Un maire supprime les panneaux de signalisation jugés « inutiles » dans sa commune
À Thiescourt, dans l’Oise, une décision locale fait parler d’elle. Le maire François Gomez a choisi de retirer les panneaux de signalisation jugés « non nécessaires » pour réduire la pollution visuelle et redonner de la cohérence aux rues du bourg. Quarante panneaux ont déjà disparu. L’opération ne s’arrête pas là.
Un village qui veut respirer
Le projet s’inscrit dans une démarche de renaturation plus large. Thiescourt vise le label « Villes et Villages Fleuris » et, pour l’équipe municipale, l’embellissement du cadre de vie passe aussi par un environnement visuel moins saturé. Avec le temps, les mâts et les plaques se sont multipliés, au point de donner l’impression d’un empilement sans logique, surtout dans un bourg où la sécurité routière relève directement des choix municipaux.
Dans ce contexte, la commune a engagé une première vague de retrait. Des annonces de stop à 50 mètres, des avertissements de virage trop en amont, des interdictions de stationner redondantes, voire des signalisations devenues obsolètes ont quitté l’espace public. L’objectif n’est pas de mener une croisade contre tous les panneaux, mais de supprimer ceux qui, à force d’accumulation, finissent par brouiller le message des plus utiles.
Trop de panneaux, moins d’attention
Selon la mairie, le constat ne vient pas de nulle part. Une étude de sécurisation routière réalisée en 2022 a mis en évidence un problème classique : le trop-plein de panneaux peut nuire à la vigilance. À force de sollicitations visuelles, les conducteurs filtrent, priorisent mal, relâchent leur attention au mauvais moment. Les annonces trop précoces d’un virage ou d’un stop invitent certains à accélérer jusqu’au point précis où ils pensent devoir réagir, alors qu’un marquage clair et un rappel au bon endroit suffisent à sécuriser le passage.
Cette lecture pragmatique guide le tri. Un avertissement de virage placé bien en amont fait-il vraiment ralentir dans une zone à faible trafic, ou conduit-il à l’effet inverse jusqu’à l’entrée du tournant ? Un « stop à 50 m » a-t-il une utilité quand le marquage au sol et le panneau unique au carrefour délivrent l’information au bon moment ? La commune a tranché : ces éléments « non nécessaires » quittent la scène pour que les signaux indispensables ressortent mieux.
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Adieu aux reliques d’une autre époque
Le grand nettoyage touche aussi les panneaux vétustes ou anachroniques. Certains, installés il y a 30 ou 40 ans, ne correspondaient plus à la réalité du bourg. Un panneau « interdit aux 3,5 tonnes » n’avait, par exemple, plus beaucoup de sens si un agriculteur local emprunte quotidiennement la voie avec un véhicule dépassant ce poids. De la même manière, un panneau « sortie d’école » continuait d’alerter… alors que l’école n’existe plus à Thiescourt depuis des années.
Ces cas illustrent un phénomène connu des petites communes. La voirie y relève d’une gestion au fil de l’eau : à chaque travaux de chaussée, à chaque réaménagement, on ajoute une signalisation, on répond à une demande ponctuelle, on entérine une précaution. Le résultat, sur la durée, peut donner une forêt de panneaux, où cohabitent mesures temporaires, recommandations périmées et doublons oubliés. En retirant ce qui n’a plus d’usage, la mairie veut clarifier la lecture de l’espace public et concentrer l’attention des usagers sur les informations qui comptent vraiment.
La lisibilité avant tout
Pour François Gomez, la logique est simple : « moins, c’est mieux » quand le dispositif restant est pertinent et lisible. Dans un bourg, l’information utile doit apparaître au bon endroit, sans être noyée dans un fatras d’injonctions contradictoires. Retirer un panneau d’annonce ne revient pas à supprimer une règle : cela revient à éviter la redondance, à faire confiance au marquage au sol, à l’aménagement et au bon sens. Un passage piéton bien visible, un carrefour correctement traité, une vitesse apaisée par le dessin de la rue parlent souvent plus fort qu’une succession de plaques.
