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Cette vieille astuce de maths qui peut enfin réconcilier votre café et vos matchs serrés)

Publié par Killian Ravon le 23 Nov 2025 à 22:36

De la cafetière du matin aux grandes compétitions sportives, certaines situations ont l’air parfaitement équitables… alors qu’un biais discret fausse le résultat.

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Tasse de café latté en gros plan avec motif de séquence mathématique dans la mousse, devant un tableau couvert de formules.
Quand les formules quittent le tableau pour venir flotter directement à la surface du café du matin.

Derrière ces petits déséquilibres se cache une logique mathématique née au XIXᵉ siècle, capable de rétablir une équité étonnamment précise, sans matériel compliqué ni calculs interminables.

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Et ce qui commence avec une simple tasse de café peut très vite changer la façon dont on regarde un tirage d’équipe ou une séance de tirs au but.

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Tasse de café noir vue de près sur une soucoupe, avec mousse légère en surface, éclairage doux et composition centrée sur la boisson chaude.
« Une simple tasse de café peut devenir un terrain d’expérimentation pour l’équité. »
Crédit : Jon Sullivan / Wikimedia Commons

Ces micro-injustices qu’on ne voit même plus

Dans la vie quotidienne, on accepte souvent de petites injustices parce qu’elles semblent inoffensives. Un café trop fort pour l’un, trop léger pour l’autre, un tirage d’équipe qui a l’air équitable, une alternance « à tour de rôle » qui rassure tout le monde. À force de répétition, ces schémas deviennent la norme, au point qu’on ne les questionne plus.

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Pourtant, derrière ces gestes anodins, un détail fait toute la différence : l’ordre dans lequel on fait les choses. Une même quantité de liquide, versée dans un ordre différent, ne donne pas le même résultat. De la même façon, choisir des joueurs un par un ne produit pas la même répartition selon que l’on commence par le plus fort ou non. C’est là que les mathématiques, discrètement, viennent mettre le doigt sur ce que l’œil ne perçoit plus.

Ce qui intrigue ici, ce n’est pas la quantité totale, mais la manière dont elle est distribuée. On a l’impression de « jouer fair-play », alors qu’en réalité, une personne garde systématiquement un avantage. Ce décalage entre impression d’équité et réalité mesurable est précisément le terrain de jeu d’une étrange suite binaire, longtemps restée dans l’ombre.

Petite tasse de café noir sur fond sombre, photographiée en gros plan avec contraste marqué entre la porcelaine claire et la boisson.
« Quand la concentration varie dans la cafetière, deux tasses identiques ne le sont plus vraiment. »
Crédit : Julius Schorzman / Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.5)
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Quand un simple ordre de service déséquilibre tout

Imaginez une cafetière prête à servir exactement deux tasses. Le liquide du bas est plus concentré, celui du haut plus dilué. Si l’on verse simplement une première tasse puis une seconde, sans remuer, la première personne reçoit un breuvage plutôt fade, tandis que la seconde se retrouve avec un concentré amer. Les deux ont reçu « une tasse », mais pas du tout la même boisson.

Ce problème n’a rien à voir avec la quantité, ni même avec la qualité du café utilisé. Il tient uniquement à la façon dont on découpe la séquence de versement. Le même volume total, organisé différemment dans le temps, produit une impression d’injustice très concrète au fond des tasses.

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On retrouve exactement la même logique lorsqu’il faut composer deux équipes de niveau comparable. Dans un choix alterné classique, un capitaine commence, l’autre suit, et ainsi de suite. Sur le papier, difficile de faire plus simple. Mais si le premier choisit d’entrée le meilleur joueur, il reste avantagé jusqu’au bout, même si chacun respecte scrupuleusement son tour.

Dans un article cité par New Scientist, la mathématicienne Katie Steckles illustre ce phénomène en attribuant une valeur numérique à chaque joueur. Avec un système d’alternance ordinaire, le total obtenu par le premier capitaine peut atteindre 30 points, quand le second plafonne à 25.

Même en changeant simplement l’ordre apparent des choix, le déséquilibre persiste. L’intuition humaine se trompe : « un coup chacun » ne garantit pas une vraie égalité.

