Linky : contrôles doublés, agents à domicile et sanctions en cas de refus — ce qui attend les foyers
De nombreux foyers vont bientôt découvrir un courrier inhabituel dans leur boîte aux lettres. Enedis annonce qu’elle multiplie les contrôles des compteurs Linky et prévient. Un technicien assermenté peut se présenter chez vous. Pour vérifier l’installation. Et en cas de refus d’accès au compteur électrique, une coupure d’électricité peut suivre sous dix jours.
Cette montée en puissance des vérifications fait suite à une suspicion de fraude en hausse depuis 2022. Entre hausse des moyens, « contrôle du dispositif de comptage » et courriers au ton très ferme. Voici exactement ce que les ménages doivent savoir, ce que risquent ceux qui refusent. Et pourquoi certains consommateurs affirment déjà être accusés à tort.
Un courrier « contrôle du dispositif de comptage » qui change tout
Dans les prochaines semaines, des ménages recevront une lettre estampillée Enedis. L’objet est explicite : « contrôle du dispositif de comptage ». Le texte, particulièrement direct, évoque une « succession d’événements caractéristique d’une situation de fraude ». Et annonce la visite d’un technicien à domicile. Ce courrier, qui peut arriver d’ici la fin de l’année ou courant 2026, s’adresse à des foyers équipés d’un compteur Linky. Près de 39 millions de foyers sont désormais concernés en France.
Le rendez-vous n’a rien d’anodin. Il s’agit d’une opération de contrôle ciblée, déclenchée lorsque l’exploitant du réseau repère des consommations jugées atypiques. L’agent peut demander à accéder au tableau électrique et au compteur Linky pour vérifier l’intégrité de l’installation. Mais saviez-vous que le vocabulaire même de la lettre est pensé pour officialiser la démarche. Et signaler au client que le dossier est considéré comme potentiellement frauduleux ?
Refuser l’accès au compteur : un geste lourd de conséquences
Le courrier le précise, et les agents le rappellent lors de leur passage. Si l’occupant refuse l’accès ou n’ouvre pas la porte au technicien. Enedis peut procéder à une coupure d’électricité sous dix jours après la visite. Cette procédure vise à contraindre l’accès au compteur électrique lorsque l’examen du matériel est jugé nécessaire.
Pour un particulier, l’enjeu est concret : une coupure prive le logement d’énergie et complique toutes les démarches quotidiennes. C’est pourquoi les équipes qui interviennent insistent sur la nécessité d’un contact sur place. Ce détail que peu de gens connaissent. La simple absence de l’occupant au créneau annoncé peut être interprétée comme un empêchement d’accès. Avec relance à la clé, voire suites si la situation se répète.
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Pourquoi Enedis double la cadence des contrôles
Depuis 2024, Enedis a considérablement renforcé ses opérations. Les contrôles renforcés sont passés d’environ 12 000 en 2024 à 30 000 en 2025, et la trajectoire reste à la hausse pour 2026. Pour soutenir cet effort, l’entreprise a doublé les effectifs mobilisés : d’environ 250 collaborateurs en 2024 à un volume sensiblement supérieur courant 2025. L’objectif est clair : répondre à la multiplication des manipulations, qui auraient coûté plus de 250 millions d’euros depuis 2022, rien que pour les fraudes liées au compteur Linky.
Cette accélération n’est pas seulement quantitative. Elle s’appuie sur un ciblage des foyers où des anomalies de consommation apparaissent : baisse soudaine et durable, profils d’usage incohérents, incidents répétés. En clair, les foyers qui verront débarquer un agent sont ceux dont les données semblent s’écarter fortement de ce que le gestionnaire considère comme normal pour des logements comparables.
