Bardella met la pression sur Nuñez : « donnez une estimation précise des clandestins en France »
Deux jours après une interview tendue sur LCI, Jordan Bardella a écrit à Laurent Nuñez pour lui demander de rendre public, au moins « une estimation précise », du nombre de clandestins en France. Une lettre que révèle Europe 1 en exclusivité. En cause : le refus initial du ministre de l’Intérieur de livrer un chiffre, puis, relancé à l’antenne, une fourchette évoquée de 200 000 à 300 000 personnes.
Dans ce courrier, le président du Rassemblement national invoque la « nécessaire transparence de l’action publique ». Une requête qui intervient alors que Laurent Nuñez sera interrogé ce mercredi 22 octobre dans « La Grande interview » sur Europe 1 et CNEWS.
« Un enjeu majeur pour la nation » : la demande écrite de Jordan Bardella
Le contenu de la lettre, que Europe 1 s’est procurée, éclaire la démarche du chef du Rassemblement national. Pour Jordan Bardella, connaître le volume de sans-papiers présents sur le territoire relève de « données essentielles à la compréhension d’un enjeu majeur pour la nation ». Il ne s’agit pas, insiste-t-il, d’alimenter une polémique, mais d’apporter au débat public une base factuelle, fût-elle une estimation et non un décompte exhaustif.
Mais saviez-vous que cette exigence ne se limite pas à un affichage politique ? Dans sa lettre, le patron du RN noue explicitement la question des chiffres à celle de la confiance démocratique : transparence des institutions, respect de l’État de droit, cohésion nationale. Autrement dit, rendre un chiffre — même imparfait — permettrait, selon lui, de stabiliser la discussion publique et d’éviter que l’opacité perçue n’attise la défiance.
L’argumentaire se double d’un constat appuyé : selon Bardella, « l’immigration de masse bouleverse profondément les équilibres économiques, sociaux et culturels ». En filigrane, l’idée que connaître l’ampleur du phénomène aiderait à calibrer les politiques publiques, quitte à débattre ensuite de leur orientation.
Crédit : Gzen92 / CC BY-SA 4.0.
Un refus au nom de « l’absence de polémique », puis une fourchette lâchée sur LCI
Tout est parti d’un passage télévisé très commenté. Invité de LCI, Laurent Nuñez a d’abord refusé de « préciser le nombre de clandestins présents en France », avançant la nécessité de « ne pas faire de polémique ». Le ministre a opposé un principe de prudence : fixer un chiffre unique risquerait, selon lui, d’alimenter des raccourcis et d’embraser le débat.
Ce détail que peu de gens connaissent : face aux relances de l’intervieweur Darius Rochebin, Laurent Nuñez a tout de même fini par donner une fourchette : entre 200 000 et 300 000 personnes en situation irrégulière. Une indication minimale, donc, loin de la précision exigée par son contradicteur politique mais assez significative pour que le débat s’enflamme aussitôt. Ce geste, présenté comme une concession au besoin d’information du public, n’a pas éteint la demande de Jordan Bardella qui, lui, réclame désormais un cadrage « précis ».
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2021 versus 2025 : des chiffres qui ne racontent pas la même histoire
La fourchette livrée sur LCI présente une autre particularité : elle diffère sensiblement des estimations avancées par Gérald Darmanin en 2021. À l’époque, le prédécesseur de Laurent Nuñez à Beauvau parlait, lui, de 600 000 à 700 000 sans-papiers. D’où vient cet écart ? L’article d’Europe 1 n’avance aucune explication méthodologique ; il juxtapose les indications, laissant au lecteur le soin de mesurer le contraste.
Dans ce contexte, la lettre de Jordan Bardella prend une valeur supplémentaire : en plus d’une exigence de transparence, elle pose la question d’une méthode stable pour communiquer au public des chiffres cohérents dans le temps. Car si un ministre évoque 200 000 à 300 000 et qu’un autre, quelques années plus tôt, avançait 600 000 à 700 000, l’écart nourrit immanquablement interrogations et suspicion.
Faut-il y voir une simple différence de périmètre ? Une actualisation des données ? Un changement d’outils statistiques ? Le Rassemblement national ne tranche pas ; il exige que « toute la lumière soit faite » et que l’on dise clairement combien de personnes sans titre séjourneraient sur le territoire — ou, à défaut, selon quelles hypothèses on aboutit à telle estimation.
Crédit : Mickael Denet / CC BY-SA 3.0.
