489 000 euros de droits de succession : la lourde sanction d’un PACS frauduleux
Se pacser pour contourner l’impôt peut coûter extrêmement cher. C’est le message très clair envoyé par le Comité de l’abus de droit fiscal, qui a confirmé en septembre 2025 la fictivité d’un PACS conclu entre un employeur âgé et son assistant de vie.
À la clé, une taxation à 60 % comme entre non-parents et une majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. Voici ce que l’on retient de cette affaire qui fait figure d’avertissement.
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Un Pacs « technique » entre un octogénaire et son assistant de vie
Tout commence en 2019. Un homme de 81 ans, lourdement handicapé depuis 2012, signe un PACS notarié avec son assistant de vie. Dans le même temps, il le désigne légataire universel. Deux ans plus tard, en 2021, au décès de l’employeur, le partenaire survivant hérite de l’intégralité du patrimoine. Conformément à l’article 796-0 bis du Code général des impôts, les partenaires pacsés peuvent bénéficier d’une exonération totale de droits de succession, à condition que l’union soit réelle et accompagnée d’un testament adapté.
Au départ, rien ne semble anormal : le montage s’appuie sur un cadre légal connu, souvent rappelé par les professionnels du droit. Mais l’administration fiscale s’en mêle rapidement. Un contrôle met en lumière des incohérences, au premier rang desquelles l’absence de la vie commune, pilier du pacte civil de solidarité. Le Comité de l’abus de droit fiscal, saisi pour avis, va alors examiner minutieusement la situation.
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Le « faisceau d’indices » qui a tout fait basculer
Dans ce type de dossier, le fisc ne recherche pas un « smoking gun » mais un faisceau d’indices convergents. Premier élément : malgré la mention d’une adresse unique dans la convention de PACS, chacun a conservé sa résidence. Les déclarations de revenus et les bulletins de salaire de l’assistant renvoient à son ancien domicile, pas à celui du défunt. Autre détail révélateur : après l’enregistrement du PACS, les factures d’énergie du logement du défunt ne montrent aucune hausse significative de consommation, alors qu’une cohabitation réelle en provoque généralement une.
S’ajoute un épisode troublant lors de la succession. Le partenaire survivant déclare d’abord le logement du défunt comme résidence du couple pour obtenir l’abattement de 20 % applicable à la résidence principale. Puis il se rétracte. Cette volte-face n’a pas convaincu : pour le Comité, elle accentue le caractère artificiel de la situation.
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Quand le contrat de travail se heurte aux obligations du PACS
Le point déterminant reste néanmoins le lien professionnel entre les deux hommes. L’assistant travaillait au domicile du défunt depuis 2013. Or, l’article 515-4 du Code civil impose aux partenaires pacsés une aide matérielle et une assistance mutuelle. En clair, l’esprit du PACS suppose une solidarité gratuite inhérente à l’union, pas la rémunération d’une présence 24 h/24 au titre d’un emploi.
Ici, les tâches accomplies – soins, accompagnement, présence constante – correspondaient précisément à ce que l’union fait naître comme obligations d’assistance. Pour le Comité, le contrat de travail rémunérait donc des prestations qui auraient dû découler naturellement de la relation de couple si celle-ci avait été réelle. C’est un indice fort d’une union sans réalité conjugale.
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Abus de droit : le Comité valide la requalification la plus sévère
Au vu de ces éléments, le Comité conclut que le PACS a été contracté dans un but exclusivement fiscal : bénéficier d’un régime de faveur en matière successorale sans assumer les attributs d’une union. L’administration a alors mis en œuvre la procédure d’abus de droit prévue par l’article L.64 du Livre des procédures fiscales, la plus lourde de l’arsenal : éjection du montage et application de la fiscalité de droit commun entre non-parents, soit 60 % de droits de mutation.
Parce que l’intention frauduleuse a été retenue, la note s’envole : près de 489 000 € à régler, assortis d’une majoration de 80 %. Dans l’échelle des sanctions, on est au sommet. C’est d’autant plus marquant que le partenaire survivant pensait justement être totalement exonéré, comme la loi le permet lorsque l’union est sincère et qu’un testament est prévu.
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Le cadre légal : ce que le PACS autorise… et ce qu’il n’autorise pas
Le PACS est un contrat civil, pas un outil d’optimisation à géométrie variable. Il ouvre droit à l’exonération des droits de succession entre partenaires, mais à une condition non négociable : l’union doit être réelle. Cela suppose une résidence commune, une vie partagée et des engagements réciproques. Sans ces éléments, l’administration peut requalifier l’opération et retirer l’avantage fiscal.
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Beaucoup l’ignorent : la preuve de la vie commune repose sur des éléments concrets du quotidien. Des factures corroborant la cohabitation, des démarches administratives cohérentes, des habitudes de vie croisées… À l’inverse, conserver chacun son logement, persister à percevoir son salaire à une autre adresse, ou ne pas montrer de traces d’un ménage commun, c’est prendre le risque d’une remise en cause globale. Mais saviez-vous que même le niveau de consommation d’énergie peut, dans ces dossiers, devenir un indicateur scruté de près ?
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Depuis 2019, une vigilance renforcée contre les « PACS de circonstance »
Le contexte institutionnel accentue encore cette prudence. Depuis la réforme de 2019, l’abus de droit existe aussi « à motif principalement fiscal » : l’administration peut contester une opération dont la motivation dominante est de réduire l’impôt, même si elle respecte les formes. Dans les unions, cela vise les « PACS de circonstance » mis en place juste pour capter une exonération successorale.
Concrètement, une stratégie patrimoniale doit s’inscrire dans une réalité de vie. Utiliser le PACS comme un simple levier fiscal revient à jouer avec le feu. L’affaire examinée par le Comité le rappelle sans détour : les montages artificiels sont identifiés et sanctionnés, surtout quand ils tentent d’atteindre un résultat étranger aux objectifs du contrat.
Ce qu’il faut retenir pour éviter le faux-pas fiscal
Cette décision n’interdit évidemment pas de préparer une transmission dans le cadre d’un PACS. Elle rappelle simplement les limites. Pour bénéficier des avantages prévus par la loi, il faut accepter ce que la loi attend en retour : une vie commune effective, des comportements cohérents et l’absence d’indices de pure opportunité. Dans la pratique, cela signifie aligner l’ensemble des démarches : adresse, déclarations, habitudes domestiques et gestion du logement.
Si une relation s’inscrit d’abord dans un lien professionnel, la prudence impose de se demander si les missions rémunérées ne recoupent pas l’assistance que le PACS est censé inclure de plein droit. Ce détail que peu de gens connaissent a été décisif ici : c’est précisément parce que le contrat de travail couvrait des prestations d’assistance qu’aux yeux du Comité, l’union n’avait pas de réalité conjugale… et c’est ce point, davantage encore que la question de l’adresse, qui a fait s’effondrer le montage.
En résumé, un PACS cohérent, vécu et assumé peut bel et bien protéger le partenaire survivant. Mais un PACS artificiel, construit pour contourner l’impôt, expose à la requalification et à une facture qui, comme dans ce dossier, peut grimper à près de 489 000 €.
- 12/11/2025 à 07:48Il suffisait à la personne âgée d'adopter officiellement son aide soignant!...
- 08/11/2025 à 10:20En fait, le présent article est un mode d'emploi pour réussir à créer un PACS bidon.
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