« Ça me semble irréel » : à Marseille, un facteur licencié après 20 ans de service pour arrêts maladie
Près de Marseille, la colère gronde. Mardi 4 novembre, une large part des salariés du centre postal du 5ᵉ arrondissement s’est mobilisée pour soutenir Gaëtan, facteur depuis près de vingt ans. Tout juste licencié.
L’entreprise invoque des absences répétées et prolongées qui auraient durablement perturbé le service. Gaëtan, père de trois filles, dit tomber des nues et conteste la décision. L’information est rapportée par Midi Libre.
Dans ce dossier sensible, deux récits s’opposent frontalement. Celui d’un salarié qui raconte des semaines d’arrêt maladie pour soigner un dos douloureux. Et celui de La Poste, qui défend un licenciement nécessaire au bon fonctionnement du centre et à son remplacement en CDI. Entre émotion et règles internes, c’est tout l’équilibre du travail et de la santé qui s’invite au cœur du 5ᵉ arrondissement.
Un matin de colère dans le 5ᵉ : collègues mobilisés, salarié abasourdi
Mardi 4 novembre, près de 80 % du personnel du centre s’est rassemblé pour dire non à ce départ qu’ils jugent injuste. Au milieu des badges et des brassards, c’est un prénom qui revient : Gaëtan. Depuis « une vingtaine d’années », il distribue le courrier sur ces rues qu’il connaît par cœur. Il y a quelques semaines, il a reçu une lettre qui a tout changé : son licenciement.
À ceux qui lui demandent « comment ça va », Gaëtan répond sans détour : « J’ai du mal à digérer, tout paraît irréel ». Il raconte des arrêts successifs, « plusieurs semaines » de repos après des douleurs au dos. Dans sa voix, le mélange d’incrédulité et de pudeur de ceux qui ne se racontent pas facilement.
Lui qui ne « s’attendait pas à un licenciement » se retrouve soudain sans repères, avec une famille à protéger et des questions très concrètes sur les prochains mois. Selon Midi Libre, c’est précisément cette accumulation d’absences en 2024 et 2025 qui est au cœur de la décision contestée.
Crédit : Fred Romero / Wikimedia Commons (CC BY 2.0)
La Poste campe sur sa position : les absences perturbent, le service doit tenir
Dans la version de La Poste, un mot s’impose : « perturbation ». L’entreprise explique que les absences prolongées de Gaëtan « perturbent durablement le fonctionnement du service ». Pour elle, la seule manière d’assurer la continuité, c’est le remplacement définitif par l’embauche d’un salarié en contrat à durée indéterminée.
Une justification froide, administrative, presque mathématique : si l’on ne peut plus compter régulièrement sur un agent sur une tournée, alors il faut sécuriser la distribution, coûte que coûte, derrière la célèbre boîte jaune.
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Cette ligne assumée laisse peu de place à l’affect. Elle rappelle aussi une réalité : un centre postal est un rouage fin, un équilibre où l’absentéisme peut vite déborder sur les tournées voisines. Les renforts ponctuels ne suffisent pas toujours.
Ce raisonnement, l’entreprise le pose comme une évidence. Reste qu’en face, il y a un visage, une histoire, et des collègues qui disent autre chose. C’est là que la tension narrative se crispe.
Crédit : Fred Romero / Wikimedia Commons (CC BY 2.0)
La CGT parle d’une situation « ubuesque », la crainte d’une misère sociale
La CGT locale s’est emparée de l’affaire. Par la voix de son secrétaire départemental, le syndicat décrit une situation « ubuesque ». Le terme n’est pas anodin : il dit l’absurde, l’incompréhensible, l’inversion des priorités. L’argument prend : peut-on « remplacer » vingt ans d’expérience au motif d’arrêts sur un dos abîmé ? Et surtout : que devient-on après ?
Ce que redoute le syndicat, c’est la pente glissante : une rupture nette, des démarches longues, et la perspective, crue, de « se retrouver dans la misère ». Derrière le mot, il y a les loyers, les traites, la scolarité des enfants, cette somme de petites obligations qui, d’ordinaire, s’effacent dans le quotidien.
