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Trois requins filmés en plein accouplement en Nouvelle-Calédonie : des images inédites qui bousculent la science

Publié par Killian Ravon le 21 Oct 2025 à 18:09

Pour la première fois, une séquence inédite montre trois requins-zèbres se reproduire simultanément, près de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

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Trois requins-zèbres en accouplement dans un lagon calédonien, femelle au centre, deux mâles se relayant sur fond sablo-corallien clair.

Captées par une équipe locale, ces images rares éclairent d’un jour nouveau le comportement reproducteur d’une espèce menacée. Mais saviez-vous qu’elles pourraient aussi révéler un site clé pour la survie de l’espèce ?

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Ce que montre exactement la séquence inédite

La vidéo captée dans le lagon calédonien montre une femelle requin-zèbre — qu’on appelle aussi requin léopard dans le Pacifique — entourée de deux mâles. À tour de rôle, ils saisissent délicatement ses nageoires pectorales pour s’aligner sur son flanc, selon une posture bien connue des ichtyologues. La scène se déroule sur un fond sablo-corallien, à faible profondeur, dans une eau d’une clarté remarquable typique des récifs du Pacifique Sud. Tout se passe vite, mais sans brutalité : la femelle reste quasi immobile, tandis que les mâles alternent l’accouplement en quelques mouvements précis.

Le cadrage, suffisamment large, permet d’observer non seulement l’interaction principale mais aussi l’attention vigilante du second mâle qui attend son « tour », un comportement rarement documenté in situ. L’ensemble de la séquence inédite dure environ 110 secondes, ce qui, pour ce type d’événement, constitue une fenêtre d’observation précieuse et inhabituelle. Ce détail que peu de gens connaissent : dans la plupart des espèces de requins, la reproduction se déroule à l’abri des regards, souvent de nuit ou dans des zones peu accessibles, ce qui explique l’extrême rareté d’images nettes et continues de ce moment critique.

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Requin-zèbre adulte nageant en aquarium, motif tacheté bien visible et éclairage bleuté rappelant l’habitat récifal de l’Indo-Pacifique.
Requin-zèbre adulte, motifs tachetés caractéristiques visibles en pleine nage.
Crédit : DaraKero_F / CC BY 2.0.

Pourquoi cette « scène à trois » est une première scientifique

Chez les requins, les copulations multiples au même instant autour d’une même femelle sont rarement décrites dans la littérature, et presque jamais filmées dans le milieu naturel. La nouveauté ici ne tient pas seulement à la co-présence de deux mâles mais à l’alternance fluide, quasi chorégraphiée, sans rivalité apparente. Pour les spécialistes du comportement, ces images suggèrent une flexibilité sociale plus grande qu’on ne le pensait chez le requin-zèbre.

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On savait que l’espèce forme parfois des agrégations saisonnières, notamment dans certaines zones du récif indo-pacifique, mais l’observation directe d’une copulation alternée par deux mâles auprès d’une même femelle, dans une eau peu profonde et en plein jour, bouscule les modèles établis.

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On touche ici à une première mondiale, car c’est l’un des très rares documents bruts où la dynamique complète d’une reproduction « à plusieurs » est lisible sans ambiguïté : approche, saisie de la nageoire pectorale, alignement, puis relâchement et prise de relais. À la clé, la possibilité de mieux comprendre la sélection des partenaires, la tolérance entre mâles et la manière dont la femelle peut garder une forme de contrôle — par sa posture et sa stabilité — sur le déroulé de l’accouplement.

Requin-zèbre reposant près du fond, silhouette élancée et nageoires pectorales étalées sur le substrat.
Requin-zèbre se reposant sur le fond, posture typique diurne.
Crédit : Peter Halasz (Pengo) / CC BY-SA 3.0.
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Comprendre l’accouplement chez les requins-zèbres

Le requin-zèbre (Stegostoma tigrinum) est un grand carpet shark de l’Indo-Pacifique, reconnaissable à son corps fuselé et à ses taches sombres à l’âge adulte. Les jeunes portent des bandes, d’où le nom « zèbre », tandis que les adultes affichent un motif « léopard ». L’espèce est ovipare : la femelle pond de volumineuses capsules d’œufs qu’elle ancre sur le substrat grâce à des filaments. Avant ce stade, l’accouplement implique généralement qu’un mâle saisisse la femelle par la nageoire pectorale pour s’aligner et introduire un ptérygopode.

Ce geste, s’il est mal interprété, peut paraître rude ; en réalité, il s’agit d’un contact bref et maîtrisé. Les séquences issues d’aquariums ou d’observations isolées laissent entendre que la femelle peut interrompre ou refuser la tentative en s’éloignant, mais ici, l’immobilité relative et l’acceptation de deux mâles successifs interrogent : tolère-t-elle ces approches parce que le lieu, la saison et l’état physiologique s’y prêtent ? Ou bien parce que la présence d’un second mâle réduit la durée d’emprise de chacun ?

