« Ce document protège les propriétaires des squatteurs » : l’astuce simple que cet avocat répète à tous
Les locations sur Airbnb, Booking ou Abritel peuvent virer au cauchemar lorsque des squatteurs refusent de partir. Un avocat en droit immobilier détaille le piège le plus courant… et le document préventif qui change tout.
À l’approche de la fin de saison, ses conseils tombent à pic pour sécuriser les logements loués en courte durée.
Quand une location saisonnière se transforme en squat
Le scénario est désormais connu. Des propriétaires confient leur logement à des voyageurs pour quelques nuits, puis découvrent que les occupants ne partent plus. Le constat est brutal : le bien est occupé sans droit ni titre. Pour Dimitri Bougeard, avocat spécialisé en droit de l’immobilier, ces cas restent peu fréquents, mais leurs conséquences peuvent être lourdes. Lorsqu’il s’agit de la résidence principale, le propriétaire peut se retrouver lui-même à la porte, le temps de l’expulsion. Et même si une procédure accélérée anti-squat existe depuis la loi Kasbarian du 27 juillet 2023, l’avocat rappelle qu’elle ne produit pas ses effets en quelques jours : les délais s’étirent souvent sur plusieurs mois, le temps que l’administration traite le dossier.
Dans les locations uniquement pensées pour la courte durée, l’impact n’est pas moindre. Le propriétaire ne peut plus relouer et se prive de revenus. Or beaucoup ont financé leur investissement à crédit : chaque semaine perdue est un manque à gagner qui peut déstabiliser un budget. Cette réalité est d’autant plus rude que l’été concentre l’essentiel des réservations et que les squats surviennent souvent à la faveur des périodes de forte demande.
Squat « classique » ou maintien illicite : ce que la loi change avec les plateformes
Pendant longtemps, la qualification de squat semblait plus simple : on parlait d’occupation « par ruse ou par effraction », quelqu’un étant entré sans autorisation. Avec les plateformes comme Airbnb, Booking ou Abritel, la situation se nuance. L’avocat explique qu’en ces cas, le locataire entre légalement dans le logement puisqu’il reçoit les clefs, puis s’y maintient illicitement au-delà de la durée. Sur le papier, ça change tout : on ne parle plus d’une intrusion initiale, mais d’une persistance illégitime après une autorisation temporaire. Dans la pratique, les deux réalités se rejoignent sur un point : le propriétaire est privé de son bien… et doit enclencher une procédure.
Cette distinction a une conséquence majeure sur la charge de la preuve. Lorsque l’entrée est légale mais que la sortie ne l’est plus, le propriétaire doit démontrer la date de fin de séjour et l’absence de droit à rester. C’est là qu’un réflexe très simple, souvent négligé, va faciliter le travail du juge : la formalisation écrite du séjour.
Le mode opératoire des squatteurs : fabriquer des « preuves » de domiciliation
Les squatteurs n’arrivent pas les mains vides. Leur objectif : créer des indices de domiciliation pour retarder toute procédure d’expulsion. La tactique décrite par Me Bougeard est redoutablement pragmatique. Ils commencent par relever le numéro de compteur d’énergie et contactent le fournisseur d’électricité ou de gaz pour faire changer le nom sur le contrat. À l’arrivée, une attestation au nom de l’occupant circule, et ce simple papier suffit, selon l’avocat, à ralentir l’exécution d’une décision pendant des semaines, parfois des mois. Ce « bruit administratif » brouille la lecture des forces de l’ordre et peut compliquer un concours de la puissance publique, le temps que les services vérifient la situation.
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Le plus frustrant pour les propriétaires, c’est que ces justificatifs ne créent aucun droit au maintien : ils ne sont que des présomptions de fait devant être écartées par des documents contractuels clairs. Autrement dit, si l’occupant n’a plus de titre, il n’en retrouve pas par magie via une facture à son nom. Mais entre-temps, la machine ralentit.
L’arme préventive qui change tout : une lettre recommandée au fournisseur d’énergie
Le conseil que Me Bougeard donne systématiquement aux propriétaires qui pratiquent la location courte durée est d’une simplicité désarmante : envoyer en amont une lettre recommandée avec accusé de réception à son fournisseur d’énergie. Cette lettre précise deux choses : l’interdiction expresse de modifier le titulaire de l’abonnement sans consentement du propriétaire, et l’obligation pour le fournisseur de vérifier l’origine de la demande. L’idée est claire : prévenir l’ouverture de ces « faux » dossiers qui font perdre un temps précieux.
