Guerre en Ukraine : la Russie accélère sur le Su-75 Checkmate, son nouveau chasseur très médiatisé
Depuis plusieurs semaines. Un nom revient avec insistance dans la communication de Moscou autour de la guerre en Ukraine. Celui du Su-75 Checkmate. Entre promesses technologiques et annonces répétées. La Russie met en scène ce futur avion de combat comme un atout majeur. Avec un horizon fixé à 2026, sur fond d’alertes répétées sur la propagande militaire.
Reste une question. Que sait-on vraiment de cet appareil dont le premier prototype doit enfin quitter le sol dans les prochains mois ?
Un chasseur revenu au centre du jeu médiatique
Ces dernières semaines, plusieurs médias spécialisés dans l’armement se sont de nouveau penchés sur le Su-75 Checkmate. Ce n’est pas un hasard. À chaque fois que la situation militaire se crispe. Moscou remet en avant ses projets d’armement « de rupture », censés montrer que la Russie garde une longueur « d’avance technologique ». Malgré les sanctions et l’usure du conflit.
Dans ce discours, le Su-75 est présenté comme une pièce maîtresse. Les articles qui lui sont consacrés rappellent que l’appareil est régulièrement mis en avant par les responsables russes. Comme si son simple nom devait suffire à prouver la capacité du pays à rester dans la course aux chasseurs de nouvelle génération. À écouter ces responsables. Le programme avance vite, très vite. Presque trop vite pour un appareil encore au stade de prototype.
Ce regain d’intérêt intervient alors que la guerre en Ukraine se prolonge. Et que chaque camp tente de démontrer sa capacité à tenir dans la durée. Du côté russe, la communication autour du Su-75 fonctionne aussi comme un signal envoyé à l’étranger. L’industrie aéronautique serait toujours capable de sortir de nouveaux modèles. Malgré l’isolement et les contraintes d’approvisionnement.
Le Su-75, vitrine tactique d’une industrie sous tension
Le Su-75 n’est pourtant pas une apparition soudaine. Dès 2021, la société russe United Aircraft Corporation (UAC) avait dévoilé ce nouvel appareil présenté comme un avion tactique moderne. Pensé pour répondre à des besoins multiples. Dès l’origine, une version sans pilote était évoquée. Preuve que le programme devait aussi servir de vitrine aux ambitions russes. Dans le domaine des systèmes de combat pilotés à distance.
Dans la fiche officielle, le Sukhoï Su-75 se distingue par sa taille et sa capacité d’emport. L’appareil est décrit comme mesurant environ 17 mètres de long pour 12 mètres d’envergure. Avec une charge de munitions impressionnante pour sa catégorie. Sans entrer dans tous les détails dès le départ. Les chiffres avancés par Moscou donnent une idée de la place qu’il occuperait dans l’arsenal russe s’il entrait réellement en service.
Ce chasseur est présenté comme un appareil « tactique ». Capable d’emporter différentes catégories d’armes. Et de s’intégrer à des scénarios de combat variés. Dans le contexte du conflit actuel. Il est facile d’imaginer à quoi ces caractéristiques sont censées renvoyer. Même si le Su-75 reste pour l’instant un projet plus qu’un acteur réel du champ de bataille.
Pour la Russie, ce programme permet surtout de montrer que son industrie aéronautique militaire ne se résume pas aux modèles déjà engagés sur le front. En communiquant sur un appareil encore en développement. Moscou cherche à prouver qu’elle ne se contente pas de survivre. Mais qu’elle continue à investir dans l’avenir de ses forces aériennes.
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Un calendrier officiel de plus en plus ambitieux
La vraie nouveauté de ces derniers jours vient du calendrier. D’après le site spécialisé The War Zone. La Russie a annoncé qu’un prototype du chasseur Sukhoï Su-75 pourrait commencer ses essais en vol dès le début de l’année 2026. Autrement dit, Moscou estime que le programme se rapproche enfin du moment où l’avion quittera la phase de maquette. Et de présentation de salon pour entrer dans la réalité des tests en vol.
C’est Sergueï Chemezov, patron du conglomérat de défense Rostec, qui a pris la parole pour donner ces indications. Selon ses déclarations à The War Zone. Le projet aurait franchi un cap décisif et serait « presque » au stade des essais. L’annonce va plus loin : dans un avenir proche, toujours selon lui, la production pourrait être lancée.
Cette façon de présenter les choses n’a rien d’anodin. En répétant que les essais sont imminents, les responsables russes donnent le sentiment que le Su-75 est sur le point de devenir opérationnel. Alors qu’il reste encore de nombreuses étapes à franchir entre un premier vol de prototype. Et une mise en service réelle. Mais la nuance n’est pas toujours au cœur de la communication officielle.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Moscou avance des échéances optimistes pour ses nouveaux programmes d’armement. Le Su-75 s’inscrit dans une longue série d’annonces promettant des armes « révolutionnaires ». Conçues pour inquiéter les adversaires autant que pour rassurer l’opinion intérieure sur la puissance de l’industrie nationale.
Quand la propagande s’invite dans la course aux armements
Cette stratégie de discours s’inscrit dans un contexte plus large. En septembre, les Nations unies, via le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, ont tiré la sonnette d’alarme sur l’ampleur de la propagande militaire diffusée dans le monde. La Russie est clairement citée, mais elle n’est pas la seule : la Chine et les États-Unis sont également pointés du doigt.