Les méthodes de fraude et leur diffusion sur les réseaux sociaux
Les techniques incriminées ont un point commun : détourner une partie de l’énergie pour faire baisser la facture d’électricité. La plus citée consiste à installer un câble de dérivation ou un dispositif de contournement ; certains promettent jusqu’à 70 % de réduction de la note, en échange de quelques centaines d’euros. Ce marché parallèle prospère d’autant plus que des vidéos et « tutos » circulent sur les réseaux sociaux, où des fraudeurs proposent leurs services en direct.
Cette diffusion en ligne a un effet pervers : des ménages qui ne frauderaient pas peuvent, aux yeux d’Enedis, ressembler aux fraudeurs si leurs courbes de consommation chutent brusquement. C’est là que les contrôles visent à trancher : vérification de l’intégrité du compteur Linky, inspection visuelle des câbles, recherche d’un branchement anormal. Mais saviez-vous que la simple remise aux normes d’un tableau, le départ d’un occupant ou une longue période d’inoccupation peuvent eux aussi faire chuter la consommation ?
Accusations à tort ? La critique d’UFC-Que Choisir
La campagne de lutte contre la suspicion de fraude n’est pas sans dérapages, alertent des associations de consommateurs. UFC-Que Choisir a été saisie début juillet 2025 par des particuliers qui se disent accusés à tort. Leur grief : les courriers placeraient d’emblée les ménages dans une logique de présomption de culpabilité, où il faudrait prouver son innocence, alors qu’il revient théoriquement à l’agent de déterminer s’il y a eu manipulation ou non.
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L’exemple de Sylvain V., 64 ans, illustre ce malaise. Entre 2021 et 2023, la consommation du logement familial a fortement baissé. L’intervention d’un technicien s’achève par une réclamation de 1 500 €. Le consommateur s’en défend : le bien était inoccupé après le décès de sa mère en 2020, et il ne s’y est installé qu’en 2023. Ce type de contexte, qui explique objectivement une baisse de consommation, montre à quel point le calibrage des contrôles est délicat.
Ce que risquent les fraudeurs… et ce que doivent faire les ménages de bonne foi
Pour ceux qui manipulent un compteur Linky, la sanction peut être lourde : redressement financier, facturation des kWh détournés, et procédures pénales possibles. Enedis rappelle d’ailleurs que l’accès au compteur électrique est une obligation lorsque l’agent se présente pour une vérification justifiée.
Pour les foyers de bonne foi, quelques réflexes peuvent éviter des quiproquos. Conserver les preuves d’inoccupation, les actes de succession, les états des lieux ou tout document attestant d’un changement d’usage permet d’expliquer une chute de consommation. En cas de passage d’un technicien assermenté, le fait d’ouvrir l’accès, d’écouter le diagnostic et de demander un compte-rendu précis est souvent le meilleur moyen de refermer rapidement le dossier. Si un désaccord persiste, les voies de réclamation existent, notamment via les associations comme UFC-Que Choisir.
2026, l’année des contrôles à plus grande échelle
La tendance est fixée : plus de contrôles, plus d’agents, plus d’interventions in situ. Le cap 2026 s’annonce comme une poursuite de l’effort initié en 2024-2025. Cette montée en puissance n’épargnera aucune typologie de logement : pavillons, appartements, résidences secondaires, biens ponctuellement inoccupés. À mesure que la campagne s’étend, on peut s’attendre à davantage de cas où des ménages seront appelés à se justifier, et donc à davantage d’arbitrages sur des situations ambigües.
Pour autant, l’intention d’Enedis est clairement affichée : réduire le préjudice financier et sécuriser le réseau. Pour les foyers, l’enjeu est de distinguer une démarche légitime de contrôle d’une accusation infondée, et de s’y préparer. Dans le doute, mieux vaut coopérer, documenter et demander des précisions techniques sur les anomalies relevées.
Que retenir ?
Le point souvent ignoré, pourtant écrit noir sur blanc dans le courrier : refuser l’accès au compteur ou l’ouverture au technicien peut entraîner une coupure d’électricité sous dix jours. C’est la décision la plus dissuasive de cette campagne, et elle peut tomber très vite si la porte reste fermée.