Mac OS 8 « CHRP » ressurgit après près de 30 ans, une rare pièce d’histoire informatique
Près de trois décennies après son abandon, une mouture méconnue de Mac OS 8 pensée pour une plateforme commune PowerPC a refait surface. Démarrable, documentée et désormais préservée. Elle ravive une période charnière où Apple, IBM et Motorola tentaient de standardiser les PC PowerPC. Pour rivaliser avec les compatibles IBM.
Une trouvaille rare, fascinante à décortiquer, même si elle reste largement inutilisable en l’état sur les machines visées.
Une parenthèse des années 90 que l’on croyait close
Au milieu des années 90, Apple sort de la transition des processeurs Motorola 68K vers les puces PowerPC. Et autorise les clones Macintosh. Plusieurs constructeurs commercialisent alors des machines compatibles System 7, généralement bâties sur des cartes mères et une ROM Apple.
Dans ce contexte apparaissent les ambitions de la Common Hardware Reference Platform, ou CHRP, portée par IBM et Apple. Objectif affiché : poser des standards matériels et logiciels. Afin de lancer Mac OS, mais aussi d’autres systèmes comme NetWare. Sur des configurations PowerPC unifiées.
Un pari audacieux, à la croisée d’une époque où l’informatique personnelle cherche encore ses contours.
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CHRP, le plan de bataille pour des PowerPC standardisés
CHRP vise à rendre la ROM matérielle superflue en s’appuyant sur des briques communes. Apple prépare alors des variantes spécifiques de Mac OS.
L’existence de bêtas n’est pas nouvelle. Mais le coup d’éclat vient des trois disques exhumés et partagés par Mac84. L’un contient une version CHRP de Mac OS 7.6 destinée à deux modèles précis. Les Motorola Viper et Cobra, des tours PowerPC conçues en vue d’une nouvelle génération de clones.
Les deux autres disques livrent des variantes de Mac OS 8 intégrant une évolution clé qui fera école quelques années plus tard sur les iMac : la ROM chargée en RAM plutôt que lue directement depuis le matériel.
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Jobs, la fin des clones et le coup d’arrêt à la stratégie
Le scénario bascule avec le retour de Steve Jobs chez Apple. Dès son retour, il coupe l’oxygène aux clones. L’argument est clair : ces machines, souvent mieux équipées et moins chères que les Power Macintosh, cannibalisent les ventes de la marque.
La fin des clones entraîne mécaniquement le gel du programme CHRP côté Apple. L’élan se brise et l’idée d’une plate-forme commune PowerPC s’étiole, malgré la présence d’acteurs comme Motorola et IBM prêts à pousser le concept plus loin.
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Mac OS 8 en « ROM en RAM », un avant-goût du New World
Deux des disques redécouverts montrent un mécanisme qui deviendra central avec l’iMac : au lieu de s’appuyer sur une ROM soudée, le code indispensable est stocké sur un volume et chargé en mémoire au démarrage.
C’est l’ancêtre direct de la New World ROM, adoptée ensuite par Apple. Ce détail technique dit beaucoup de l’époque : l’entreprise prépare déjà une architecture plus souple, tandis que l’abandon des clones impose de resserrer le contrôle sur le matériel comme sur le logiciel.
Fun fact : ce principe, presque discret à sa naissance, s’imposera rapidement comme un pilier du démarrage des Mac modernes.
Des images préservées, une compatibilité très capricieuse
Les disques sont consultables sur Internet Archive et constituent une pièce d’archive précieuse. Sur le plan pratique, c’est une autre histoire. Les rares machines compatibles CHRP répertoriées, comme certains IBM RS/6000, des tours Motorola, ou encore des cartes mères pensées plus tard pour AmigaOS (Efika, Pegasos), ne lancent pas ces versions de Mac OS dans les essais actuels.
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Visiblement, des couches logicielles manquent pour que l’écosystème démarre réellement sur ces plateformes standardisées. Résultat : ces disques CHRP de Mac OS ne fonctionnent aujourd’hui que sur des Power Macintosh, là où Apple contrôlait l’ensemble de la chaîne.
Mais saviez-vous que des bidouilleurs cherchent déjà à colmater ces brèches pour donner vie à une sorte de « hackintosh des années 90 » ?
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Pourquoi cette redécouverte intéresse autant les passionnés
La valeur de cette trouvaille tient à sa dimension historique. Elle capture un moment où Apple testait encore l’ouverture matérielle, avant de refermer la parenthèse. Elle éclaire aussi l’évolution technique vers la ROM logicielle, qui aboutira sur les iMac G3.
Enfin, elle rappelle que le standard ne garantit pas l’adoption : même pensé par des géants, il se heurte aux réalités industrielles et commerciales. Pour les passionnés, les chercheurs et les curateurs de la culture informatique, c’est un instantané de l’« autre voie » qu’Apple aurait pu emprunter.
Ce détail que peu de gens connaissent : la logique CHRP aurait permis de lancer plusieurs systèmes d’exploitation sur les mêmes PowerPC, un rêve de flexibilité bien en avance sur ce que la marque était prête à concéder.
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Ce que l’on peut en faire, concrètement, en 2025
Pour l’instant, ces images démarrent sur du matériel Apple et servent surtout à documenter la transition vers le New World. Les collectionneurs peuvent comparer les chemins de démarrage, observer la manière dont la ROM en RAM est injectée et cartographier les différences entre System 7.6 et Mac OS 8 sur l’axe CHRP.
Les curieux, eux, y verront un coulisseau de l’histoire, une autre manière de lire la décision de Jobs d’éteindre le marché des clones. Et si la période des fêtes 2025 vous laisse une soirée libre, plonger dans ces disques et dans les journaux techniques de l’époque est une formidable porte d’entrée dans une vision d’Apple qui n’a pas survécu aux impératifs du moment.
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Que retenir ?
La vraie surprise de cette redécouverte n’est pas seulement la mise en ligne de disques démarrables : c’est la confirmation, preuves à l’appui, que Mac OS 8 a bel et bien existé en variante CHRP opérationnelle, bâtie autour d’une ROM en RAM qui préfigure la suite.
Une photographie d’un futur possible d’Apple, arrêté net au retour de Jobs.