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Une suite binaire du XIXᵉ siècle pour rétablir l’équilibre

Pour corriger ce décalage, les mathématiciens se tournent vers un outil très ancien : la séquence Thue-Morse. Elle a été mise en lumière pour la première fois au milieu du XIXᵉ siècle par Eugène Prouhet, avant d’être approfondie par Axel Thue puis Marston Morse au début du XXᵉ siècle. À l’origine, cette suite n’a rien à voir avec le café ou le sport : c’est un objet de théorie des nombres et de combinatoire.

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Son idée centrale est pourtant très simple à exprimer : au lieu d’alterner rigidement A, B, A, B, on alterne de manière imbriquée. Appliquée à deux personnes, la suite ne démarre pas par ABAB, mais par ABBA. Ensuite, on prend ce bloc, on en crée la version « inversée » et on les colle l’un à la suite de l’autre. On obtient ainsi une alternance de plus en plus longue, mais surtout de plus en plus symétrique.

Concrètement, la séquence ne cherche pas à être « juste » à chaque étape isolée, mais à l’être sur l’ensemble du processus. Localement, on peut avoir l’impression que l’un est avantagé, puis c’est l’autre. Mais si l’on additionne tout, le déséquilibre s’atténue, voire disparaît. Ce principe de symétrie globale est précisément ce qui manquait au tirage classique ou au service de café naïf.

Et c’est ce qui rend cette suite fascinante : née dans des réflexions très abstraites sur les nombres et les mots binaires, elle se met soudain à parler de choses extrêmement concrètes, comme la façon de verser un liquide ou de répartir des avantages entre deux personnes.

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Tasse de café vue du dessus entourée de vieilles photos papier et d’un bol de sucre, quelques gouttes de café éclaboussant la table.
« Une vue plongeante qui rappelle que chaque goutte de café n’a pas exactement la même histoire. »
Crédit : AnnieSpratt / Pixabay

Du court de tennis aux tirs au but : limiter l’avantage du premier

Le monde du sport s’est emparé de cette idée bien avant les amateurs de moka. Le tie-break en tennis, par exemple, repose sur un schéma qui rappelle une version simplifiée de la séquence de Thue-Morse. Un joueur commence par servir une fois, puis le service alterne tous les deux points. Ce n’est pas un détail de règlement : ce rythme particulier réduit le risque de voir un joueur constamment sous pression au mauvais moment.

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Au lieu de laisser un seul joueur servir systématiquement sur les points décisifs, la structure même du tie-break répartit cette responsabilité. Sur une série de points, la tension se distribue mieux entre les deux adversaires. Là encore, ce n’est pas la quantité de services qui compte, mais la place qu’ils occupent dans la séquence.

De manière plus expérimentale, la FIFA et l’UEFA se sont penchées sur des modèles proches pour les séances de tirs au but. L’objectif est de neutraliser autant que possible le fameux « handicap du second », celui qui doit tirer en sachant qu’il est déjà mené ou qu’il doit impérativement égaliser.

L’ordre des tentatives n’est pas neutre psychologiquement, et les instances ont exploré des schémas d’alternance plus sophistiqués pour en limiter l’impact.

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Dans tous ces cas, on retrouve le même fil rouge : l’ordre des actions influence fortement la perception de justice, et même le résultat final. Les mathématiques ne changent pas la compétence des joueurs, ni la qualité des frappes, mais elles réorganisent le cadre dans lequel ces compétences s’expriment.

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Eau versée dans un filtre posé sur une tasse rouge, illustrant la préparation manuelle d’un café filtre sur fond de tissu rouge.
« Multiplier les petits versements, c’est déjà commencer à jouer avec l’ordre des opérations. »
Crédit : shixugang / Pixabay

Quand la cafetière devient un laboratoire d’équité

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Ce principe, le chimiste Robert M. Richman a eu l’idée de l’appliquer à une scène beaucoup plus humble : le service du café. Son point de départ est exactement celui du matin pressé où l’on remplit deux tasses sans réfléchir, avec à la clé un café déséquilibré pour l’un des deux convives. Plutôt que de remuer la cafetière, il propose d’agir sur la séquence de versement elle-même.

