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Calendrier Maya : Les scientifiques découvrent aujourd’hui quelque chose qui dépasse toutes les attentes

Publié par Killian Ravon le 30 Oct 2025 à 14:40

Au moment où l’automne s’installe, une équipe internationale vient de rouvrir un dossier vieux de plusieurs siècles : comment les Mayas parvenaient-ils à prévoir les éclipses solaires avec une telle précision ?

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Fac-similé du codex de Dresde déplié, manipulé avec des gants, montrant clairement des tables d’éclipses mayas.

En réexaminant le codex de Dresde, les chercheurs montrent que ces prédictions ne relevaient ni du mythe ni du hasard, mais d’un système de calcul méthodique, où l’astronomie maya s’articule à une cosmologie sacrée rigoureusement ordonnée. Ce livre d’écorce, rescapé des autodafés coloniaux, livre aujourd’hui une mécanique du temps d’une étonnante modernité.

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Un codex rescapé qui parle encore

Parmi les rares manuscrits précolombiens parvenus jusqu’à nous, le codex de Dresde occupe une place à part. Copié entre le XIIIᵉ et le XIVᵉ siècle, il compile des savoirs plus anciens, hérités de la période classique maya, entre 250 et 900 ap. J.-C.. Matériellement, il se présente comme un pliage en accordéon : 39 feuillets d’écorce patiemment enduits, recouverts de hiéroglyphes et d’illustrations polychromes. Conservé aujourd’hui à la Bibliothèque d’État de Saxe, à Dresde, il est devenu une source majeure pour comprendre les tables astronomiques mayas, longtemps admirées pour leur finesse… et leur mystère.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la cohérence interne du document. Loin d’un cahier d’observations hétéroclites, le manuscrit organise des séries numériques au cordeau, où les figures divines dialoguent avec des colonnes de chiffres. Et c’est précisément dans cet entrelacs – images rituelles et calculs exacts – que se niche l’explication. Les nouvelles analyses ne « ajoutent » pas d’informations, elles réordonnent ce que l’on voit depuis des décennies : une méthode. Mais saviez-vous que le codex nous montre autant une façon de compter qu’une façon de croire ?

Quand les nombres rencontrent le sacré

L’étude récente publiée dans Science Advances change subtilement la focale. Elle confirme que les prédictions d’éclipses solaires n’étaient pas un but isolé, mais l’un des effets d’un système de comptages cumulés imbriquant mathématique et rituel. Au cœur du dispositif, deux repères gouvernent le temps : les cycles de la Lune et le calendrier rituel Tzolk’in de 260 jours. Les scribes n’ont pas cherché une « formule magique », ils ont cherché un accord. En superposant ces cycles, ils ont fait apparaître des fenêtres récurrentes où des éclipses deviennent possibles.

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Ce détail que peu de gens connaissent : dans le manuscrit, les divinités et les signes ne décorent pas, ils rythment. Les prêtres-astronomes, habitués à lire simultanément le sens symbolique des jours et leur valeur numérique, faisaient converger des durées hétérogènes jusqu’à trouver des concordances. Là où nos outils modernes isolent, leur pensée synchronisait. D’où la sensation, en parcourant les pages, d’un temps « tissé » plus que compté.

Panorama des cinq premières pages du codex de Dresde, avec glyphes mayas et colonnes de calcul visibles sur toute la largeur.
Les pages d’ouverture du codex de Dresde : la structure des cycles se met en place dès les premiers feuillets.

Harmoniser le temps : Lune et Tzolk’in

La clé tient dans une opération d’harmonisation. D’un côté, un calendrier lunaire fondé sur les nouvelles lunes et leurs retours, de l’autre le Tzolk’in, avec sa succession de noms-jours qui ordonne la dimension rituelle. Ajuster les deux ne consiste pas à choisir un maître-rythme, mais à les faire coïncider selon des paliers, comme on ferait entrer deux roues dentées en prise. Les moments d’alignement ne sont pas constants ; ils reviennent selon des pas de plus en plus longs qu’on peut additionner, retrancher, corriger.

Au fil des pages, cette logique se matérialise en tables astronomiques où l’on progresse par accumulation. Plutôt que de boucler un cycle avant d’en entamer un autre, les Mayas superposaient des séquences. Chaque table n’était pas un début, ni une fin : c’était une couche. Lorsque l’on additionne ces couches, les intervalles propices aux éclipses se dessinent naturellement. Ils ne sont pas « devinés », ils émergent de la cohérence du système.

