Oui, l’eau du robinet est potable… mais pas toujours celle que vous pensez
En France, l’eau du robinet reste l’une des plus surveillées au monde. Et peut être bue sans crainte dans la très grande majorité des cas. Pourtant, un microbiologiste rappelle qu’un simple geste du quotidien, que beaucoup font sans réfléchir. Suffit à faire basculer cette eau hors des critères de potabilité.
Derrière l’apparente banalité du robinet de la cuisine se cachent des règles précises, des circuits différents et, plus récemment, une autre inquiétude. Celle des polluants éternels que sont les PFAS. Et c’est en combinant ces deux réalités que l’on comprend vraiment quand il vaut mieux s’abstenir de boire l’eau du robinet…
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En France, une eau très contrôlée… mais à bien utiliser
En ouvrant son robinet. On a tendance à oublier que l’eau potable est considérée par les autorités comme un véritable « aliment ». Elle fait l’objet de contrôles permanents, cadrés par des normes strictes. Avec des prélèvements réguliers sur le réseau public pour vérifier l’absence de bactéries pathogènes, de métaux lourds. Ou de résidus chimiques au-delà de seuils fixés.
C’est ce suivi qui permet de dire, sans exagération. Que l’eau qui coule au robinet reste, pour la plupart des foyers français. Une ressource sûre et économique. Pour celles et ceux qui souhaitent vérifier par eux-mêmes. L’outil en ligne DansMonEau permet de consulter la composition de l’eau distribuée. Dans chaque commune, à partir de données officielles actualisées. On peut y voir, paramètre par paramètre, les valeurs mesurées dans son secteur et les comparer aux limites réglementaires.
Autrement dit, si l’on se limite à ce que les normes encadrent. Le verre d’eau du robinet rempli à la cuisine reste un réflexe de santé plutôt vertueux. Mais encore faut-il utiliser la bonne eau… et ce détail n’est pas si intuitif.
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Un détail du quotidien que les experts regardent de près
Dans une interview accordée à RTL, le microbiologiste et hygiéniste Christophe Mercier-Thellier a rappelé un point que beaucoup ignorent. Tous les réglages du mitigeur ne se valent pas quand il s’agit de boire ou de cuisiner. Ce n’est pas tant « le robinet » en lui-même qui compte, mais la façon dont l’eau a circulé avant d’arriver jusque-là.
Au niveau international, les critères de potabilité ne portent en effet que sur l’eau froide. C’est elle qui est analysée, suivie. Et pour laquelle on s’assure que le circuit de distribution limite les risques de contamination. Le réseau est conçu pour que cette eau circule, se renouvelle. Et reste à des températures défavorables à la prolifération de bactéries.
À l’inverse, une autre eau, bien présente dans la maison, n’est tout simplement pas incluse dans ces critères. Elle n’est pas conçue pour être bue, même si, en apparence, elle semble identique. C’est là que se glisse l’erreur de nombreux consommateurs, surtout lorsqu’ils veulent aller plus vite en cuisine. Ou éviter le choc de l’eau trop froide en hiver.
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Quand l’eau stagne dans le chauffe-eau, tout change
Contrairement à l’eau froide. Celle qui est utilisée pour la toilette ou le ménage passe le plus souvent par un chauffe-eau. Dans cet appareil, l’eau reste stockée pendant des heures. Voire plus longtemps selon la taille du ballon et la consommation du foyer. Elle ne circule pas en continu : elle stagne, se réchauffe puis se refroidit légèrement, dans un environnement métallique.
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Cette stagnation a deux conséquences majeures. D’abord, elle peut favoriser la corrosion interne du ballon et de certaines canalisations. Libérant progressivement des métaux. Ou des particules indésirables dans l’eau. Ensuite, la température constitue un terrain favorable au développement de bactéries qui apprécient les eaux tièdes ou insuffisamment chauffées. Le Centre d’information sur l’eau rappelle ainsi que cette eau stockée peut voir se développer des micro-organismes. Dont la croissance est entretenue par la chaleur.
C’est précisément pour cette raison que les spécialistes déconseillent de considérer cette eau comme « alimentaire ». Même si, visuellement, elle paraît claire et sans odeur. Elle ne répond pas aux mêmes exigences que l’eau froide du réseau. Elle est pensée pour les usages sanitaires et domestiques, pas pour finir dans un verre ou dans l’assiette.
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Ce réflexe en cuisine qui semble malin… mais ne l’est pas
Parmi les mauvaises habitudes les plus répandues, il y a celle de vouloir gagner du temps quand on cuisine. En hiver ou en soirée, beaucoup sont tentés de remplir directement leur casserole avec une eau déjà tiède pour aller plus vite. Ce geste concerne tout particulièrement la casserole de pâtes, le riz ou encore l’eau destinée à une boisson chaude.
L’idée paraît logique : partir d’une eau déjà chaude pour raccourcir le temps d’ébullition. Pourtant, Christophe Mercier-Thellier insiste : ce raccourci pratique se fait au détriment de la sécurité sanitaire. Même portée à ébullition, une eau qui a stagné dans un ballon ne répond pas pour autant aux critères de potabilité. Certains contaminants chimiques ou résidus issus des canalisations ne disparaissent pas simplement parce que l’eau bout.