Crédit : Thomas Bresson / CC BY 4.0.
Transparence, confiance publique et « éviter la polémique » : deux lignes qui s’opposent
Au fond, deux philosophies administratives s’affrontent. D’un côté, Laurent Nuñez avance qu’annoncer un chiffre unique sur un sujet inflammable reviendrait à « faire de la polémique » et à figer le débat sur un totem statistique. Son choix : une fourchette, une prudence de langage, une réticence à figer le réel. De l’autre, Jordan Bardella réclame des « données essentielles » et une communication précise qu’il relie à la confiance civique.
Ce bras de fer n’est pas qu’un duel sémantique. Il touche à la gouvernance de l’information publique. La transparence est-elle un absolu ? Ou doit-elle se conjuguer à des considérations de maintien de l’ordre symbolique du débat ? Les deux postures s’entrechoquent d’autant plus que le sujet, l’immigration, catalyse peurs, convictions et positionnements partisans.
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Le courrier dévoilé par Europe 1 donne ici un avantage à la stratégie du RN : il met la balle dans le camp de l’exécutif, sommé de choisir entre silence, fourchette, ou estimation étayée. Côté gouvernement, l’enjeu est de justifier une parole publique mesurée sans paraître esquiver la question.
Crédit : Parlement européen / CC BY 2.0.
Une séquence politique qui se poursuit sur Europe 1 et CNEWS
Le timing n’a rien d’anodin. L’antenne annonce que Laurent Nuñez sera l’invité de la Grande interview de Sonia Mabrouk ce mercredi 22 octobre, simultanément sur Europe 1 et CNEWS. De quoi prolonger, en direct, l’échange amorcé sur LCI et répondre à la lettre de Jordan Bardella.
Mais saviez-vous que cette séquence médiatique structure souvent la réception d’un sujet ? Une lettre, une exclusivité radio, une relance télé : la mécanique du débat s’installe. Le ministre devra clarifier sa position : chiffre précis, estimation assumée, ou renvoi vers un travail technique à venir ? De son côté, le président du Rassemblement national pourra capitaliser sur la transparence qu’il réclame, quitte à transformer l’enjeu statistique en marqueur politique.
Au-delà de l’affrontement, une certitude : le public est, cette fois, au centre du jeu. L’exclusivité d’Europe 1 rend tangible ce que de nombreux auditeurs attendent : une information vérifiable, formulée clairement, qui permette de se repérer dans la mêlée. Et la « petite phrase » lâchée sur LCI — 200 000 à 300 000 — ne suffira sans doute pas à clore les discussions tant que l’estimation demandée par Jordan Bardella n’aura pas été délivrée… ou explicitement refusée.
Ce que la lettre change concrètement
Dans l’immédiat, la démarche du patron du RN ne crée pas d’obligation juridique nouvelle pour Beauvau. Elle installe toutefois un défi politique : dire, comment et sur quoi. Dire un nombre, ce n’est jamais neutre ; c’est choisir un périmètre, des critères, une source. Communiquer une estimation précise, c’est exposer ses hypothèses, ses marges d’erreur, ses exclusions. Et accepter que l’opinion compare ensuite avec les repères déjà connus — 600 000 à 700 000 avancés en 2021, par exemple.
D’où l’importance, soulignée par Jordan Bardella, de faire « toute la lumière ». Sans cela, l’écart entre deux chiffres — même de nature différente — continuera d’alimenter les soupçons de sous-évaluation ou de dramatisation. La suite de la séquence se jouera donc à la fois dans les mots et dans les méthodes : cadrage statistique, périmètre retenu, transparence des sources, rythme des mises à jour.
Et la révélation principale tient en une phrase, posée en conclusion de cette séquence : selon l’exclusivité d’Europe 1, c’est bien une « estimation précise » que Jordan Bardella exige désormais noir sur blanc de Laurent Nuñez — un chiffre que le ministre, après avoir parlé de 200 000 à 300 000 sur LCI, devra assumer ou préciser ce mercredi 22 octobre à l’antenne.
- 23/10/2025 à 15:04Cela fait bien longtemps que l'on nous cache les chiffres sur les étrangers depuis que Macron est à la présidence de ce pays !! Car il y a les sans-papiers , mais aussi les OQTF , les retraites qui sont données a des étrangers sous prétexte du rapprochement familial , alors qu'ils n'ont jamais travailler sur le sol Français !!
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