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Accusée d’avoir mangé un plat du rayon traiteur, une salariée licenciée obtient gain de cause

Publié par Killian Ravon le 14 Déc 2025 à 2:36

En cette fin d’année, une affaire de supermarché fait beaucoup parler en Catalogne. Une employée renvoyée après une accusation très concrète conteste la décision.

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Supermarché fermé de nuit : une employée au rayon plats préparés échange avec un manager tenant un dossier.
Après la fermeture, un simple soupçon peut vite devenir un dossier disciplinaire.

Et obtient, au fil des audiences, un sérieux retournement de situation… jusqu’à embarrasser l’enseigne.

La vidéo du jour à ne pas manquer
Rangée de caisses dans un supermarché avant l’ouverture, lumière de néons et paniers en attente
« Avant l’ouverture, tout est en place… et le moindre incident peut devenir un dossier. » ; crédit « Wikimedia Commons / Mattie B (CC BY-SA)
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Une fin de service qui tourne au dossier disciplinaire

Tout démarre dans un magasin de l’enseigne espagnole Mercadona, à Rubí, près de Barcelone. La scène se situerait en toute fin de journée, une fois les portes fermées et les clients partis. Un moment où, d’ordinaire, l’équipe termine, range, souffle, puis rentre chez elle.

C’est précisément dans ce contexte que l’employée se retrouve accusée d’un geste qui, sur le papier, paraît simple à décrire. Elle aurait consommé des plats préparés vendus dans les rayons, sans les payer, après son service. L’entreprise parle d’un préjudice limité, chiffré à environ 20 euros.

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Dans beaucoup d’entreprises, ce type de soupçon déclenche une mécanique immédiate. D’abord l’émotion interne, ensuite la recherche d’éléments, puis la tentation de « trancher » vite. Ici, la direction choisit une voie nette : la rupture du contrat de travail, sur un registre disciplinaire.

Dès lors, l’histoire ne se joue plus seulement sur le fait reproché. Elle se joue sur la manière dont il est établi, sur la solidité du dossier, et sur la frontière parfois ténue entre certitude et présomption. Et c’est souvent là que les contentieux s’enflamment.

Vue large d’une zone de caisses et présentoirs dans un supermarché, circulation et éclairage industriel
« Entre caisse, sortie et arrière-boutique, tout se joue parfois en quelques minutes. » ; crédit « Wikimedia Commons / Abel111222 (CC BY-SA) »
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Des “preuves” qui semblent solides… mais reposent sur des détails

Pour justifier la sanction, l’enseigne met en avant des éléments présentés comme concordants. Deux collègues affirment avoir été témoins directs de la scène : leurs témoignages constitueraient la colonne vertébrale du dossier. À cela s’ajoutent des photographies montrant les restes supposés des plats concernés.

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Sur le moment, ce type de montage peut donner l’impression d’un récit verrouillé. Deux personnes disent avoir vu, des photos existent, l’entreprise estime le préjudice, et la conclusion paraît “logique”. Mais en matière disciplinaire, tout dépend de la cohérence, de la chronologie et des conditions de production de ces éléments.

Un détail rend aussi le dossier plus sensible : la salariée n’aurait pas reconnu les faits. L’entreprise lui aurait proposé un accord : une indemnité de 1 000 euros si elle admettait sa responsabilité. Elle refuse, et décide de porter l’affaire devant la justice.

À ce stade, le conflit change de nature. Ce n’est plus un débat d’équipe ou un simple désaccord interne. C’est une contestation formelle, où la charge de convaincre s’appuie sur des pièces, des déclarations, et la crédibilité de ceux qui parlent. Et parfois, un petit détail que peu de gens anticipent peut tout réorienter.

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Rayon boucherie-traiteur d’un supermarché, employés en arrière-plan et vitrines réfrigérées au premier plan
« Un espace traiteur qui concentre souvent les tensions quand la fin de service approche. » ; crédit « Wikimedia Commons / Realeklas (CC BY-SA) »

Quand le dossier arrive devant le tribunal… et que tout se complique

Le litige est examiné en première instance en janvier par le tribunal des affaires sociales de Terrassa. C’est là que la version de l’entreprise, pourtant structurée, commence à se fissurer. Le juge met en doute la solidité des éléments avancés pour justifier la sanction.