Le Haut-Commissaire Volker Türk, cité par l’AFP, décrit une propagande « omniprésente ». Il ne s’agit pas seulement de vidéos spectaculaires ou de slogans patriotiques, mais aussi de la place que prennent les démonstrations de force dans la sphère publique. Les défilés aériens, les salons d’armement et les annonces de nouveaux systèmes comme le Su-75 participent à cette mise en scène.
Dans ce cadre, les projets de chasseurs comme le chasseur russe Su-75 ne sont pas seulement des programmes industriels. Ils deviennent des outils de communication à part entière. Chaque image d’avion flambant neuf sur un tarmac, chaque maquette présentée sous les projecteurs, chaque promesse de performances est autant un message adressé aux opinions publiques qu’aux adversaires potentiels.
Les lobbies des armes jouent ici un rôle central, souligne encore Volker Türk. Ils s’appuient sur des campagnes de communication massives, souvent relayées par une partie des médias, pour mettre en valeur les derniers progrès technologiques. Dans ce décor, il n’est pas étonnant que la Russie insiste autant sur son futur avion de combat vedette, même avant son premier vol.
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Défilés militaires, vitrines technologiques et absence de « ministère de la Paix »
Les défilés militaires sont un autre élément clé de cette mise en scène. À Moscou comme dans d’autres capitales, ils servent de vitrine pour les nouveautés de l’armement. Les chars, missiles et avions y sont exhibés comme des symboles de puissance nationale. Le Su-75, s’il devient un jour un appareil en service, a toutes les chances de défiler lui aussi, bien avant d’avoir prouvé quoi que ce soit au combat.
Ce type de spectacle, relevait encore le Haut-Commissaire, renforce une logique où la performance technique et la capacité de destruction sont mises en avant, parfois sans recul critique. Chacun montre ses prototypes, ses démonstrateurs, ses maquettes grandeur nature, comme si la course aux armements devait être un concours permanent de modernité.
Mais, comme le rappelle Volker Türk, on ne voit jamais de défilés pour la paix. Il n’existe pas davantage de « ministère de la Paix » chargé d’exhiber des innovations en matière de désescalade, de diplomatie ou de reconstruction. Cette remarque, presque anecdotique en apparence, dit beaucoup de la culture politique mondiale : les armes occupent la scène, les initiatives de paix restent dans l’ombre.
Le cas du Su-75 illustre parfaitement ce paradoxe. On parle beaucoup de ses futures capacités, de sa silhouette, de ses promesses. On s’interroge moins sur ce que signifie, pour un conflit déjà meurtrier, l’arrivée potentielle d’un nouveau système d’armes capable de frapper plus loin, plus vite, avec davantage de précision et de charge.
Une annonce de plus dans un long feuilleton d’armements russes
Ce n’est pas la première fois que la Russie met en avant une arme présentée comme « redoutable », « novatrice » ou « unique ». De nombreux précédents montrent que Moscou sait parfaitement utiliser l’effet d’annonce pour occuper le terrain médiatique, que les programmes aboutissent ou non dans les délais affichés.
Les observateurs ne s’y trompent pas : chaque nouvelle déclaration sur le Su-75 s’ajoute à un feuilleton déjà bien fourni. Pour le public, il devient parfois difficile de distinguer ce qui relève d’un véritable jalon industriel de ce qui n’est qu’un palier dans la communication. Mais saviez-vous que ces grandes annonces peuvent se succéder pendant des années avant qu’un appareil n’entre réellement en service, quand il y parvient ?
Dans ce contexte, la prudence reste de mise. Les chiffres avancés par les responsables russes impressionnent, les images de maquettes ou de prototypes séduisent. Pourtant, l’écart peut être considérable entre les promesses initiales, les capacités effectives et la réalité de l’utilisation opérationnelle.
C’est pour cette raison que les déclarations sur le calendrier du Su-75 sont observées de près. Elles donnent un aperçu de la manière dont Moscou souhaite raconter son propre avenir militaire, plus encore qu’elles ne garantissent l’issue du programme.
Ce que Moscou promet vraiment pour début 2026
Reste la question centrale : que prévoit exactement la Russie pour les prochaines années ? C’est ici que les propos des responsables prennent tout leur sens. Selon les informations relayées par The War Zone, un prototype du Su-75 devrait enfin entamer ses essais en vol au tout début de 2026.
Le patron de Rostec, Sergueï Chemezov, ne s’est pas contenté d’évoquer cette étape. Il a assuré que son groupe était « presque » arrivé au stade des vols d’essai et que, dans la foulée, la production devait être lancée. Il va jusqu’à estimer que « ce sera début 2026 », histoire de figer noir sur blanc une échéance qui pourra ensuite servir de repère… ou de point de comparaison.
Dans cette même communication, Moscou rappelle les caractéristiques officielles de l’appareil. Le Su-75 est présenté comme un chasseur d’environ 17 mètres de longueur pour 12 mètres d’envergure, capable, sur le papier, d’emporter jusqu’à 7 400 kg de munitions. Des chiffres qui, s’ils se confirment, placeraient ce futur chasseur russe parmi les appareils les plus lourdement armés de sa catégorie.
Autrement dit, derrière le bruit médiatique, la révélation concrète est bien là : la Russie promet un premier prototype en vol « au début de 2026 », avec un Su-75 conçu pour emporter une charge d’armement colossale. Reste désormais à voir si cette promesse, comme tant d’autres avant elle, survivra à l’épreuve du temps et des réalités industrielles.