La commune pousse cette cohérence jusque dans ses projets récents. Sur une place rénovée du village, où l’on imaginait spontanément une dizaine de mâts, la mairie a choisi une approche sobre : aucun panneau. L’aménagement, la perception des espaces de circulation et la configuration des traversées suffisent à guider les usages. Cette décision, assumée, s’inscrit dans une vision d’apaisement plutôt que de multiplication des injonctions.
Une économie et des habitants plutôt favorables
La démarche séduit une partie des riverains. Beaucoup estimaient qu’il y avait « trop de panneaux » et n’y voient aucune dégradation de la sécurité puisque la signalisation nécessaire demeure en place. Les messages envoyés au maire soulignent un ressenti partagé : avec quarante panneaux en moins, rien ne change dans la vie quotidienne, sinon une impression d’espace et de cohérence retrouvés.
Sur le plan budgétaire, le choix n’est pas neutre. Un panneau installé coûte environ 350 €. Éviter la pose de mâts supplémentaires et rationaliser l’existant se traduit par une économie pour la commune : environ 3 000 € à ce stade, selon l’estimation avancée. Ce n’est pas un jackpot, mais c’est une manière concrète d’orienter l’argent public vers des dépenses plus prioritaires que la reproduction de signalisations redondantes.
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Mettre fin à l’accumulation silencieuse
Thiescourt n’est pas un cas isolé sur le fond. Dans de nombreuses communes des Hauts-de-France et d’ailleurs, l’accumulation silencieuse de panneaux a pu s’installer au fil des mandats. Sans service voirie dédié, on a tendance à ajouter plutôt qu’à réviser, à prévenir tous les risques par des plaques plutôt qu’à repenser les parcours. Cela rassure sur le moment, mais cela peut finir par désorienter les usagers et dégrader la perception des lieux.
La méthode choisie ici se veut progressive et raisonnée. D’abord un diagnostic nourri par l’étude de 2022. Ensuite, une première salve de retraits ciblés pour tester l’adhésion et mesurer les effets. Et maintenant, une poursuite de l’effort, avec l’idée qu’une signalisation plus rare mais mieux placée rend le village plus lisible, plus apaisé, et donc plus sûr. Ce choix s’accompagne d’une attention particulière à limiter l’apparition de nouveaux panneaux à chaque chantier, pour ne pas reconstruire demain ce qu’on démonte aujourd’hui.
Une place sans panneaux, un symbole assumé
La Place des Dimes, récemment refaite, incarne ce virage. Pas de forêt de mâts, pas de superposition de rectangles et de cercles. Le dessin urbain prend le relais : le traitement du sol, les alignements, la hiérarchie des circulations et la présence de traversées piétonnes clairement identifiables. Là où l’on aurait jadis dressé une dizaine de plaques, la commune affirme désormais un choix : privilégier l’intelligibilité spatiale et la sobriété visuelle.
Cette vision ne prétend pas abolir la règle. Elle cherche à la rendre visible et compréhensible sans surenchère. Le maire le martèle : nul besoin d’un panneau pour rappeler qu’on ralentit sur une place de village ou qu’on respecte un passage piéton bien intégré. Quand le contexte parle de lui-même, le conducteur capte le message sans qu’on le lui hurle au visage.
Et maintenant ?
Reste une question : jusqu’où aller sans basculer dans l’insuffisance d’information ? Thiescourt avance par étapes, en gardant les panneaux indispensables et en observant les comportements. Si la lisibilité s’améliore et que les usages restent sereins, l’option sera confortée. Les plaques retirées ne finiront pas à la benne : elles pourront servir de signalisation ponctuelle lors de manifestations, preuve que la commune privilégie la réversibilité plutôt que le geste irrévocable.
Dans un paysage français parfois friand de sur-signalisation, l’initiative de ce village de l’Oise assume un pari : moins de panneaux, plus d’attention. Une manière de réconcilier sécurité, esthétique et bon sens dans un même mouvement. Et la suite est déjà tracée : environ quarante panneaux supplémentaires doivent encore être retirés, pour parachever ce grand ménage discret mais déterminé.