie. Une indemnité journalière forfaitaire simplifiera la compréhension du dispositif, mais supprimera l’effet proportionnel de la contribution. Certains salariés verront leur compensation augmenter, d’autres la voir diminuer.
Cette évolution nécessitera une communication claire de la part de l’Assurance maladie, afin de préparer les assurés et d’anticiper les répercussions. Les services de ressources humaines devront également adapter leurs pratiques, notamment pour l’information des nouveaux embauchés et la gestion des pauses santé.
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Les étapes à venir et le calendrier législatif
La proposition du Medef coïncide avec la préparation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026. Les débats budgétaires doivent débuter à la rentrée prochaine. D’ici là, le gouvernement recueillera les avis du Conseil d’Orientation des Retraites, de la Cnam, des syndicats et des partenaires sociaux.
Un groupe de travail pourrait être constitué pour examiner l’impact socio-économique de la forfaitisation. Selon l’agenda parlementaire, les discussions en commission pourraient intervenir dès octobre, avec un vote attendu avant la fin de l’année.
Après avoir exposé les enjeux financiers de la Sécurité sociale, rappelé les premières mesures de la Cnam et détaillé la proposition du Medef, il convient de retenir l’information essentielle : le patronat suggère de forfaitiser les indemnités journalières à un montant unique, fixé à 0,58 Smic par jour.