Dans une première version, il suffit de diviser le service en quatre petites étapes. On ne verse plus une tasse entière d’un seul coup, mais on procède par fractions, en respectant l’ordre inspiré du début de la séquence de Thue-Morse. Résultat : les deux tasses se rapprochent déjà nettement en goût. La quantité de café reste la même, mais la répartition du liquide plus fort et du liquide plus léger devient plus homogène.

Richman ne s’arrête pas là. À force d’expériences, il affine la méthode pour ceux qui veulent un équilibre quasiment parfait. Avec huit versements, organisés selon un ordre précis, la différence de concentration entre les deux tasses devient presque imperceptible. On ne parle plus d’un simple « à peu près », mais d’un ajustement si fin qu’il est difficilement détectable au palais.

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Les plus déterminés peuvent aller encore plus loin et pousser la logique jusqu’à seize manipulations successives. Là, à condition de suivre rigoureusement la séquence, on atteint une répartition qui frôle la perfection théorique. Le geste de base – verser du café d’une cafetière dans deux mugs – ne change pas. Ce qui change, c’est uniquement l’ordre dans lequel on alterne les petites quantités.

Tasse de café turc dans une coupelle blanche, remplie d’un café sombre mousseux, posée sur une table claire en intérieur.
« D’une culture à l’autre, le café change de forme, mais pas la question de son partage. »
Crédit : Leeturtle / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)

Des pigments à la programmation : la même logique en coulisses

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Ce qui pourrait passer pour une lubie de passionné de petit-déjeuner touche en réalité de nombreux domaines. Dans le mélange de liquides ou de pigments, par exemple, l’ordre dans lequel on ajoute les composants modifie le résultat final. Certaines nuances n’apparaissent que si l’on introduit les éléments dans une séquence déterminée, là où un ajout brutal donnerait un mélange plus grossier.

En chimie, ce type de réflexion sur l’ordre des opérations peut jouer sur la manière dont les réactions se déroulent ou sur la stabilité d’un mélange. Sans aller jusqu’aux détails techniques, l’idée demeure la même : la chronologie des ajouts compte autant que les quantités.

Dans le monde numérique, on retrouve cette logique dans certains algorithmes de tri ou de répartition. Plutôt que de traiter les éléments dans un ordre fixe, on utilise des schémas qui répartissent mieux les cas favorables et défavorables, de façon à éviter qu’un même « camp » soit avantagé trop souvent. Là encore, la séquence Thue-Morse sert d’inspiration, parfois cachée derrière des noms plus techniques comme certaines fonctions de Walsh.

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Ce qui frappe, c’est la continuité entre ces univers. Qu’il s’agisse de peindre un mur, de coder un algorithme ou d’organiser une séance de tirs au but, la même question se pose : comment partager au mieux une situation où l’on ne peut pas tout faire en même temps ?

Une méthode simple, sans avoir besoin de faire des maths

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Malgré tout ce bagage théorique, la force de cette découverte tient à sa simplicité d’usage. Il n’est pas nécessaire de connaître la démonstration initiale de Prouhet, ni les travaux ultérieurs de Thue et Morse, pour en profiter. On peut jouer avec cette suite uniquement au niveau des gestes : suivre un ordre précis de versements, ou adopter une alternance un peu plus subtile quand on répartit des avantages.

Pour le café, la marche à suivre reste concrète. En quatre versements inspirés de la logique ABBA, on obtient déjà deux tasses bien plus proches l’une de l’autre. En huit versements encore plus finement répartis, la différence quasiment disparaît. Et pour les plus patients, une séquence complète de seize versements, du type ABBABAABBAABABBA, permet d’atteindre un équilibre presque parfait entre les deux tasses, sans jamais avoir remué la cafetière.

Ce détail, que peu de gens connaissent, transforme une routine banale en petite expérience d’équité appliquée. On verse, on alterne, on suit l’ordre, et l’on obtient deux cafés qui se ressemblent enfin vraiment. La même idée, transposée au sport ou aux jeux, aide à concevoir des règles où le « premier avantagé » ne l’est plus autant.

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Au fond, c’est peut-être là le charme de cette séquence venue du XIXᵉ siècle : elle rappelle qu’une simple modification d’ordre peut suffire à rendre nos partages plus justes. Et si, en cette fin 2025, votre tasse du matin est mieux équilibrée grâce à elle, il y a des chances que le reste de la journée commence sous de meilleurs auspices.

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