Trump souhaite que les Français fournissent l’historique de leurs réseaux sociaux pour aller aux États-Unis
L’entrée sur le territoire américain pourrait bientôt devenir encore plus intrusive pour les voyageurs, y compris les Français. L’administration Trump envisage de durcir les règles pour ceux qui se rendent aux États-Unis sans visa, via le dispositif d’exemption de visa.
Derrière ce projet, une idée centrale : transformer les traces numériques laissées en ligne en véritable filtre à l’entrée du pays, avec des conséquences possibles pour des millions de voyageurs… dont la portée exacte se précise seulement en lisant les détails du texte.
Un tour de vis de plus sur l’entrée aux États-Unis
Depuis des années, les États-Unis s’appuient sur le programme d’exemption de visa pour accueillir certains voyageurs sans imposer de longue procédure consulaire. Les ressortissants de 42 pays, dont la France, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, Israël, le Japon ou encore la Corée du Sud, peuvent actuellement séjourner jusqu’à quatre-vingt-dix jours sur le sol américain sans visa classique, à condition d’obtenir au préalable une autorisation de voyage électronique connue sous le nom d’ESTA.
Début décembre 2025, un avis publié dans le journal officiel américain, le Federal Register, est venu bouleverser ce dispositif que les voyageurs connaissaient par cœur. Le texte détaille une série de nouveaux champs à ajouter au formulaire existant, avec une logique simple : en savoir beaucoup plus sur ceux qui se présentent aux portes du pays. Sauf blocage devant les tribunaux, ces changements pourraient être appliqués dans un délai d’environ soixante jours, ce qui laisse peu de temps pour la contestation.
Ce durcissement intervient dans un contexte politique où les questions de sécurité sont mises en avant. L’administration Trump assume une ligne de fermeté à l’égard des entrants, après des années marquées par des polémiques sur les politiques migratoires et les restrictions déjà imposées à certains ressortissants étrangers.
Des millions de voyageurs concernés, dont les Français
Ce projet ne cible pas une petite minorité de visiteurs, mais une large partie des touristes étrangers qui se rendent chaque année aux États-Unis. Les ressortissants des 42 pays concernés par l’exemption de visa sont précisément ceux qui voyagent le plus pour des séjours touristiques ou professionnels de courte durée.
Les voyageurs français font partie du lot : ils sont nombreux à profiter de l’ESTA pour partir quelques jours à New York, en Californie ou en Floride sans avoir à passer par un consulat. Même chose pour les Britanniques, les Allemands, les Australiens, les Japonais ou encore les Israéliens, qui représentent une clientèle touristique essentielle pour le pays.
Jusqu’ici, l’ESTA demandait déjà une foule d’informations personnelles : identité complète, numéro de passeport, détails du voyage, réponses à des questions de sécurité ou encore adresse de séjour sur place. Mais les autorités veulent désormais aller bien au-delà de ces données classiques. Et c’est précisément là que se cache le cœur du projet.
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Quand l’ESTA devient un fichier de plus en plus complet
La nouvelle version envisagée du formulaire renforce d’abord des points déjà sensibles : la collecte d’adresses électroniques et de coordonnées téléphoniques. Selon l’avis officiel, les services des douanes américaines (CBP, Customs and Border Protection) souhaiteraient enregistrer tous les numéros de téléphone utilisés par le demandeur au cours des cinq dernières années.
Même logique pour les courriels : les autorités envisagent de récupérer la liste des adresses utilisées au cours des dix dernières années. Pour beaucoup de voyageurs, cela représente une bonne partie de leur vie numérique, entre courriels personnels, comptes professionnels, changement de fournisseurs d’accès ou migration vers de nouveaux services.
Le formulaire ne s’arrêterait pas là. Les autorités entendent aussi collecter des informations très détaillées sur les membres de la famille : noms, numéros de téléphone, dates et lieux de naissance, adresses de résidence. En clair, le périmètre de la collecte de données personnelles ne se limiterait plus à la seule personne qui remplit la demande, mais s’étendrait à son entourage proche.
Officiellement, ces informations supplémentaires doivent aider au contrôle aux frontières et à la détection de profils jugés à risque. Mais elles participent aussi à transformer l’ESTA en une sorte de fichier biographique extrêmement poussé, où chaque petit morceau d’identité peut être croisé avec d’autres bases de données.
Un durcissement dans un climat de surveillance accrue
Ce projet ne tombe pas du ciel. Depuis plusieurs années, les États-Unis ont renforcé de manière continue la surveillance des personnes qui entrent sur leur territoire. Le fameux « travel ban » visant des ressortissants de certains pays avait déjà marqué une étape importante dans cette logique de tri serré.
