Urgence vitale : deux jumelles prématurées bloquées sur la route par un véhicule Sanef
Alya et Lyana sont nées le 8 juillet avec dix semaines d’avance. À seulement 34 semaines de conception, elles relèvent encore de la néonatalogie. Leur état impose un suivi serré, des repas minutés et des manipulations réduites au strict nécessaire. Chaque minute compte lorsque l’une d’elles se dérègle, et chaque secousse peut être une épreuve pour la naissance des jumelles.
Le matin des faits, un examen du fond d’œil devait être réalisé à Amiens. Ce déplacement, bref mais incontournable, était organisé entre les services, avec une prise en charge pensée pour limiter tout stress. Les deux fillettes étaient harnachées dans leurs dispositifs et surveillées en continu, loin de la brutalité du monde extérieur.
Un transport médical encadré
Le transfert avait été confié à la société Les Oursons Bleus, spécialisée en pédiatrie. Un ambulancier et un infirmier accompagnaient la mère dans le véhicule. D’après la famille, le SMUR de Compiègne avait missionné le trajet et le SAMU lui avait attribué un numéro de circulation d’urgence vitale. Les équipiers affirment avoir roulé avec gyrophares et avertisseurs en fonction.
L’objectif était clair : l’aller-retour dans la journée et un retour rapide au service de Compiègne pour l’heure du repas. Le lait maternel, récupéré à Amiens, obéit à des règles de conservation strictes. Hors créneau, il faut le jeter, ce qui prive les bébés d’un apport précieux et impose d’autres actes de soins.
La zone de travaux et la file au pas
Peu après 15 heures, le fourgon entre dans une portion en chantier, sens Amiens – Saint-Quentin. Les véhicules avancent à environ 40 km/h sur plusieurs kilomètres. Selon le père, l’ambulance se décale à droite pour remonter la file avec ses avertisseurs, le temps de dépasser les bouchons formés par la signalisation de chantier.
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À ce moment, un véhicule d’entretien surgit à hauteur du fourgon. L’ambulancier parle d’un premier coup de volant imprévisible qui l’oblige à un écart réflexe. À l’intérieur, les têtes des nourrissons basculent. L’équipage reprend sa trajectoire, persuadé d’un malentendu. Mais le véhicule de chantier revient, se place à côté, et recommence à pousser, jusqu’à forcer l’arrêt contre la glissière.
Immobilisés sur la bande d’arrêt d’urgence
L’agent descend et somme l’équipage d’interrompre sa manœuvre. Il estime que l’ambulance n’a « rien à faire sur cette voie ». L’ambulancier et l’infirmier expliquent qu’il s’agit d’un retour en transport vital pour deux nourrissons. Ils demandent à repartir. L’agent refuse. Le fourgon médical reste bloqué, moteur coupé, sans climatisation, alors que la température grimpe sous le pare-brise.
Dans l’habitacle, la mère panique. L’infirmier vérifie les paramètres. L’une des jumelles désature, l’autre affiche un rythme cardiaque trop élevé. Des gestes réflexes sont effectués pour stabiliser les deux bébés. Chaque seconde paraît interminable pendant que les voitures passent au ralenti, indifférentes à la scène.
Une intervention retardée, puis la gendarmerie
L’équipe appelle la gendarmerie. Les minutes s’égrènent, une trentaine environ, avant l’arrivée d’une patrouille. Les militaires entendent les protagonistes, sécurisent la zone et laissent l’ambulance repartir vers Compiègne. Le trajet est repris tambour battant pour respecter autant que possible les contraintes thérapeutiques des petites.
Au service, les soignants constatent la frayeur de la mère et la fatigue des nourrissons. Le lait récupéré en amont n’est plus utilisable, hors délai. Au-delà du contretemps, la famille s’inquiète des secousses encaissées lors des écarts et de la chaleur accumulée à l’arrêt, deux facteurs qui peuvent déstabiliser des bébés si immatures.
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Ce que disent les règles de prudence
Les équipages médicaux rappellent généralement que le corridor de sécurité et la priorité aux véhicules en intervention ne sont pas des passe-droits, mais des protections destinées à sauver des vies. Dans une zone de travaux, la vigilance doit être maximale pour éviter les collisions et fluidifier l’accès des secours. Là où les cônes et flèches imposent des détours, le bon sens commande de ne pas créer un obstacle supplémentaire à un transport critique.
Ici, chacun campe sur sa lecture de la situation. L’agent de chantier voit une ambulance déroger au cheminement balisé. Les soignants y voient une urgence vitale placée sous encadrement médical, qui justifie une progression plus rapide que le flot. Entre ces deux réalités, ce sont deux nourrissons qui attendent, attachés dans leurs dispositifs minuscules.
La colère d’un père et le choc d’une mère
De retour à la maison, les parents rédigent un courrier ferme. Le père décrit un agent qui aurait « joué au shérif de la route ». Il craint des conséquences différées, comme celles que redoutent les pédiatres lorsqu’un nourrisson subit des mouvements brusques. La mère, encore sous le choc, parle d’images obsédantes et de la peur, irrationnelle mais tenace, de perdre à nouveau le contrôle.
Dans leur récit, le père insiste sur le sentiment d’impuissance. Les adultes se parlent fort, les sirènes se taisent, la circulation ronronne, et deux vies attendent que des adultes se mettent d’accord. C’est cette dissonance qui nourrit la colère, plus encore que la perte d’un repas ou la demi-heure engloutie dans la chaleur.
« Jusqu’où peut-on bloquer une ambulance ? »
La question, posée par la famille, ouvre un débat récurrent sur l’autoroute : comment arbitrer entre sécurité de chantier et priorité aux secours. Les conducteurs se perdent parfois entre les panneaux et l’instinct, surtout quand les voies se resserrent. Les professionnels, eux, rappellent que l’enjeu premier reste d’éviter l’accident, sans jamais compromettre un transport critique.
Dans cette histoire, l’issue a été moins tragique que redoutée, mais elle laisse des traces. Les jumelles ont pu regagner leur service. Les parents, eux, veulent des explications, et des garanties qu’un tel blocage ne se reproduira pas. Les témoins, rares, peinent à comprendre comment une séquence aussi tendue a pu s’installer en plein après-midi.
L’identité de l’agent, les suites judiciaires et la réaction
À l’issue des témoignages recueillis par la brigade mobile, la famille désigne formellement un agent de la Sanef comme conducteur du véhicule d’entretien. Elle annonce le dépôt de deux plaintes, l’une pour mise en danger de la vie d’autrui, l’autre pour préjudice psychologique de la mère, tandis que l’hôpital de Compiègne indique soutenir la démarche. Contactée, la Sanef assure prendre l’affaire très au sérieux et confirme l’ouverture d’une enquête interne.
- 23/08/2025 à 17:53Il y a une piste d'hélicoptère à l'hôpital de Compiègne ... Cela me semble plus raisonnable pour ce type de transport que la route ou un accident peut survenir à tour moment et tout bloquer.
- 14/08/2025 à 12:48Comme d'hab il y aura tjrs des Zorros qui s'octroient des droits prioritaires. Le gars de la maintenance aurait du, au contraire, leur ouvrir la voie.
- 12/08/2025 à 10:04Si c’est une urgence vitale je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas un motard pour ouvrir la route
3 commentaires