Ici, elles reviennent en plein jour. Et cette inquiétude, ce sont les collègues qui la portent, eux qui ont cessé le travail pour dire, en substance : « Pas comme ça ».
Crédit : Benjism89 / Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0)
Le dossier vu du terrain : loyauté, santé et lignes fragiles
Vingt ans de tournée, cela forge une routine, un lien de confiance, une carte mentale du quartier qui n’est écrite nulle part mais qui fait gagner du temps à tout le monde. Les anciens facteurs le disent souvent : on connaît les boîtes, les habitudes, les prénoms, les petites routes.
On connaît aussi ses limites. Quand le dos craque, quand le froid remonte des marches, quand chaque kilo pèse plus lourd, l’arrêt maladie n’est pas une évasion, c’est une pause imposée.
Là se loge la difficulté : comment une entreprise publique à capitaux, garante d’un service quotidien pour des milliers d’usagers, concilie-t-elle cette obligation d’acheminer avec la fragilité d’un agent ? En filigrane, on devine ce tiraillement : trop d’absences, et c’est toute une tournée qu’il faut couvrir. Pas d’absences, et l’on nie la réalité des corps. C’est sur cette ligne de crête que l’affaire Gaëtan a basculé.
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« Mais saviez-vous que… » : dans un centre postal, chaque absence déborde au-delà d’une seule tournée
Ce détail que peu de gens connaissent : lorsqu’un facteur manque, la charge ne disparaît pas, elle se répartit. Certains secteurs, selon l’heure et la géographie, deviennent très difficiles à absorber.
On mutualise, on décale, on fait appel à des remplacements. Mais l’opération ne peut durer indéfiniment sans effets : retards, clients inquiets, tension dans les équipes. C’est précisément cet argument que La Poste met en avant pour expliquer la décision. Et c’est ce point que les collègues contestent en s’agrippant à autre chose : l’humanité d’un dossier, l’épaisseur d’un parcours, cette idée simple que la loyauté mérite parfois un temps plus long.
Au fond, l’histoire de Gaëtan agit comme un révélateur. Elle raconte la France des absences répétées quand la santé clignote, la France des centres qui doivent tourner malgré tout, la France de l’emploi où l’on pèse des vies et des plannings dans la même balance.
C’est une histoire locale, située, mais elle parle à plus large : à tous ceux qui, un jour, ont dû mettre leur corps entre parenthèses.
Crédit : Mic / Wikimedia Commons (CC BY 2.0)
Et maintenant ? Pour Gaëtan, le choc ; pour l’entreprise, la continuité
À court terme, Gaëtan dit encaisser. « Irréel », répète-t-il. Une manière de dire que l’esprit n’a pas encore rattrapé la décision. Autour de lui, ses collègues ont fait bloc. Cette mobilisation à près de 80 % n’est pas un geste anodin : c’est un message envoyé à la direction, mais aussi aux usagers qui voient, parfois, les tours de distribution changer sans comprendre pourquoi.
Du côté de La Poste, la ligne reste identique. L’entreprise conteste toute idée d’abus et assume une approche opérationnelle : « les absences répétées perturbent durablement le fonctionnement du service et rendent nécessaire un remplacement définitif par l’embauche d’un salarié en CDI ».
Ce sera probablement la phrase qu’on retiendra, celle qui fige les positions et clôt le débat administratif tout en l’ouvrant, paradoxalement, dans la rue.
Crédit : Romainbehar / Wikimedia Commons (CC0)
Que retenir ?
Au cœur de la décision se trouve ce point précis, assumé par l’entreprise : le remplacement définitif du facteur par l’embauche en CDI, jugé indispensable pour garantir la continuité du service.
- 21/11/2025 à 14:04Je suis étonné qu'on ne lui ait pas proposé un reclassement ...
- 07/11/2025 à 11:45hélas,l'absentéisme répété est un gros handicap pour l'employé comme pour l'entreprise.S'il ne pleut plus travailler régulièrement,il ne reste que que l'AI
- 07/11/2025 à 07:12L'ancienneté ne doit pas être une cause d'impunité, pour les profiteurs !c
7 commentaires