Exposition du codex de Dresde entre deux plaques de verre à la Bibliothèque d’État de Saxe, présentant plusieurs feuillets dépliés.
Le codex de Dresde, pièce maîtresse du trésor de la SLUB.
Crédit : PictureTaken / CC BY-SA 3.0.
Séquence de pages du codex de Dresde présentant les tables d’éclipses et des grilles de calcul sur plusieurs feuillets contigus.
Là où les fenêtres d’éclipses se laissent lire en colonnes.
Crédit : SLUB Poster

Des corrections en cascade pour viser juste

Reste la question de la précision sur de longues durées, celle qui a tant intrigué les historiens des sciences. Comment éviter la dérive ? C’est là que la méthode maya surprend. Les tables ne s’enchaînaient pas mécaniquement ; elles intégraient des ajustements répartis, à intervalles choisis, pour corriger les petites erreurs qui s’accumulent quand on prolonge les cycles. Autrement dit, au lieu de « repartir à zéro », on ré-étalonnait en douceur, sans casser la logique générale.

Ce calcul cumulatif est une manière élégante d’atteindre une grande exactitude avec des moyens conceptuels simples : additionner, soustraire, reporter. La redondance – avoir plusieurs chemins qui mènent au même point – n’est pas une faiblesse, c’est une assurance. Elle permet de vérifier que l’on retombe bien, après plusieurs centaines de mois lunaires, sur les mêmes fenêtres d’éclipses. L’effet, sur des siècles, est tangible : la prévision se tient non parce qu’elle serait infaillible, mais parce qu’elle se corrige elle-même.

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On comprend mieux pourquoi le codex de Dresde est parfois décrit comme un traité scientifique et spirituel. Il ne sépare pas l’observation et le rite ; il les emboîte. Les données, pour ainsi dire, prient avec les dieux. Cette double fidélité – au ciel et au sens – explique le caractère résistant de la méthode : en la suivant, on maintient à la fois l’ordre symbolique et la justesse du calcul.

Vue large de l’observatoire maya El Caracol à Chichén Itzá, dont l’architecture ronde est associée à l’observation du ciel et aux cycles célestes.
El Caracol, la « tour » où l’on scrutait le ciel sur le plateau du Yucatán.
Crédit : Mariordo / CC BY-SA 4.0.

Ce que cette relecture change vraiment

En redéployant les tables, les chercheurs apportent une réponse sobre à plusieurs énigmes. D’abord, la permanence de l’outil : parce que les corrections sont réparties et non concentrées, le système restait utilisable sur des périodes très longues. Ensuite, l’économie de moyens : nul besoin d’instruments complexes pour atteindre une précision qui, à l’échelle des siècles, soutient la comparaison avec nos outils modernes. Enfin, le statut de la prédiction : ce n’est pas une prouesse isolée, c’est le produit naturel d’une grammaire du temps.

Cette relecture ne démythifie pas la civilisation maya ; elle l’affine. Elle montre que l’astronomie maya n’était pas un savoir empirique flottant, mais un système intégré où l’on éprouvait les nombres par le rituel et le rituel par les nombres. Le Tzolk’in n’est plus un simple décor religieux : c’est l’un des engrenages qui permet de prévoir. Le manuscrit, lui, cesse d’être une relique admirée à distance : il redevient un outil de travail.

Ce qui émerveille aussi, c’est la façon dont cette science du temps compose avec l’incertitude. Plutôt que de promettre l’infaillibilité, elle enveloppe ses marges d’erreur dans un filet de redondances. De là, cette sensation de robustesse : si une table s’écarte, une autre la rattrape. Cette architecture, fidèle aux cycles sans idolâtrer la répétition, a probablement permis aux prêtres-astronomes de maintenir des prédictions fiables bien au-delà d’une vie humaine. Mais saviez-vous que cette sophistication se lit… dans la mise en page même des colonnes et des traits rouges ?

Le jeu d’ombre en forme de serpent descendant la rampe de la pyramide de Kukulkán lors de l’équinoxe à Chichén Itzá, Yucatán.
À l’équinoxe, la pyramide révèle sa mise en scène céleste.
Crédit : ATSZ56

Le manuscrit, un mode d’emploi du ciel

On comprend, à parcourir les reproductions, que le codex de Dresde ne se contente pas d’énoncer des durées : il oriente la lecture. Les lignes verticales, les cadrages, les associations de glyphes et de figures, tout concourt à indiquer des opérations à réaliser plus que des « vérités » à contempler. D’une page à l’autre, la main qui trace enseigne une méthode : compter, décaler, recombiner.

La cosmologie sacrée qui traverse ces pages ne contredit jamais le calcul ; elle le cadre. Les dieux n’« expliquent » pas les éclipses, ils balisent les moments où elles peuvent surgir. C’est un autre rapport au vrai : au lieu d’opposer explication et signification, on les fait cohabiter. Ainsi se comprend la force d’une science que nous redécouvrons aujourd’hui : une science qui n’a pas besoin de se séparer du symbole pour être exacte.

En refermant le codex, reste cette révélation qui redistribue les cartes : si les Mayas pouvaient annoncer des éclipses solaires sur des générations, c’est parce qu’ils poursuivaient, avant tout, un objectif plus ample – harmoniser leurs calendriers. Autrement dit, les tables d’éclipses du codex de Dresde n’étaient pas le but… mais la conséquence d’un système du temps savamment accordé.

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