Une région française va connaître une explosion du nombre de morts, selon les experts
Depuis quelques années, une France plus âgée s’installe. Le vieillissement de la population ne relève plus d’une projection lointaine. Mais d’une tendance bien réelle, visible dans les courbes et sur le terrain. Des territoires entiers se vident de leurs jeunes, pendant que la part des seniors augmente mécaniquement.
Résultat, le taux de mortalité grimpe déjà dans certaines zones et devrait continuer à augmenter dans la prochaine décennie. Ce n’est pas un « mystère sanitaire », c’est la mécanique implacable de la pyramide des âges qui se retourne.
L’indice de jeunesse, le thermomètre qui dit tout
Pour mesurer ce basculement, les services de l’État utilisent un indicateur simple et parlant : l’indice de jeunesse. Il met en rapport la population de moins de 20 ans avec celle des 60 ans et plus. Quand l’indice s’effondre, cela signifie qu’un territoire compte beaucoup plus de personnes âgées que de jeunes. Avec toutes les conséquences que l’on imagine pour l’école, l’emploi, la santé et… la mortalité. Cet indice est suivi par l’Observatoire des territoires, qui publie cartes et données à l’échelle fine.
Dans les zones où cet indice est très faible, le vieillissement est déjà avancé. C’est précisément ce que l’on observe au centre du pays, dans des espaces ruraux et de moyenne montagne, où les jeunes adultes partent étudier ou travailler ailleurs, sans forcément revenir. Cette dynamique démographique crée un décalage durable entre générations.
La diagonale du vide n’est pas un mythe
On a longtemps parlé de diagonale du vide pour désigner cet axe de faible densité qui traverse la France. L’expression peut faire débat, mais la réalité qu’elle décrit est bien documentée : départs répétés de population, déficit de naissances, vieillissement accéléré. Des travaux académiques confirment que, de longue date, une large bande du territoire, des Ardennes au Massif central, peine à retenir ses habitants les plus jeunes.
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Dans ces communes et départements, les élus locaux voient se croiser deux tendances lourdes : moins d’actifs, plus de retraités. La conséquence est arithmétique. À structure d’âge égale, plus un territoire compte de seniors, plus il enregistre de décès chaque année. Le phénomène peut donner l’impression d’une « flambée » de la mortalité, alors qu’il s’agit surtout de la traduction démographique d’un indice de jeunesse durablement bas.
Les effets très concrets sur la vie quotidienne
Ce vieillissement a des effets en chaîne. Les besoins en soins, en aide à domicile et en mobilités adaptées augmentent. Les communes doivent repenser l’accès à la santé, le logement, les commerces et même l’animation sociale pour limiter l’isolement. À l’échelle nationale, la Drees estime de longue date que les dépenses liées à la perte d’autonomie pourraient doubler en part de PIB d’ici 2060 si rien ne change, ce qui pose un enjeu budgétaire majeur pour la solidarité nationale.
Le Haut-commissariat au Plan a lui aussi tiré la sonnette d’alarme : le choc démographique à venir va percuter les retraites, la santé et, plus largement, l’équilibre des finances publiques. Il appelle à une stratégie globale, au-delà des seules réformes paramétriques, qui rassemble aménagement du territoire, innovation, prévention en santé et politique du logement.
Peut-on inverser la courbe ?
Une question revient partout : l’immigration peut-elle « rajeunir » la France et compenser la chute de l’indice de jeunesse dans les zones rurales ? Les projections montrent qu’elle peut amortir le choc au niveau national, mais elle ne renverse pas, à elle seule, les tendances lourdes liées à la natalité et aux mobilités internes. Surtout, les flux migratoires se concentrent d’abord dans les grandes aires urbaines, pas dans les communes les plus vieillies. En parallèle, de nombreux territoires ruraux attirent… des pré-retraités et des retraités, ce qui renforce localement le vieillissement.
Dès lors, les leviers concrets se trouvent aussi dans l’offre de services, l’emploi local, le numérique, le logement adapté et les transports du quotidien. Développer une véritable silver économie ne se limite pas à vendre des objets connectés. C’est organiser un écosystème complet de services et d’emplois autour des besoins des plus de 60 ans, depuis l’aménagement du domicile jusqu’au temps libre. Des rapports gouvernementaux plaident, depuis des années, pour structurer ce secteur.
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Ce que disent les chiffres pour toute la France
À l’échelle du pays, la part des 65 ans et plus augmente mécaniquement. Selon l’Insee, plus d’un Français sur quatre aura 65 ans ou plus d’ici 2040. En 2070, cette part pourrait atteindre près de 29 %. Autrement dit, la France passe progressivement d’une société « jeune » à une société plus âgée, ce qui impose d’adapter l’école, la formation, l’emploi, mais aussi la prévention en santé et la ville elle-même.
Ce mouvement ne touche pas que les campagnes. Les métropoles voient elles aussi leur population vieillir, certes à un rythme différent, mais avec les mêmes défis : accès aux médecins, logements accessibles, transports sans rupture, services de proximité. Les politiques publiques devront tenir compte des écarts territoriaux pour éviter d’accentuer les inégalités entre centres urbains et espaces périphériques.
Pourquoi cette zone précise va enregistrer davantage de décès
Si l’on superpose les cartes de l’indice de jeunesse et celles des dynamiques de population, une zone ressort particulièrement : un cœur de France rural et de moyenne montagne, où les jeunes adultes partent plus qu’ils ne reviennent. C’est là que le nombre de décès augmente déjà et augmentera encore, pour une raison simple : la part des seniors y est particulièrement élevée, et va continuer de progresser. Les données locales montrent, année après année, un écart croissant entre les générations.
Dans ces territoires, l’enjeu n’est pas seulement de compenser le solde naturel déficitaire, mais de recréer des raisons de rester ou de revenir : emplois, services, couverture médicale, accès aux loisirs et au numérique. Sans cela, l’indice de jeunesse continuera de décrocher et la mortalité restera mécaniquement plus élevée que la moyenne nationale.
La stratégie proposée par les institutions
Le Haut-commissariat au Plan recommande d’articuler des politiques « à 360 degrés » : soutien aux aidants, prévention de la perte d’autonomie, formation de nouveaux métiers du grand âge, adaptation des logements et des mobilités, souveraineté industrielle sur les technologies d’assistance. L’objectif est double : mieux accompagner les seniors et créer de l’emploi local non délocalisable. Sur le terrain, cela passe par des bassins de vie capables d’offrir de vraies solutions au quotidien, pas seulement des dispositifs nationaux.
Les départements déjà âgés devront accélérer. Les maisons de santé, les transports à la demande, les résidences intergénérationnelles ou encore les filières locales de services à la personne figurent parmi les options les plus efficaces pour « tenir » face à la vague grise. Le but n’est pas de nier l’augmentation des décès, mais de faire en sorte qu’elle se déroule dans des territoires résilients.
Et cette région dont tout le monde parle, c’est laquelle ?
La zone la plus exposée se situe au croisement de quatre grandes régions : Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes. Au centre, la Nièvre fait figure d’épicentre, entourée par le Massif central et le Limousin. Les cartes officielles de l’Observatoire des territoires y affichent un indice de jeunesse parmi les plus faibles de France, et l’Insee projette même 38 % de 65 ans et plus dans la Nièvre d’ici 2040. C’est précisément là que le nombre de décès devrait augmenter le plus nettement dans les prochaines années.