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Où se cache le grand trou bleu le plus profond du monde ? Le record vient d’être confirmé

Publié par Killian Ravon le 25 Oct 2025 à 12:00

Le saviez-vous ? Parmi les cavités marines qui ponctuent nos lagons, un « géant » vient de ravir la première place. Loin des cartes postales, son abîme défie les instruments et la patience des chercheurs. Et ce champion ne se trouve ni aux Bahamas ni au Belize…

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Vue aérienne du trou bleu Taam Ja’ à Chetumal : disque bleu nuit cerné d’un lagon turquoise, un navire déploie une sonde vers l’abîme.

Mystérieux, d’un bleu profond presque irréel, les trous bleus intriguent depuis des décennies. Plusieurs sites ont longtemps réclamé le titre de cavité sous-marine la plus profonde au monde. Mais de nouvelles mesures ont tranché : au large du Mexique, le Taam Ja’ plonge à plus de 420 mètres et s’impose comme le record mondial. Récit d’une découverte qui bouscule le classement… et qui pourrait réserver un ultime rebondissement.

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Vue aérienne du Great Blue Hole au Belize, vaste cercle sombre entouré d’un lagon turquoise, révélant le contraste marqué entre faible et grande profondeur.
Le Great Blue Hole, icône des trous bleus, reste spectaculaire mais n’est plus le plus profond.
Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA
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Taam Ja’, ce géant discret de la baie de Chetumal

Dans la baie de Chetumal, à l’extrême sud-est de la péninsule du Yucatán, un trou bleu au nom maya — Taam Ja’, « eaux profondes » — concentre depuis peu l’attention de la communauté scientifique. Découvert en 2021, il n’avait d’abord été crédité que de 274 mètres de profondeur. À l’époque, cette estimation le plaçait en bonne place dans le classement mondial mais pas au sommet. Ce chiffre, issu d’un premier relevé acoustique, semblait cohérent avec la physionomie du site : une ouverture sombre enchâssée dans des eaux peu profondes, une surface dépassant 13 600 m², et des parois calcaires abruptes.

Mais un trou bleu n’est jamais un simple puits vertical. Les cavités peuvent s’évaser, se ramifier en galeries, ménager des surplombs qui piègent les ondes, bref déjouer les sondes. C’est exactement ce qui s’est produit à Chetumal : deux ans plus tard, une campagne de mesures plus ambitieuse a rebattu les cartes.

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Cercle bleu nuit du trou bleu du Belize photographié depuis les airs, cerné d’un récif clair et d’eaux peu profondes plus turquoise.
La carte postale qui a popularisé les trous bleus auprès du grand public.
Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA.

Un record tombé grâce à une sonde CTD

En 2023, l’équipe revient sur zone avec un instrument de référence en océanographie, la sonde CTD (conductivité, température, profondeur). Relié par câble à un navire, l’appareil descend mètre par mètre et transmet en temps réel ses mesures de salinité, de température et surtout de pression, d’où l’on déduit la profondeur. Très vite, une surprise : alors que la sonde franchit les 274 mètres de la précédente estimation, l’aiguille n’indique aucune proximité avec le fond. Les scientifiques poursuivent la descente, prudemment, tant la géométrie interne d’un trou bleu peut se révéler complexe.

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La progression continue jusqu’à environ 420 mètres. Et pourtant, la limite n’est pas imposée par le Taam Ja’ lui-même : c’est l’instrument qui atteint sa capacité opérationnelle. En d’autres termes, le fond n’a pas été touché. Les chercheurs retiennent donc une profondeur « supérieure à 420 mètres », ce qui suffit à propulser le site mexicain au premier rang mondial. L’outil et la méthode ne laissent guère de place au doute : la CTD est conçue pour fournir des profils de colonne d’eau d’une grande précision, et son choix se justifie pleinement dans un milieu fermé comme un trou bleu.

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Ce renversement met fin à des années de règne du Dragon Hole — aussi appelé Yongle Blue Hole — en mer de Chine méridionale. Depuis 2016, ce trou bleu de légende, situé près des îles Paracels, affichait une profondeur avoisinant 300 mètres. Il était devenu une référence, autant pour les plongeurs techniques que pour les géologues et les biologistes, car les trous bleus sont de véritables laboratoires naturels : ils préservent des strates d’eau à salinité et température variables, souvent pauvres en oxygène, où se développent des communautés microbiennes et des faunes singulières.

Le classement n’est pas un simple jeu de records : il aiguillonne la recherche. Savoir qu’un trou bleu dépasse les 420 mètres ouvre de nouvelles pistes sur la karstification littorale, l’évolution des niveaux marins et les risques d’effondrement des plateformes calcaires. Pour l’océanographie, c’est aussi l’occasion d’affiner la compréhension des stratifications et des interfaces qui cloisonnent ce type de milieu.

Rivage rocheux du Blue Hole de Dahab et ouverture bleutée, populaire chez les plongeurs techniques en mer Rouge.
À Dahab, un site aussi fascinant que redouté pour ses conditions exigeantes.
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Pourquoi ces gouffres fascinent autant

Le public connaît surtout les trous bleus par des images aériennes spectaculaires : disques nuit bleuté cernés de turquoise, comme au célèbre Great Blue Hole du Belize. Mais derrière la carte postale se cache une mécanique physique bien particulière. Lorsque l’on passe du lagon peu profond au vide du puits, la lumière est rapidement absorbée et le bleu se densifie. Les échanges d’eau avec l’extérieur sont souvent limités ; il se crée des couches superposées où se juxtaposent des eaux salées, douces, chaudes ou froides. Ce stratigraphie influe sur la chimie et sur les êtres vivants qui s’y installent.

