Ces voitures disparaissent des concessions, et les SUV n’y sont pour rien… ou presque
Les SUV se sont imposés en quelques années comme les chouchous du public. Au point de bouleverser totalement l’équilibre du marché automobile. Pendant ce temps, d’autres silhouettes pourtant emblématiques glissent doucement vers la sortie, quasi dans l’indifférence générale.
Derrière ce basculement discret, une question commence pourtant à se poser. Ce succès peut-il durer éternellement ? Ou prépare-t-il déjà un retour de bâton pour certains modèles ?
Crédit : Pixabay / OleksandrPidvalnyi
Comment les SUV ont pris le pouvoir en un temps record
En une dizaine d’années, les SUV ont réussi ce que peu de types de véhicules avaient accompli avant eux. Devenir la norme sur les routes. En 2023, ils représentaient déjà près de la moitié des voitures neuves vendues dans le monde. À peine un an plus tard, leur part atteignait 54 % en Europe. Confirmant une domination qui ne se limite plus à quelques marchés isolés.
Ce décollage fulgurant tient autant à l’image qu’à la pratique. Les SUV promettent une position de conduite surélevée, un sentiment de sécurité. Un style jugé plus moderne et parfois une polyvalence appréciée au quotidien. Beaucoup d’automobilistes ont eu l’impression de « monter en gamme ». En passant de leur berline ou de leur petit monospace à un modèle plus haut perché.
Face à cet engouement massif, les constructeurs automobiles n’ont pas mis longtemps à suivre le mouvement. Pour eux, difficile de résister à une catégorie qui se vend bien. Valorise les marges et séduit toutes les clientèles. De la famille à la clientèle premium. Peu à peu, les catalogues se sont remplis de SUV. Au point de devenir parfois difficiles à lire pour le grand public.
Crédit : Pixabay / anonyme
Des gammes totalement réorganisées autour du SUV
L’exemple de Renault illustre bien ce recentrage. Le constructeur français a multiplié les lancements de SUV, au risque de proposer des modèles parfois proches dans leur usage comme dans leurs dimensions. Captur, Arkana, Austral, Rafale ou encore Symbioz viennent désormais se côtoyer dans les showrooms, chacun cherchant à occuper un créneau légèrement différent.
Plus frappant encore, certains noms bien connus ont changé de silhouette sans changer d’étiquette. L’Espace et le Scenic, longtemps associés à l’image du monospaces par excellence, sont devenus à leur tour des SUV. Là où ces modèles incarnaient autrefois la voiture familiale rationnelle, ils se positionnent désormais sur le terrain de la mode et de l’allure, tout en conservant une vocation pratique.
On observe ainsi une forme de cannibalisation interne. Là où une marque proposait autrefois une berlines familiales, un break et un monospace, elle aligne aujourd’hui trois ou quatre SUV, parfois en abandonnant purement et simplement ses silhouettes historiques. Les nouveautés se concentrent presque toutes sur ce format, reléguant les autres au rang de vestiges d’une époque révolue.
Crédit : Pixabay / anonyme
Les silhouettes « classiques » reléguées dans l’ombre
Cette montée en puissance des SUV a eu des conséquences très concrètes pour les autres catégories. Les breaks et les berlines de taille moyenne, longtemps considérés comme le compromis idéal entre confort, consommation et espace, voient leurs ventes reculer année après année.
À lire aussi
Dans les concessions, ces modèles bénéficient de moins de communication, de moins de versions, parfois même de moins de motorisations. Les clients qui franchissent la porte se voient le plus souvent orientés vers un SUV, même lorsqu’un modèle plus bas et plus léger pourrait couvrir leurs besoins. À force, les berlines paraissent vieillissantes, alors qu’elles n’ont parfois rien à envier aux nouveautés en matière de technologie ou de sécurité.
Les monospaces paient encore plus cher ce changement de goût. Ces véhicules, qui symbolisaient la praticité maximale pour les familles nombreuses, ont presque disparu des showrooms. Leur silhouette jugée « utilitaire » ou « ringarde » a été supplantée par des SUV 7 places promettant la même capacité, mais avec un style jugé plus flatteur. Pour beaucoup de parents, le choix ne se pose même plus : on parle « SUV familial » plutôt que « monospace », comme si le mot lui-même était devenu tabou.
Crédit : Pixabay / anonyme
Un marché où seuls les extrêmes résistent encore
Dans ce contexte, seuls deux univers semblent garder la cote auprès du public. D’un côté, les SUV de toutes tailles occupent le haut du pavé. De l’autre, on observe depuis peu un regain d’intérêt pour les petites citadines, compactes, faciles à garer et souvent plus abordables à l’achat comme à l’usage.