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Ces images, par leur continuité, offrent un matériau rare pour démêler ces hypothèses. Elles rappellent aussi un point essentiel : chez les requins-zèbres, la reproduction n’est pas une scène de prédation ; c’est un rituel rapide, souvent discret, et hautement opportuniste. Mais saviez-vous que l’espèce peut, dans des conditions exceptionnelles, recourir à la parthénogenèse ? Ce phénomène a été documenté en captivité, preuve d’une plasticité reproductive qui pourrait aider à la résilience de populations isolées — sans pour autant remplacer l’apport génétique de la reproduction sexuée.

Requin-zèbre au-dessus d’un fond sableux clair, photographié en Thaïlande, détails des nageoires et de la queue allongée.
Requin-zèbre observé au large de la Thaïlande, sur fond sablo-corallien.
Crédit : Sigmund / CC BY 2.0.

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Les enjeux de conservation derrière ces images

Classé espèce menacée à l’échelle mondiale, le requin-zèbre paie un lourd tribut à la dégradation des habitats, aux captures accidentelles et à la pression de pêche dans plusieurs pays de l’Indo-Pacifique. Dans ce contexte, toute information sur ses sites de reproduction vaut de l’or. Une séquence inédite tournée sur un récif près de Nouméa pointe potentiellement un hotspot reproductif : zone peu profonde, fond sablo-corallien, eau claire, activité diurne observée. Si ces critères se répètent au même endroit sur plusieurs semaines, on tient possiblement un secteur à protéger en priorité pendant la saison.

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Les implications sont immédiates pour la gestion locale : sensibiliser les usagers du lagon, limiter les perturbations au moment critique, renforcer les suivis visuels et l’identification individuelle des femelles (par leurs motifs de taches). Les capsules d’œufs, lorsqu’elles sont présentes, peuvent être recherchées sur les structures du récif voisin et soigneusement cartographiées.

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À l’échelle du récif calédonien, un tel site, s’il est confirmé, deviendrait une pièce maîtresse des efforts de conservation : protéger la reproduction, c’est investir à la source dans le renouvellement d’une population déjà fragilisée. Ce détail que peu de gens connaissent : l’Indo-Pacifique n’abrite qu’une seule espèce vivante dans la famille des Stegostomatidae ; chaque noyau de reproduction compte donc double.

Requin-zèbre « transitoire » en aquarium, livrée entre bandes juvéniles et taches adultes, net et cadré en plan serré.
Individu « transitoire » montrant le passage des bandes aux taches chez le requin-zèbre.

Comment les chercheurs ont capté l’instant

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Sur le plan technique, capter une reproduction de requins relève souvent du pari. Il faut être au bon endroit, à la bonne heure, et garder la caméra stable dans une eau parfois remuante. Ici, l’équipe a bénéficié d’une visibilité exceptionnelle et d’animaux concentrés sur leur interaction, ce qui a réduit les mouvements brusques et permis une prise de vue presque sans coupes.

Le choix d’un cadre légèrement large a été payant : on perçoit la topographie du site — langue de sable, bordure de récif — et on contextualise l’action par rapport au courant. Le travail d’annotation ensuite est tout aussi crucial : relever l’heure précise, la profondeur, l’orientation par rapport au soleil, et si possible la température de l’eau. Ces métadonnées transforment une belle image en information scientifique utile. Une autre bonne pratique consiste à comparer les motifs tachetés de la femelle avec une base d’individus connus ; chez le requin-zèbre, c’est un identifiant naturel proche d’une empreinte digitale. Ainsi, si la même femelle est revue avec des mâles différents au même endroit à quelques jours d’intervalle, on tient un indice fort d’un véritable site de reproduction.

Mais saviez-vous que, sur certains récifs, des agrégations de requins-zèbres adultes se reproduisent selon une saisonnalité marquée ? Croiser ces données avec les marées et la lune pourrait livrer, à terme, un calendrier fin de la reproduction en Nouvelle-Calédonie.

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Requin-zèbre et raie à queue réticulée partageant le même bassin, montrant la cohabitation avec d’autres espèces benthiques.
Requin-zèbre en compagnie d’une raie à queue réticulée, vue d’ensemble.
Crédit : Amaury Laporte / CC BY 2.0.

Ce que cette observation change — et la surprise finale

Au-delà du spectaculaire, cette vidéo impose de nuancer notre vision du comportement reproducteur des requins-zèbres. Elle suggère que, dans des micro-habitats propices, une femelle peut accepter des tentatives successives, marquant une tolérance contextuelle entre mâles. Pour les biologistes, c’est une piste pour repenser le rôle du site : non pas simple décor, mais paramètre actif de la réussite reproductive.

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Pour le public, c’est l’occasion d’observer une espèce menacée engagée dans l’acte le plus élémentaire de sa survie, sans sensationnalisme ni confusion avec une attaque. Et pour la gestion locale, c’est un appel discret à protéger ces zones-clés du récif calédonien. Reste une dernière petite révélation : la séquence inédite s’interrompt au moment précis où l’action semblait repartir… parce que la batterie de la caméra a rendu l’âme. Frustrant ? Sans doute. Utile ?

Oui : il ne manquait que quelques secondes pour confirmer ce que les images laissent déjà deviner — le site filmé pourrait bien être l’un de ces rares « points chauds » de reproduction du requin-zèbre en Nouvelle-Calédonie.

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