En pratique, cela signifie qu’en cuisine, le bon réflexe reste toujours le même : tirer de l’eau réellement froide, directement reliée au réseau, puis la faire chauffer soi-même. Autrement dit, ce gain de quelques minutes sur la cuisson ne vaut pas le risque d’utiliser une eau dont la destination première n’est pas la consommation.
PFAS : ces polluants éternels qui s’invitent aussi dans l’eau
À côté de cette question de circuit domestique, une autre préoccupation s’est imposée ces derniers mois : la présence de PFAS, ces composés per- et polyfluoroalkylés surnommés « polluants éternels ». Très persistants dans l’environnement, ils sont utilisés depuis des décennies dans l’industrie, les revêtements anti-adhésifs, certains textiles ou encore les pesticides, avant de se retrouver dans les rivières, les nappes souterraines… puis dans l’eau du robinet.
Une vaste campagne nationale menée par l’Anses entre 2023 et 2025 a ainsi recherché 35 PFAS différents dans l’eau destinée à la consommation ; 20 d’entre eux ont été détectés dans les eaux brutes et 19 dans l’eau distribuée. Les résultats ont montré que ces substances sont désormais présentes sur une large partie du territoire, avec des profils variables selon les zones et les sources de captage.
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Un composé en particulier attire l’attention : l’acide trifluoroacétique (TFA), le plus petit membre de la famille des PFAS. Un rapport très récent de l’Anses fait état de traces de TFA dans environ 92 % des plus de 600 échantillons d’eau potable analysés, avec des concentrations moyennes de l’ordre de 1 000 ng/L et des pics nettement plus élevés près de certains sites industriels.
Des mesures non inquiétante dans la majorité des cas
Pour l’instant, les autorités rappellent que, dans la grande majorité des cas, les niveaux mesurés restent sous les valeurs sanitaires indicatives définies en attendant une réglementation précise. Mais ces résultats ont suffi à accélérer les discussions sur la surveillance et la réduction de ces PFAS, tandis qu’une loi a instauré en 2025 une redevance spécifique sur les rejets industriels contenant ces substances, sur le principe du « pollueur-payeur ».
En pratique, que doit retenir le consommateur ? Que la qualité de l’eau française reste globalement conforme aux normes, mais que certains composés émergents sont désormais suivis de près. Là encore, l’outil DansMonEau permet de visualiser les données disponibles localement, et les autorités sanitaires publient régulièrement des mises à jour sur l’état des réseaux.
Crédit : Wikimedia Commons / « Water running from kitchen tap »
Eau froide, eau chaude, eau contaminée : comment se repérer au quotidien ?
Face à ces informations, il est facile de céder à la méfiance généralisée. Pourtant, les spécialistes insistent sur un point : ce n’est pas parce que l’on parle de PFAS ou de stagnation dans un ballon qu’il faut cesser de boire l’eau de son évier. L’enjeu est plutôt de connaître les limites de chaque circuit et d’adopter quelques réflexes simples.
Le premier consiste à distinguer très clairement l’eau destinée aux usages domestiques (toilette, vaisselle, ménage) de celle que l’on consomme. La première peut passer par un ballon, un mitigeur réglé sur « tiède » ou des canalisations qui restent chaudes une bonne partie de la journée. La seconde doit, au contraire, être tirée directement sur la position froide, après avoir laissé couler quelques instants si le robinet n’a pas été utilisé depuis longtemps.
Le second réflexe est de se tenir informé. Les pollutions ponctuelles, notamment liées aux PFAS, font l’objet d’avis préfectoraux ou de consignes spécifiques pour certaines communes, avec parfois des recommandations pour les populations fragiles. Ces situations restent localisées, mais elles rappellent que la vigilance doit d’abord se jouer au niveau des captages et des rejets industriels, bien plus que dans le simple choix entre carafe filtrante et bouteille d’eau.
Enfin, il ne faut pas hésiter à croiser les sources : informations communales, résultats de DansMonEau, communication des distributeurs d’eau… Ce sont autant d’outils pour replacer les inquiétudes dans un cadre chiffré, plutôt que de s’en remettre uniquement aux rumeurs ou aux messages alarmistes sur les réseaux sociaux.
Le geste à bannir pour rester serein avec l’eau du robinet
Reste cette fameuse question : quand l’eau du robinet n’est-elle plus considérée comme potable ? Pour les experts, la réponse est claire et tient en un seul geste du quotidien. Dès lors qu’on ouvre le mitigeur côté chaud, ou sur une position tiède qui fait appel au ballon, l’eau qui coule n’est plus une eau potable au sens des critères internationaux : elle devient une eau dite « technique », utile pour se laver ou faire la vaisselle, mais qui n’est pas faite pour être bue.
Autrement dit, même si elle a l’air parfaitement claire, même si elle a été portée à ébullition pour une sauce ou une infusion, l’eau chaude du robinet n’est pas considérée comme propre à la consommation. Pour boire, préparer un biberon, cuire des aliments ou remplir une bouilloire, la règle reste donc très simple : toujours partir d’une eau vraiment froide, tirée directement du réseau, quitte à la chauffer ensuite soi-même.
En cette fin d’année, où l’on passe plus de temps chez soi et où les boissons chaudes se multiplient, ce rappel a de quoi surprendre. Mais il a le mérite de poser un cadre clair : pour limiter les risques liés aux ballons, aux canalisations vieillissantes et aux contaminants émergents, on garde l’eau froide du robinet pour la boisson et la cuisine… et on réserve l’eau chaude à la salle de bains.