Amazon a du souci à se faire : après Shein et Temu, JD.com débarque avec « Joybuy » et vise la France (et l’Europe)
Deux ans après un premier essai discret, le géant chinois JD.com revient à la charge en Europe. Avec « Joybuy », une nouvelle plateforme lancée en version bêta en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg, le groupe veut jouer dans la cour d’Amazon tout en grignotant des parts à AliExpress. Pari ambitieux dans un marché déjà tendu, mais JD.com ne manque pas d’arguments.
À la manœuvre, un mastodonte né à Pékin en 1998 et passé très tôt au e-commerce (en 2004) : son atout maître ? Une logistique intégrée réputée pour sa vitesse et sa fiabilité. Mais saviez-vous que Joybuy n’est pas un saut dans l’inconnu ? La plateforme reprend le flambeau d’Ochama, et même les comptes existants sont appelés à migrer.
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JD.com veut rejouer la partie en Europe, cette fois en frontal
Le décor est planté : alors que Shein et Temu attirent les foules, JD.com avance une stratégie différente. Là où les marketplaces misent souvent sur un gigantesque agrégat de vendeurs, JD.com a bâti sa réputation sur une vente en direct d’une grande partie du catalogue. Cette approche lui permet de promettre qualité et authenticité, notamment sur l’électronique et le haut de gamme. En lançant Joybuy, le groupe exporte ce positionnement sur le Vieux Continent.
La nouveauté n’est pourtant pas totale. JD.com a déjà tenté une percée avec Ochama, un concept mêlant commandes en ligne et retrait en magasin. L’initiative n’a pas rencontré le succès espéré. Joybuy marque donc un changement de braquet : plus généraliste, plus lisible pour le grand public, et surtout disponible dès maintenant en France, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique et Luxembourg. Une version bêta qui sonne comme un échauffement… avant match.
Dans les coulisses, un autre élément pèse : JD.com n’est pas une marque inconnue des professionnels. Fondé par Richard Liu à la fin des années 1990, le groupe a vécu de l’intérieur la mutation du commerce chinois. Le « virage » 2004 (passage au tout-en-ligne) a ouvert la voie à un réseau logistique intégré couvrant l’immense marché de l’Empire du Milieu. Autrement dit : si JD.com se lance en Europe, ce n’est pas pour jouer le rôle d’outsider.
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La carte maîtresse : une logistique déjà bien implantée en France
La logistique est le cœur du réacteur. C’est même l’argument numéro un de JD.com pour Joybuy. Le groupe dispose déjà d’une infrastructure dans l’Hexagone, où il s’approvisionne en produits destinés à ses clients chinois. Ce détail que peu de gens connaissent : avant même de vendre massivement en France, JD.com y achète et y fait circuler des marchandises, ce qui lui donne un pied solide sur le terrain opérationnel.
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Cette présence, JD.com compte l’exploiter pour se mesurer à Amazon, référence absolue de l’exécution en ligne en Europe. Le message est limpide : avec Joybuy, l’objectif est de titiller le géant américain, tout en grappillant des parts à AliExpress (Alibaba), déjà très installé chez nous. L’idée ? S’appuyer sur un contrôle poussé de la chaîne d’approvisionnement, afin de rendre l’expérience d’achat prévisible et fiable.
La promesse est stratégique. Dans un e-commerce où la confiance se joue sur la rapidité et le service après-vente, avoir la main sur l’entrepôt, le transport et parfois la livraison change tout. JD.com l’a prouvé en Chine ; Joybuy doit maintenant le traduire sur un terrain européen aux réglementations strictes et aux attentes clients très élevées.
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Un modèle opposé à Alibaba : vendre en direct pour garantir l’authenticité
Autre singularité importante : JD.com n’est pas bâti comme Alibaba. Quand AliExpress se pose en intermédiaire entre vendeurs et acheteurs, JD.com vend en direct une grande partie de sa sélection. Cette différence n’est pas qu’un détail juridique. Elle permet à JD.com d’engager sa responsabilité sur les produits, d’en maîtriser mieux la provenance et de promettre moins de mauvaises surprises sur des catégories sensibles comme l’électronique, l’électroménager ou certains articles premium.
