Elle avait une sublime vue sur la mer : un promoteur fait construire un mur de béton de plus de 2 mètres de haut juste devant sa terrasse
Jusqu’ici, Liz Bates profitait d’une terrasse ouverte sur l’horizon. Sa maison familiale, posée près de la plage de Poole au Royaume-Uni, vivait au rythme des marées et des saisons. Puis les travaux d’un projet de résidences de standing ont démarré à quelques mètres. En quelques jours, un mur de 2,4 m de haut s’est dressé juste devant sa propriété et a comme avalé la ligne bleue de la mer.
Pour la quadragénaire, le choc est immédiat. Sa vue disparaît, son quotidien bascule. Elle se tourne alors vers les autorités locales et engage des démarches, persuadée que la situation ne peut pas en rester là.
Une maison habitée depuis un siècle, et soudain « coincée »
Liz Bates insiste sur l’ancrage de sa famille. La maison est là depuis cent ans. Elle y a grandi, elle y élève les siens. Partir pourrait être une solution, mais ce n’est plus envisageable selon les agents immobiliers qu’elle a consultés. Avec ce mur, la propriété aurait perdu environ 50 000 livres de valeur, soit un peu plus de 57 000 euros. Vendre n’équilibrerait plus le projet d’un nouveau départ. La famille se sent coincée.
Au-delà de la question patrimoniale, la gêne s’invite au quotidien. La proximité du chantier change l’atmosphère de la maison. Les portes et les fenêtres restent souvent fermées, par souci de tranquillité et d’odeurs. Dans l’allée, des parpaings ont même été déposés. La frontière entre l’espace privé et la zone de travaux semble s’être brouillée.
« Terrasse » sur plan, terrasse surélevée dans les faits
Dans ce dossier, un mot concentre l’incompréhension : terrasse. Le permis de construire mentionne bien une terrasse. Selon Liz Bates, aucun plan détaillé ne précisait clairement sa position. La famille pensait donc logiquement qu’elle s’installerait à l’avant des futurs appartements, côté mer, comme une suite naturelle de façades alignées.
La réalité est toute autre. D’après son récit, la terrasse a été conçue au-dessus du mur du premier étage, créant une masse de béton qui obstrue désormais la perspective depuis la maison de Liz. La différence entre l’image qu’on se fait d’un projet sur le papier et son exécution concrète apparaît ici dans toute sa rudesse.
Quand la plage se transforme en écran de béton
Le mur de béton est devenu le symbole du conflit. Il n’est pas seulement une structure. C’est ce qui sépare, désormais, une famille de son paysage. Une construction utilitaire pour l’un, une barrière injuste pour l’autre. L’émotion affleure, parce que la mer n’est pas qu’un décor. C’est une respiration, une lumière, un sentiment de chez-soi.
Dans la petite station maritime, l’affaire fait forcément parler. Il y a ceux qui estiment qu’un quartier vivant se construit avec de nouveaux logements. Il y a ceux qui voient dans ce mur un non-sens, une décision déconnectée du tissu local et des usages du bord de mer.
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De la plainte intime à l’argument juridique
Face à ce bouleversement, Liz Bates a engagé un bras de fer juridique. Elle ne sait pas si elle obtiendra gain de cause, mais elle veut clarifier ce qui peut l’être. Les mots qu’elle emploie traduisent sa colère et sa détresse. Elle parle d’une situation qui la révolte, de choix qu’elle juge provocateurs. Dans son esprit, l’intérêt des riverains a été relégué derrière la logique d’un projet qui avance coûte que coûte.
Là où la plainte intime rencontre le droit, le dossier change de terrain. On ne discute plus seulement d’esthétique ou de confort de vie. On interroge ce que la réglementation autorise vraiment, et ce qu’elle ne garantit pas.
La défense du promoteur : il dit agir « dans son droit »
Côté chantier, la réponse est ferme. Le promoteur, Eddie Fitzsimmons, qui dirige la société Vivir Estates, assume la conduite du projet. À ses yeux, le permis encadre les travaux et la construction. Il affirme que son entreprise respecte la loi et que le programme, une fois terminé, améliorera l’environnement du quartier.