Ces structures sont généralement issues de l’érosion karstique d’anciennes grottes lorsque le niveau marin était plus bas, suivie d’un effondrement du plafond et d’une invasion marine lors de la remontée des eaux. Autrement dit, un trou bleu raconte, en coupes, une partie de l’histoire climatique de la planète. Mais saviez-vous que l’on y découvre parfois des dépôts et des fossiles qui servent d’archives ? Ce détail peu connu fait des trous bleus des chroniques naturelles précieuses pour dater des périodes sèches ou de transgression marine.

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Gros plans du pourtour calcaire du Taam Ja’ en baie de Chetumal, montrant parois, biofilms et replats rocheux.
Au Mexique, le Taam Ja’ révèle une architecture karstique complexe sous les eaux.
Crédit : Wikimedia Commons / Frontiers in Marine Science

Mesurer l’abîme : un défi technique permanent

Sonder un trou bleu n’a rien d’une formalité. Même si la sonde CTD est l’outil standard pour établir des profils verticals, il faut composer avec des parois irrégulières, des surplombs, des coudes et parfois des galeries latérales. Les câbles peuvent frotter et fausser la trajectoire, les instruments doivent résister à la pression et à l’agressivité du milieu, la transmission des données dépend d’une logistique à bord du navire. La campagne 2023 qui a révélé que 420 mètres n’étaient qu’un minimum illustre bien ce défi : la limite atteinte n’était pas celle du fond, mais celle des capacités techniques.

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Cette prudence méthodologique explique pourquoi la profondeur du Taam Ja’ a été révisée. En 2021, une cartographie initiale avait fixé 274 mètres : un jalon, pas une certitude. En revenant avec une CTD et un protocole plus fin, les chercheurs ont mis en évidence la véritable ampleur du puits. Ce genre de réévaluation est fréquent en sciences de la mer : les premières estimations ouvrent la voie, les campagnes suivantes affinent, et parfois bouleversent, ce que l’on croyait acquis.

Point de vue côtier sur le Blue Hole de Dahab, contraste marqué entre bleu profond et plateau peu profond.
Les trous bleus côtiers offrent un accès direct à la verticalité des fonds.
Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA.

Ce que change ce nouveau numéro 1

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Consacrer le Taam Ja’ comme trou bleu le plus profond ne se résume pas à un record. Pour les plongeurs et les gestionnaires du littoral, cela oriente des priorités de conservation et de sécurité. Les trous bleus sont des écosystèmes fragiles, où un déséquilibre d’oxygène ou de salinité peut avoir des effets en cascade. La baie de Chetumal étant relativement peu profonde hors de la cavité, l’interface entre le trou et l’environnement alentour devient une zone d’intérêt majeur : comment les eaux du puits interagissent-elles avec le lagon ? Quelles espèces transitent entre ces milieux ?

Pour les géologues, un tel abîme au cœur d’un système côtier interroge sur la résistance des plateformes carbonatées et sur l’héritage des phases glacio-eustatiques. Pour les océanographes, la stratification poussée et les gradients physico-chimiques constituent une salle de classe à ciel ouvert. Et pour le grand public, c’est l’occasion de remettre en perspective des images célèbres : le Belize conserve son aura, la mer de Chine garde ses légendes, mais c’est bien au Mexique qu’il faut désormais pointer sur la carte si l’on veut nommer le plus profond.

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Une rivalité qui dope la curiosité

La rivalité amicale entre sites phares a toujours joué un rôle. Le Dragon Hole a longtemps servi d’étalon, avec ses quelque 300 mètres. Des cavités mythiques comme le Great Blue Hole au Belize ou le Blue Hole de Dahab en Égypte restent les vedettes des documentaires et des réseaux sociaux. Pourtant, aucun de ces sites emblématiques n’approche la plongée vertigineuse mesurée à Chetumal. Ce contraste nourrit une curiosité utile : pourquoi certains trous bleus plafonnent-ils autour de 100 à 150 mètres, quand d’autres s’enfoncent deux à trois fois plus ?

Les réponses se trouvent dans la géologie locale, la circulation des eaux souterraines, les phases de dissolution et d’effondrement. Chaque trou bleu a sa personnalité, sa signature chimique et biologique. Étudier le Taam Ja’ permettra peut-être d’identifier des indices précurseurs capables de signaler d’autres cavités géantes en bord de lagon. Et qui sait ? Des lectures sismiques, des cartographies sonar ou de nouvelles profils CTD révéleront peut-être d’autres prétendants.

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Ce que l’on sait… et ce qui reste à découvrir

À ce jour, on peut l’affirmer sans forcer : le Taam Ja’, dans la baie de Chetumal, est le trou bleu le plus profond connu, avec une mesure confirmée au-delà de 420 mètres. Son aire dépasse 13 600 m², ses parois plongent dans une pénombre où s’empilent des couches d’eaux stratifiées. L’exploit s’est joué grâce à une sonde CTD descendue depuis un navire, reliée en continu pour télétransmettre des données de conductivité, température et pression.

Reste l’inconnue la plus excitante : jusqu’où descend-il vraiment ? Les spécialistes n’ont pas encore posé les instruments sur le fond. L’idée qu’il puisse être plus profond encore n’est pas un fantasme, mais un scénario plausible tant que la limite technique — et non géologique — a dicté l’arrêt des mesures. Révélation finale : le record est acquis, mais le mystère du fond du Taam Ja’ demeure entier. Et c’est peut-être cela, la plus belle promesse de science.

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