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D’abord, les déclarations des deux collègues sont jugées incohérentes. Autrement dit, le tribunal ne se contente pas de vérifier qu’ils “maintiennent” leur version : il observe les contradictions, les imprécisions, et la façon dont le récit tient — ou non — dans le temps.

Ensuite, les conditions dans lesquelles les photos ont été prises interrogent. Ce point compte énormément : une image peut sembler évidente, mais sa valeur dépend de son contexte, de son origine, de ce qu’elle prouve réellement, et de ce qu’elle laisse au contraire dans le flou. Là encore, le tribunal ne semble pas convaincu.

Mais le point le plus explosif surgit ailleurs. Le juge relève l’existence d’un conflit récent entre la salariée et ces mêmes collègues. Ce genre d’élément n’innocente personne à lui seul, mais il peut affecter l’impartialité perçue des témoins, et donc peser lourd dans l’appréciation globale du dossier.

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Dès lors, l’affaire quitte le terrain du “on a vu” pour entrer dans une zone beaucoup plus délicate : celle où les témoignages ne sont plus un socle, mais une pièce contestée. Et quand la crédibilité devient l’enjeu central, la sanction initiale peut se retrouver fragilisée.

Panneau suspendu indiquant un rayon de supermarché, typographie blanche sur fond noir et repère rouge
« Le détail du rayon, celui qu’on n’imagine pas déclencher une tempête. » ; crédit « Wikimedia Commons / Alarichall (CC0) »

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Une bataille de crédibilité, puis l’appel de l’enseigne

Face à ces constats, la justice considère que la rupture n’est pas suffisamment étayée. Dans ce genre de contentieux, l’exigence est claire : une décision disciplinaire doit reposer sur des faits établis de manière convaincante, pas sur une accumulation d’indices discutables.

Le jugement de première instance ne se limite pas à critiquer tel ou tel élément. Il remet en cause l’architecture du raisonnement : incohérences, incertitudes sur les photos, contexte conflictuel entre salariés. Un ensemble qui, pour le tribunal, empêche de considérer la sanction comme pleinement justifiée.

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Pour l’enseigne, l’enjeu dépasse largement le montant initial du préjudice évoqué. Il touche à la gestion interne, à la manière d’enquêter, à la prudence dans l’usage de preuves informelles, et à l’image d’une procédure disciplinaire menée trop vite. Et dans une entreprise, ce genre de décision peut faire jurisprudence en interne, en incitant d’autres salariés à contester.

Mercadona choisit alors de faire appel. Un choix classique quand une société estime qu’un dossier a été mal apprécié, ou qu’elle veut éviter qu’un jugement devienne un signal trop fort. Mais saviez-vous que l’appel, dans ce type d’affaire, ne relance pas tout à zéro ? Il vient souvent vérifier si l’analyse du premier juge tient, et si les arguments résistent à un second regard.

Poste de caisse vide dans un supermarché, tapis roulant et rayons colorés en arrière-plan
Un poste de caisse anodin… mais au cœur de beaucoup de procédures internes. » ; crédit « Wikimedia Commons / Wolfmann (CC BY-SA)
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La décision confirmée… et la somme révélée à la toute fin

Dernier acte : la Cour supérieure de justice de Catalogne confirme le jugement initial. Autrement dit, la seconde juridiction valide l’idée que le dossier disciplinaire ne permettait pas de justifier la rupture telle qu’elle avait été prononcée.

Concrètement, la justice qualifie le licenciement abusif. Le tribunal avait alors donné le choix à l’entreprise : réintégrer la salariée ou verser une indemnisation conséquente. Mercadona a choisi de payer, tout en se réservant la possibilité d’un recours supplémentaire devant la Cour suprême d’Espagne, à Madrid.

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Et c’est seulement là que tombe le chiffre qui résume l’affaire : l’enseigne est condamnée à verser 60 000 euros à l’ex-employée.

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