Dans la bouche de l’avocat, le bénéfice est double. D’abord, cela assèche la manœuvre principale des squatteurs : sans changement de nom, pas de « preuve » rapide de domiciliation à brandir. Ensuite, si malgré cette mise en garde un fournisseur procédait à un changement non autorisé, le propriétaire pourrait engager sa responsabilité et obtenir réparation en cas de squat avéré. Ce point, souvent ignoré, constitue un levier dissuasif : l’opérateur sait qu’il a été formellement alerté et qu’une erreur de sa part ne serait pas sans conséquence.
Un bail écrit pour chaque séjour : l’atout probatoire qu’on oublie trop souvent
Autre réflexe « basique », mais déterminant : faire signer un bail de location saisonnière à chaque occupant, même lorsqu’on passe par une plateforme. L’avocat rappelle que c’est une obligation : l’article L324-2 du Code du tourisme impose une formalisation par écrit pour toute location saisonnière. Cette exigence figure d’ailleurs dans les conditions d’utilisation des plateformes, que peu de gens prennent le temps de lire. En pratique, un bail mentionnant les dates de début et de fin, l’adresse et le nom du locataire permet de prouver que l’occupation devait cesser au jour prévu. Devant un juge, c’est une pièce maîtresse qui tranche la question du droit au maintien et accélère la décision.
Beaucoup s’en remettent aux seuls échanges dans l’application, pensant que la réservation fait office de contrat. Or ces messages, bien que utiles, restent fragmentaires. Un contrat unique avec les éléments essentiels, signé électroniquement ou sur papier, évite les angles morts. Et si l’on ajoute un état descriptif, la capacité d’accueil et le règlement intérieur, on limite aussi les contestations périphériques qui peuvent ralentir la procédure.
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Comment réagir si la situation dérape malgré tout
Même avec ces garde-fous, l’avocat n’écarte pas l’hypothèse d’un blocage. Dans ce cas, la stratégie se joue sur la traçabilité : courrier recommandé déjà envoyé au fournisseur, bail signé, preuve de remise des clefs et preuves des dates de séjour. Le propriétaire doit ensuite solliciter la procédure d’expulsion adaptée. Dans le cas d’un maintien illicite après entrée légale, la qualification est précieuse pour éviter toute confusion avec un simple litige locatif. Et, détail qui compte, il faut conserver une communication factuelle avec l’occupant, notamment un courrier de mise en demeure de quitter les lieux à la date prévue, afin d’établir l’absence d’accord prorogeant le séjour.
Un rappel utile s’impose : l’avocat met en garde contre les réactions « à chaud » — coupures d’eau, d’électricité ou changements de serrure — qui peuvent se retourner contre le propriétaire. Le terrain doit rester juridique, documenté et cadré.
Les bonnes habitudes à adopter avant chaque saison
Au-delà du cas par cas, la prévention passe par trois automatismes. D’abord, l’envoi annuel de la lettre recommandée avec accusé de réception au fournisseur d’énergie, surtout si l’on loue de façon régulière. Ensuite, la signature d’un bail de location saisonnière pour chaque séjour, même court, mentionnant clairement la date et l’heure de départ. Enfin, la centralisation de toutes les pièces : copie des pièces d’identité, récapitulatif de réservation via la plateforme, coordonnées de l’occupant et dépôt de garantie. Ce socle documentaire, en plus d’être conforme, raccourcit la route en cas de litige.
Mais saviez-vous que beaucoup de propriétaires confondent contrat et « conditions maison » collées dans l’annonce ? L’un ne remplace pas l’autre. Les conditions peuvent rappeler les règles de sécurité, le silence après une certaine heure, ou la politique d’invités, mais seule la signature d’un bail emporte la date de fin opposable. Un détail que peu de gens connaissent… jusqu’au jour où il fait la différence.
Le conseil de l’avocat, en une phrase
L’expérience de Me Bougeard tient dans ce triptyque : anticiper avec une LRAR au fournisseur d’énergie, formaliser avec un bail écrit, documenter chaque étape. Ces gestes n’éliminent pas le risque, mais ils transforment un dossier fragile en dossier solide. Et dans une procédure où les jours comptent, ce sont souvent ces quelques pièces qui font gagner des semaines.
:contentReference[oaicite:12]{index=12}Que retenir ?
Selon l’avocat, la meilleure « assurance anti-squat » ne coûte ni huissier ni abonnement : c’est une lettre recommandée envoyée avant la première clé remise, qui verrouille le compteur d’énergie contre toute usurpation… et une page de bail saisonnier qui fixe noir sur blanc l’heure de sortie