Budget 2026 : impôts gelés, E85, e-liquides… ce qui pourrait vraiment changer pour votre portefeuille
Dans le projet de budget 2026, présenté le 14 octobre par Sébastien Lecornu, l’État vise 30 milliards d’économies. Derrière ce chiffre, des décisions très concrètes : barème gelé de l’impôt sur le revenu, franchises médicales doublées, taxation des e-liquides. Et fin de l’eldorado fiscal pour le carburant E85.
Tour d’horizon de ces mesures qui pourraient peser sur le pouvoir d’achat dès l’an prochain… et de ce que le Parlement peut encore modifier.
Quand le gel du barème fait entrer de nouveaux contribuables
Chaque année, les barèmes de l’impôt sur le revenu et de la CSG sont censés être indexés sur l’inflation. Afin d’éviter que la hausse des salaires ne se traduise mécaniquement par une hausse de l’impôt. En 2026, le projet de budget rompt avec cette routine : il prévoit un gel du barème. Concrètement, des foyers qui ne payaient pas l’impôt pourraient devenir imposables. Et d’autres pourraient changer de tranche sans avoir vu leur pouvoir d’achat réellement progresser.
Le ministère de l’Économie chiffre l’impact : 200 000 nouveaux foyers basculeraient dans l’impôt sur le revenu. L’État anticipe 1,9 milliard d’euros de recettes supplémentaires sur l’IR et 300 millions via la CSG. Ce n’est pas qu’un débat de techniciens. Ce mécanisme, parfois appelé « progression froide », agit comme une hausse d’impôt qui ne dit pas son nom. Et il peut être d’autant plus sensible que les prix ont grimpé ces dernières années. Mais saviez-vous que, pour certains ménages proches des seuils. Une simple prime ou une augmentation annuelle peut suffire à déclencher cette bascule ?
Au-delà de l’entrée dans l’impôt, le gel peut aussi décaler le calcul de certains avantages ou décotes. La réforme pourrait donc redistribuer les efforts de façon peu lisible : à revenu identique, deux foyers aux situations familiales proches ne seront pas forcément touchés de la même manière selon la position exacte de leurs revenus face aux tranches figées.
Retraités : un abattement revu qui change la donne
Autre point sensible : l’abattement spécifique dont bénéficient les retraités. Aujourd’hui, ils profitent d’un abattement de 10 %, plafonné à 4 399 € pour les revenus 2024. Le projet de budget 2026 propose de remplacer ce mécanisme proportionnel par un abattement forfaitaire de 2 000 €.
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Cette bascule n’a rien de neutre. D’après l’exécutif, elle améliorerait la situation des couples de retraités les plus modestes, qui n’atteignent pas forcément les plafonds actuels. En revanche, elle mettrait davantage à contribution les retraités aux pensions plus confortables, pour qui le pourcentage de 10 % pouvait représenter davantage que 2 000 €.
Ce détail que peu de gens connaissent : le changement d’assiette peut aussi produire des effets de seuil inattendus sur des aides conditionnées au revenu fiscal de référence. En clair, au moment de la déclaration printanière de 2027 (sur revenus 2026), certaines familles de retraités pourraient découvrir des évolutions sur des dispositifs annexes parce que l’abattement n’aura plus la même forme.
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Santé : franchises et participations doublées
Le gouvernement reprend une idée déjà mise sur la table : doubler les franchises médicales et les participations forfaitaires. Le ticket sur les boîtes de médicaments passerait de 1 € à 2 € ; pour les consultations médicales et les examens radiologiques, la participation grimperait de 2 € à 4 €. Autre changement, loin d’être anodin : le plafond annuel cumulé des franchises et participations serait relevé de 50 € à 100 €. Au total, l’État espère 2,3 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Sur le papier, le plafond protège contre une dérive excessive au fil des actes. Dans les faits, il signifie qu’en cas de suivi régulier (maladies chroniques, examens répétés), l’addition annuelle peut doubler. Cette mécanique s’appliquerait à des gestes du quotidien : retrait d’ordonnance, séance chez un paramédical, analyses biologiques, radiologie… Autrement dit, pas besoin d’une hospitalisation pour atteindre plus vite le nouveau plafond.