Ce paradoxe découle en partie des contraintes économiques et environnementales. Les automobilistes cherchent à réduire leurs dépenses de carburant et à limiter les taxes, tout en conservant une voiture qui « en jette ». Les citadines répondent bien à la première exigence, les SUV à la seconde. Entre les deux, berlines et monospaces peinent à justifier leur existence aux yeux d’un public désormais habitué aux lignes massives et aux grands écrans.
La situation est telle que certains modèles, même très réputés, ne sont plus reconduits lors du renouvellement de gamme. Une fois leur carrière terminée, ils ne laissent derrière eux ni remplaçant direct ni nouvelle génération, mais un SUV de plus dans le catalogue. C’est là que le basculement devient visible pour les passionnés comme pour les observateurs du secteur.
Des noms célèbres qui disparaissent des catalogues
Plusieurs modèles emblématiques ont déjà fait les frais de cette nouvelle hiérarchie. La Volkswagen Passat n’est plus proposée qu’en version break, la berline ayant disparu du catalogue. Chez Ford, la Ford Mondeo a été tout simplement retirée du marché européen depuis 2022, sans héritière directe sur le Vieux Continent.
Du côté de Toyota, la Toyota Avensis, longtemps symbole de la berline fiable pour gros rouleurs, a quitté la scène dès 2018. Dans des formats plus compacts, des voitures comme l’Alfa Romeo Giulietta, la Honda Civic ou la Seat Toledo ont, elles aussi, tiré leur révérence. Toutes avaient connu leur heure de gloire, parfois sur plusieurs générations, avant de voir leurs ventes s’effriter au profit de SUV plus récents.
À lire aussi
Fait significatif, ces modèles ne sont généralement pas remplacés par d’autres berlines. Lorsqu’une marque décide de combler le vide laissé, elle le fait presque toujours avec un SUV, parfois électrique ou hybride, mais toujours plus haut, plus massif, plus en phase avec les attentes du moment. Ces disparitions successives donnent l’impression d’un catalogue qui se standardise autour d’une seule et même silhouette.
Crédit : Pixabay / anonyme
Le revers écologique d’une success story
Si les SUV ont gagné le cœur des automobilistes, ils attirent en revanche de plus en plus l’attention des grandes villes et des responsables politiques. Plus imposants que les voitures de gabarit moyen, ils pèsent souvent plusieurs centaines de kilos de plus, ce qui se traduit par une consommation accrue et des rejets en hausse.
En moyenne, ces véhicules émettraient environ 20 % de dioxyde de carbone de plus qu’une voiture classique de taille comparable. Pour des municipalités déjà confrontées à la pollution de l’air et aux enjeux climatiques, cette tendance est difficile à accepter. À Paris, certaines mesures ciblant spécifiquement les véhicules les plus lourds et les plus polluants sont déjà à l’étude ou en place, et d’autres villes pourraient suivre le même chemin.
Dans ce contexte, la popularité des SUV pourrait se heurter à des limites réglementaires. Taxation renforcée, restrictions d’accès à certains quartiers, stationnement plus coûteux : autant de leviers qui pourraient, à terme, faire réfléchir une partie du public.
Et si l’image valorisante de ces véhicules demeure forte, la pression écologique pourrait finir par rogner leur aura de voiture idéale pour tous les usages.
La possible revanche des voitures « classiques »
Cette évolution ouvre une brèche pour les silhouettes laissées de côté. Les berlines et les breaks, plus légers et plus sobres, pourraient redevenir attractifs dans un contexte où chaque gramme de CO₂ compte, notamment pour les conducteurs urbains ou périurbains. Leur aérodynamique plus favorable, leur poids contenu et leur comportement routier souvent plus précis en font des candidats naturels à un éventuel retour en grâce.
On observe déjà un frémissement avec le retour de petites citadines, pourtant pas toujours très rentables pour les marques. Moult automobilistes, lassés des gabarits imposants, redécouvrent les avantages d’une voiture compacte : plus simple à garer, moins coûteuse à l’usage et parfois mieux tolérée dans les zones à circulation restreinte. Ce mouvement reste timide, mais il montre que la demande n’est pas figée.
Reste une interrogation : si la vague des SUV venait à s’essouffler, quelles voitures prendraient la relève ? Les modèles traditionnels, monospaces mis à part, disposent d’atouts sérieux pour reconquérir un public en quête de sobriété et de praticité.
Mais saviez-vous que certaines de ces silhouettes ont déjà pratiquement disparu des chaînes de production, au point qu’il est désormais impossible d’acheter neuf une Passat berline, une Mondeo européenne ou une Avensis, toutes remplacées… par des SUV ?