Il avance un argument de marché. Selon lui, ce type de réalisation doit, à terme, tirer les prix de l’immobilier vers le haut. Le mur qui scandalise aujourd’hui serait la contrepartie provisoire d’un projet plus large, pensé pour revaloriser un front de mer très convoité.
La valeur d’une vue, entre attachement et spéculation
La vue sur la mer n’est pas anecdotique. Dans la plupart des villes littorales, elle pèse lourd, autant dans la qualité de vie que dans le prix d’une maison. Perdre cette ouverture, c’est perdre la lumière, l’espace mental, et souvent une part de la valeur du bien. C’est précisément ce que Liz Bates met en avant pour expliquer son impossibilité de déménager.
A contrario, les promoteurs invoquent souvent la nécessité de densifier avec des résidences de standing dans des secteurs prisés, pour répondre à la demande et soutenir l’activité locale. Entre l’intérêt privé et l’intérêt économique, l’équilibre est délicat, surtout lorsqu’un dossier se joue à quelques mètres d’une terrasse familiale.
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Une histoire qui parle à tous les riverains du littoral
Ce qui se passe à Poole résonne bien au-delà du Dorset. Beaucoup d’habitants de la côte connaissent cette inquiétude qui naît à l’annonce d’un projet voisin. Il y a la peur de voir son quotidien transformé, l’ensoleillement diminué, les nuisances accrues. Il y a aussi la crainte d’une dépréciation immobilière qui enferme les ménages dans des choix subis.
Cette affaire met en lumière une question simple et pourtant centrale : à qui appartient l’horizon. À celui qui habite déjà là et s’y sent chez lui. À ceux qui arrivent avec des plans, des capitaux et l’ambition de revaloriser un secteur. Aux deux, sans doute, mais pas toujours dans la même mesure.
Entre règles, permis et perceptions, le flou qui fâche
Le cœur du conflit tient aussi à la compréhension du dossier. Une mention de terrasse dans un permis peut paraître évidente pour des professionnels. Pour un riverain, elle peut rester ambiguë sans plans très explicites. De cette zone grise naissent des déceptions, des procès d’intention et des accusations de provocation.
La morale de l’histoire, c’est qu’un chantier peut respecter ses autorisations et pourtant abîmer profondément la confiance de ceux qui le subissent. Les murs, parfois, se dressent autant dans le paysage que dans les relations de voisinage.
Le récit médiatique, entre émotion et faits
L’affaire a été relatée dans la presse, notamment par The Sun, puis reprise par Midi Libre. Les citations et les chiffres mis en avant structurent un récit où se mêlent témoignage et arguments. On y lit la colère d’une mère de famille, la baisse estimée de son bien, les explications du promoteur. Le public se forge une opinion en quelques lignes, à partir d’images fortes et d’éléments factuels.
Ce traitement médiatique explique aussi la vitesse à laquelle un dossier local devient une affaire d’intérêt général. Ce qui choque à Poole interroge tous ceux qui vivent près d’un littoral convoité, en France comme au Royaume-Uni.
La bataille n’est pas seulement devant les tribunaux
Pour Liz Bates, la procédure est une étape. Mais l’enjeu dépasse le cadre strict du droit. Il s’agit d’obtenir une reconnaissance de ce qui a été perdu, et peut-être un geste qui répare symboliquement la blessure. Pour le promoteur, il s’agit de tenir un calendrier, de livrer un projet qui doit faire ses preuves dans la durée.
Entre ces deux lignes, la négociation reste possible. Des aménagements, des écrans végétaux, des solutions partielles peuvent parfois réduire les tensions. Mais rien ne rend la mer visible tant que le mur reste là.
Au terme de cet affrontement, un point de droit pèse lourd et explique la confiance affichée par le promoteur immobilier. Dans cette affaire, il rappelle un principe simple, mais décisif pour l’issue du dossier : au Royaume-Uni, aucun propriétaire n’a un droit garanti à la vue. Selon Eddie Fitzsimmons de Vivir Estates, le projet est dans son droit et doit, à terme, améliorer le quartier, même si des riverains perdent leur vue sur la mer.
- 26/09/2025 à 09:55Même si l'oubli est constant, la vue sur mer n'appartient à personne comme elle appartient à tout le monde, tout comme la mer elle-même.
- 24/09/2025 à 18:45Malheureusement, un fois de plus, le fric passe avant l'humain...
2 commentaires