Point juridique à garder en tête : le doublement des franchises peut être validé par simple décret. Autrement dit, cette mesure-clé pourrait entrer en vigueur sans passer par un vote du Parlement, contrairement à d’autres dispositions budgétaires qui, elles, pourront être amendées.
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Vapotage : une taxe calibrée par taux de nicotine
Les produits du vapotage entrent, eux aussi, dans la cible. Le texte prévoit une taxe de 0,30 € à 0,50 € par flacon de 10 ml d’e-liquides, le tarif variant selon le taux de nicotine. Aujourd’hui, ces flacons sont souvent vendus entre 5 € et 7 € les 10 ml. L’application est envisagée au second semestre 2026.
Pour un vapoteur régulier, même quelques dizaines de centimes par flacon finissent par compter sur l’année, surtout si la nicotine est plus élevée. L’exécutif évoque aussi une légère hausse de la taxation sur le tabac à chauffer. Le vapotage s’était imposé comme une alternative perçue comme moins onéreuse que la cigarette classique ; ce différentiel de prix pourrait se réduire à la marge. Mais saviez-vous que la taxation différenciée par taux de nicotine vise aussi à pousser, doucement, vers des dosages plus faibles ?
Carburant : la fin de l’âge d’or de l’E85 ?
C’est sans doute l’un des signaux les plus commentés par les automobilistes : la réduction progressive des avantages fiscaux du carburant E85. Selon l’association 40 millions d’automobilistes, la hausse finale à terme pourrait atteindre + 0,40 à + 0,50 € par litre. À titre d’ordre de grandeur, un litre à 0,71 € pourrait ainsi avoisiner 1,20 €. Pour les conducteurs qui ont investi dans un boîtier bioéthanol afin d’adapter leur moteur, l’équation économique s’en trouve ralentie : amortissement plus long, économies à la pompe écornées.
Au-delà du prix par litre, ce changement interroge une stratégie auto-mobilité bâtie sur la promesse d’un carburant plus abordable et plus « vert ». La fin d’un traitement fiscal de faveur alignerait partiellement l’E85 sur les autres carburants, tout en laissant, à ce stade, un écart en faveur du bioéthanol. Reste que, pour les usages intensifs (longs trajets, professionnels de la route), la note annuelle pourrait gonfler de plusieurs centaines d’euros, selon la consommation et les kilomètres avalés.
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Ce que le Parlement peut (encore) changer
Toutes ces mesures figurent dans le projet de budget 2026. Leur chemin est encore long : le débat parlementaire qui s’ouvre peut amender le texte, retirer certaines dispositions ou en ajouter d’autres. Autrement dit, ce qui est présenté aujourd’hui ne s’appliquera pas forcément tel quel. Sauf exception : on l’a vu, le doublement des franchises médicales peut être entériné par décret, sans solliciter l’Assemblée ni le Sénat.
Ce jeu d’équilibriste budgétaire vise 30 milliards d’économies, une cible qui explique la multiplication des leviers : recettes supplémentaires via impôt sur le revenu et CSG, contributions accrues pour certains retraités, hausses ciblées sur des comportements de consommation (vapotage, carburants alternatifs), le tout assorti de plafonds et d’entrées en vigueur échelonnées (comme pour les e-liquides, au second semestre 2026).
Reste la question de l’acceptabilité : pour beaucoup, ces ajustements s’apparentent à des hausses d’impôts qui ne disent pas toujours leur nom. Pour d’autres, c’est le prix à payer d’un retour à l’équilibre des finances publiques. Parmi l’ensemble, la mesure la plus « directe » et la plus rapide à mettre en place n’est pas la plus spectaculaire — c’est bien le doublement des franchises médicales, validable par décret, qui pourrait impacter le quotidien dès que le gouvernement enclenchera le dispositif.