Une marque réputée pour sa fiabilité tourne le dos aux voitures électriques
Depuis des années, Honda s’affiche en championne de la fiabilité et de la prudence industrielle. Ces derniers mois, le constructeur a pourtant fait bouger plusieurs curseurs clés de sa feuille de route. Finie l’idée d’une trajectoire linéaire vers le 100 % électrique.
À la place, la marque met en avant une équation plus souple, où l’hybride, l’hydrogène et même les carburants de synthèse ont un rôle à jouer selon les marchés et les usages. Cette inflexion n’a rien d’un renoncement, mais elle change la manière d’aborder la neutralité carbone.
Moins d’argent sur le 100 % batterie, plus d’espace pour l’hybride
Ce réalignement s’observe dans les chiffres. Le groupe a réduit de 30 % son enveloppe d’investissements prévue pour l’électrification et les logiciels, passée d’environ 10 000 milliards de yens à 7 000 milliards. Dans le même mouvement, la cible interne qui prévoyait 30 % de ventes en 100 % électrique à l’horizon 2030 a été retirée des documents stratégiques, Honda visant désormais une part inférieure à 30 %, autour de 20 % dans cette décennie, avec un renforcement marqué des hybrides.
Pourquoi Honda rebat les cartes maintenant
Honda ne nie pas la progression mondiale des BEV. Les ventes globales continuent d’augmenter fortement en 2025, avec plus de 10,7 millions d’unités déjà écoulées sur les sept premiers mois de l’année selon Rho Motion. Les analystes du secteur, comme l’IEA, estiment que la part mondiale pourrait se rapprocher d’un quart des ventes en 2025. Mais les courbes ne montent pas partout au même rythme, et la bascule totale dépend d’éléments qui échappent aux constructeurs : prix des batteries, politiques publiques, réseaux de charge.
En Europe, par exemple, les BEV représentent 15,6 % des immatriculations au premier semestre 2025, en hausse mais encore loin de la majorité. Aux États-Unis, la trajectoire est plus heurtée, au gré des incertitudes réglementaires. Dans ce contexte, Honda privilégie une approche « technologie ouverte » pour éviter de se retrouver enfermée dans une seule voie.
L’hybride, pilier de court terme
Sur le terrain, Honda s’appuie sur ce qui fonctionne déjà : les hybrides. La marque prévoit 13 nouveaux modèles hybrides de « nouvelle génération » entre 2027 et 2030, convaincue que cette solution reste la plus acceptée dans des régions où l’infrastructure de recharge demeure irrégulière. C’est particulièrement vrai en Asie et en Amérique du Nord, où la facilité d’usage et la sobriété d’un HEV parlent directement aux automobilistes.
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L’hydrogène, un pari ciblé mais assumé
Signe que la stratégie multi-énergies n’est pas qu’un slogan, Honda a lancé le CR-V e:FCEV, un SUV à pile à combustible qui peut aussi se recharger sur prise. Sa batterie de 17,7 kWh autorise environ 29 miles d’autonomie électrique, soit environ 47 km pour les trajets du quotidien, tandis que l’hydrogène prend le relais pour les longues distances. C’est un produit très spécifique, pensé pour les zones déjà équipées en stations H₂.
Techniquement, le CR-V e:FCEV associe une pile PEMFC, un moteur électrique de 174 ch et 229 lb-ft de couple, avec une autonomie combinée annoncée à 270 miles. Cette architecture illustre la volonté de Honda de combiner zéro émission à l’échappement et praticité au quotidien.
Une réalité têtue : l’infrastructure
Si ce type de véhicule reste marginal, c’est d’abord une question d’infrastructures. Fin 2024, la planète ne comptait qu’environ 1 160 stations hydrogène en service, concentrées au Japon, en Corée du Sud, en Chine et en Californie. C’est mieux qu’hier, mais encore très loin d’un maillage capable d’absorber des volumes de masse. Là encore, Honda garde un pied dans la technologie, mais adapte sa vitesse de déploiement au terrain.
Et les carburants de synthèse dans tout ça ?
Honda n’écarte pas non plus les carburants de synthèse et l’hydrogène pour moteurs thermiques, une piste expérimentée ailleurs au Japon chez Toyota, Mazda ou Subaru. L’idée est de prolonger la vie de groupes motopropulseurs décarbonés lorsqu’on ne peut pas électrifier à 100 % le parc ou les usages. Problème : la production de ces carburants reste limitée et coûteuse. À court terme, cela en fait surtout une option ciblée pour des flottes, des sports mécaniques ou des régions spécifiques, plus qu’un produit grand public. (Analyse fondée sur l’état actuel du marché et des annonces industrielles ; Honda ne revendique pas une commercialisation de masse immédiate.)
Ce que cela change pour les conducteurs
Concrètement, si tu roules déjà en hybride Honda, la stratégie de la marque confirme que cette motorisation restera au cœur de l’offre dans les prochaines années. Si tu lorgnes sur un BEV, tu trouveras toujours des modèles chez Honda, mais la marque évitera la fuite en avant à n’importe quel prix, privilégiant des marchés où l’usage et l’économie suivent.
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Pour ceux qui vivent dans un écosystème H₂ très doté, le CR-V e:FCEV montre que Honda veut réduire les frictions : tu peux brancher le véhicule à la maison pour les trajets courts, et faire le plein d’hydrogène pour les longues distances. Ce double usage limite le stress lié à l’autonomie et évite la dépendance totale au réseau de recharge.
Une industrie en pleine réécriture
Honda n’est pas totalement seule à ajuster la voilure. Plusieurs groupes ont recalibré leurs trajectoires BEV en 2025 pour tenir compte des coûts, des marges et des rythmes d’adoption. Les prévisions des cabinets spécialisés restent optimistes à moyen terme, mais la réalité du terrain impose de composer avec des cadences différentes selon les continents.
La boussole : neutralité carbone, pas dogme technologique
Dans l’esprit des dirigeants, la neutralité carbone demeure l’objectif. La façon d’y parvenir, en revanche, ne passe pas forcément par une monoculture technologique. C’est la grande leçon de ce repositionnement : la décarbonation sera multi-solutions, et Honda préfère avancer avec des produits qui collent aux contraintes locales plutôt que d’imposer un schéma unique.
Ce qui reste immuable chez Honda
Au-delà des arbitrages, Honda garde ses marqueurs : sobriété d’usage, fiabilité, et une politique de déploiement progressive. L’investissement reste massif, même diminué, et l’ADN de la marque, c’est de capitaliser sur des techno maîtrisées avant de les diffuser plus largement. C’est exactement ce qu’elle promet avec la montée en puissance des hybrides et des solutions H₂ dans ses zones prioritaires.
À retenir avant d’acheter
Si tu envisages un achat dans les 12 à 24 prochains mois, l’offre hybride devrait s’étoffer chez Honda et rester compétitive en coût total d’utilisation. Les BEV ne disparaissent pas, mais tu verras surtout Honda se positionner là où les réseaux de recharge et les incitations créent un usage fluide. Quant à l’hydrogène, l’expérience restera géographiquement limitée tant que le réseau n’aura pas pris de l’ampleur.
La phrase qui résume tout… et que Honda a choisi de dire tout haut
Après des mois de signaux faibles, le constructeur a clarifié sa pensée : « Les véhicules électriques à batterie ne sont pas le but, mais un chemin vers la neutralité carbone. » Cette ligne a été portée publiquement par la direction de Honda Australie, et résume la philosophie maison pour la décennie : viser zéro émission en restant agnostique sur la technologie.