Pour Joybuy, c’est une arme de différenciation. Dans un marché inondé d’offres et de prix cassés, se positionner sur la fiabilité et la traçabilité peut séduire une clientèle fatiguée des fiches produits floues et des délais aléatoires. Surtout en France, où l’exigence sur le service et le SAV est particulièrement scrutée. Reste à voir si cette promesse saura se matérialiser à grande échelle hors de Chine.
Et un clin d’œil historique s’impose : au départ, en 1998, JD.com n’était qu’une petite boutique d’électronique à Pékin. C’est en 2004 que le groupe bascule franchement en ligne, capitalisant très tôt sur l’intuition que la logistique intégrée serait la clé d’un e-commerce durable. Vingt ans plus tard, Joybuy tente de répliquer cette recette en Europe.
Un timing risqué : polémiques, réglementation et hypersensibilité des commerçants
Le contexte en France n’est pas anodin. Les plateformes Temu et Shein enchaînent les controverses, qu’il s’agisse des prix ultra-bas, des conditions sociales supposées chez certains fournisseurs ou encore de l’impact sur le commerce local. Il y a quelques semaines, l’annonce de boutiques Shein en France a été reçue comme une provocation par des commerçants déjà fragilisés. Ce climat électrique façonne nécessairement l’accueil réservé à de nouveaux entrants.
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JD.com en a conscience. Le pari est d’autant plus osé que la France et l’Europe affinent sans cesse le cadre réglementaire autour des marketplaces, des retours, de la sécurité produit et de la fiscalité. Joybuy devra donc composer avec un environnement exigeant, où le moindre faux pas peut faire basculer l’opinion. Mais ce n’est pas forcément un handicap : un acteur procéduralement rigoureux et transparent peut tirer son épingle du jeu face à des concurrents perçus comme opaques.
Question clé : les consommateurs français, séduits par les prix de Temu et Shein, seront-ils prêts à miser sur un nouvel acteur promettant surtout de la fiabilité ? Le prix demeure souvent le premier critère. La notoriété de JD.com étant encore faible chez nous, Joybuy devra convaincre par la preuve (livraisons qui arrivent comme prévu, produits conformes, SAV efficace).
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Joybuy, suite d’Ochama : une migration en coulisses pour un nouveau départ
Un détail qui change tout : selon LSA Conso, Joybuy n’est autre que la nouvelle version d’Ochama. Concrètement, les comptes existants sont progressivement basculés vers le nouveau site. Cette décision éclaire la stratégie de JD.com : plutôt que d’entretenir deux marques en parallèle, le groupe consolide ses efforts sous une bannière plus lisible à l’international.
Ce rebranding témoigne d’un apprentissage. Ochama a servi de laboratoire ; Joybuy veut être la vitrine. En coulisses, cela laisse penser que JD.com a ajusté son assortiment, son parcours d’achat et, surtout, l’exécution logistique côté Europe. Un pragmatisme typique des géants chinois : tester, itérer, re-lancer.
Dans cet esprit, la version bêta en cours dans cinq pays européens permet de mesurer la réception et d’affiner. Le vrai rendez-vous se jouera au moment où Joybuy sortira de la bêta, avec une communication plus assumée et, peut-être, des promotions ciblées pour accélérer la conquête.
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Une concurrence frontale avec Amazon… mais un match à plusieurs bandes
Impossible d’ignorer Amazon, omniprésent dans les habitudes d’achat. Joybuy vise clairement à l’asticoter. Mais le match ne se joue pas seulement à deux. En Europe, AliExpress reste ultra-concurrentiel sur les prix, Shein capte l’ultra-fast fashion, et Temu dynamise la demande par un marketing agressif.
Dans cet échiquier, JD.com pousse une autre proposition de valeur : contrôle du catalogue (par la vente en direct), fiabilité logistique, authenticité des produits. De quoi séduire un public prêt à payer un peu plus pour éviter la roulette des colis déceptifs. Reste une inconnue : la pédagogie à mener pour expliquer pourquoi Joybuy n’est pas « un Temu de plus ».
Et voici la révélation que peu ont en tête : si Joybuy arrive seulement maintenant sur vos écrans, le groupe derrière la marque opère déjà en France depuis des années… côté approvisionnement. Autrement dit, ce « nouvel entrant » connaît déjà nos routes, nos entrepôts et nos flux.