Dans le même esprit, l’administration a récemment relevé les droits d’entrée dans les parcs nationaux pour les visiteurs étrangers, au nom d’une priorité donnée d’abord aux Américains. Derrière ces décisions, un message implicite s’installe pour de nombreux touristes étrangers : venir passer quelques jours sur place demande désormais d’accepter un niveau de contrôle toujours plus élevé, voire intrusif.
Le secteur du tourisme américain en ressent déjà les effets. D’après les prévisions professionnelles, les arrivées de voyageurs étrangers devraient reculer d’environ 6,3 % en 2025 par rapport à 2024. Un chiffre qui, sans être spectaculaire, confirme une tendance au ralentissement. Entre la perception d’un pays plus fermé, la crainte de procédures interminables aux aéroports et les polémiques politiques, certains préfèrent se tourner vers d’autres destinations.
Et ce mouvement pourrait encore s’amplifier si la suspicion numérique devient la norme à l’entrée du territoire. Beaucoup de voyageurs acceptent les contrôles classiques aux frontières, mais hésitent dès qu’il est question de fouiller dans leur vie en ligne.
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La pression de la Coupe du monde 2026 en toile de fond
Autre élément de contexte rarement mis en avant mais bien présent dans le calendrier : la Coupe du monde 2026 de football, coorganisée par les États-Unis, le Canada et le Mexique. Cet événement planétaire doit attirer des centaines de milliers de supporters du monde entier dans les stades nord-américains.
Pour Washington, cette affluence exceptionnelle représente autant un enjeu de rayonnement qu’un défi sécuritaire. Les autorités veulent pouvoir filtrer efficacement les flux de supporters, détecter les profils jugés problématiques et garder la main sur ce qui se passe aux frontières. Dans cette logique, renforcer les questionnaires de l’ESTA apparaît comme un levier pratique, puisque la plupart des visiteurs concernés passeront par ce dispositif.
Mais saviez-vous que ce contexte sportif pourrait aussi transformer l’expérience des voyageurs les plus ordinaires, ceux qui viennent simplement visiter un parc national ou faire un road trip ? À mesure que les grands événements approchent, les systèmes de contrôle sont rarement allégés : ils ont plutôt tendance à rester en place, voire à s’étendre à d’autres catégories de voyageurs.
Les supporters ne seraient donc pas les seuls à subir ces nouvelles exigences. Des familles venues en vacances, des étudiants en séjour linguistique ou des couples en lune de miel pourraient eux aussi se voir demander des informations bien plus détaillées que par le passé.
Ce détail que peu de voyageurs ont vu venir
Au-delà des numéros de téléphone, des adresses mail et des informations familiales, c’est un autre volet du formulaire qui cristallise l’attention : celui lié aux réseaux sociaux. L’avis publié par les douanes américaines propose en effet d’ajouter un nouveau type de champ, présenté comme un « élément obligatoire de données » dans la demande d’ESTA.
Concrètement, les autorités veulent que chaque voyageur fournisse l’historique de ses activités en ligne sur les principales plateformes pendant cinq ans. Il s’agirait de déclarer les identifiants utilisés sur ces services, de permettre un examen approfondi de ce qui a été posté et, plus largement, d’ouvrir une fenêtre sur la vie numérique quotidienne du demandeur.
Cette exigence ne se limiterait pas à un simple « pseudo » à fournir dans un coin du formulaire : elle s’inscrit dans une logique globale où les données personnelles en ligne deviennent un critère central d’évaluation. Les déclarations publiques, les likes, les partages ou les prises de position politiques pourraient, en théorie, être scrutés avant même que le voyageur ne mette un pied sur le sol américain.
Le contrôle de la liberté d’expression au pays de la liberté
En parallèle, les services frontaliers souhaiteraient enregistrer tous les numéros de téléphone utilisés au cours des cinq dernières années, ainsi que toutes les adresses électroniques employées au cours des dix dernières. Les informations sur les membres de la famille — noms, numéros de téléphone, dates et lieux de naissance, adresses — compléteraient ce tableau particulièrement détaillé.
Au final, si le texte entre en vigueur dans les délais annoncés, un voyageur français ou australien profitant de l’exemption de visa pourrait devoir livrer non seulement son passeport et son projet de séjour.
Mais aussi cinq ans d’historique de réseaux sociaux, cinq ans de numéros de téléphone, dix ans d’e-mails et des données exhaustives sur sa famille. Une nouvelle façon d’aborder le simple fait de partir en vacances aux États-Unis, qui risque de peser lourd dans la décision de nombreux candidats au départ.