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« Agitation en France » en cas d’engagement majeur à l’Est : ce que la Gendarmerie se prépare à affronter

Publié par Killian Ravon le 03 Nov 2025 à 21:22

La Gendarmerie nationale sonne la mobilisation discrète. Après l’avertissement du CEMA sur un possible « choc » d’ici trois à quatre ans, son directeur général, le général Hubert Bonneau, a mis en garde, devant les parlementaires à la mi-octobre, contre un risque d’agitation sur le territoire si la France s’engage « à l’Est ».

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Au crépuscule, trois gendarmes sécurisent une voie ferrée ; un Centaure protège la zone tandis qu’un hélicoptère survole le convoi.
Montée en puissance le long des rails : la Gendarmerie verrouille un axe sensible sous appui blindé et aérien.

Entre sabotage, actions de proxies et manifestations, la montée en puissance pourrait commencer avant même tout départ de forces. Voici, sans dramatiser, ce que cela signifie concrètement.

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Barrière mobile utilisée par la Gendarmerie nationale lors d’une manifestation, vue rapprochée de l’équipement déployé sur voie publique
Dispositif mobile de maintien de l’ordre. Crédit : Thesupermat (CC BY-SA 3.0)
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« Sécurité – défense » : la Gendarmerie assume le continuum

Entendue à l’Assemblée puis au Sénat, la Gendarmerie rappelle qu’elle est une force armée à part entière. Son patron revendique un « continuum sécurité – défense » dans lequel la Défense opérationnelle du territoire (DOT) n’est pas un slogan, mais une mission organique : protéger les intérêts fondamentaux du pays aux côtés des armées, sécuriser les points sensibles, et tenir la ligne quand le vent se lève. Dans les Outre-mer – de Mayotte à Nouvelle-Calédonie en passant par la Guyane – cette articulation est déjà quotidienne : impossible d’être efficaces sans l’appui des forces armées, dit sobrement le DGGN. Mais il pose une bascule : dans l’hypothèse d’un engagement majeur à l’Est, l’appui pourrait s’inverser ; aux armées projetées à l’extérieur, la Gendarmerie garderait la maison, dans un rôle de première ligne sur le territoire.

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L’hypothèse sensible : proxies, sabotage, manifestations

Le général Bonneau ne s’étend pas sur les profils des agitateurs. Il suffit pourtant de relire ses mots : si un engagement se précise, « je pense que cela ne se passera pas sans agitation ». Qu’entend-il par là ? D’abord l’action de proxies – des intermédiaires instrumentalisés – capables d’exploiter des failles pour mener des sabotages ciblés. Ensuite, des manifestations potentiellement massives, « car je ne suis pas sûr que tous nos concitoyens soient favorables à ce type d’engagement ». Le message n’est pas une prophétie, mais un rappel à la vigilance. Il s’inscrit d’ailleurs dans une alerte plus large : au printemps, la DRSD avait pointé des convergences ponctuelles entre mouvances antimilitaristes et groupes pro-palestiniens, des actions symboliques contre la Base industrielle et technologique de défense (BITD), et parfois des campagnes agressives contre l’industrie de l’armement. La nuance compte : il ne s’agit pas d’amalgamer, mais de noter qu’en période de tension, les causes s’additionnent, les colères se répondent, et le terrain devient propice aux tentatives d’influence.

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Véhicule blindé polyvalent Centaure de la Gendarmerie, stationné en plein jour, vue trois-quarts avant
Le Centaure, nouvelle monture des unités d’intervention. Crédit : Domenjod (CC BY-SA 4.0).
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Avant même l’engagement : la phase « montée en puissance »

Point clé souvent mal compris : l’« agitation » pourrait précéder tout départ de troupes. Si la France devenait nation hôte, avec des matériels sensibles transitant par ses ports, gares de triage ou grands axes pour renforcer des forces de l’Otan à l’Est, l’écosystème logistique deviendrait une cible. La sécurité intérieure s’invite alors très tôt dans le calendrier : la montée en puissance avant engagement implique du renseignement de proximité, de l’anticipation judiciaire, des escortes discrètes, des contrôles renforcés autour des hubs, et des dispositifs de maintien de l’ordre calibrés contre les blocages. « Il faut couvrir le territoire de moyens », insiste le DGGN. Autrement dit : des patrouilles rurales à la surveillance cyber des convois, le spectre est large et suppose de la souplesse.

Une DOT 2025 : missions inchangées, contexte transformé

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Sur le fond, la DOT n’est pas nouvelle. Ce qui change, c’est la probabilité d’avoir à l’activer à grande échelle et rapidement. La Gendarmerie nationale devra alors mener des missions classiques – protection des sites, sécurisation des flux, appui aux autorités civiles – dans un environnement plus contesté : narratif hostile en ligne, tentatives d’influence locale, micro-actions coordonnées pour saturer les forces, et effets domino sur l’ordre public. C’est là que le « continuum » prend tout son sens : renseignement territorial, police judiciaire, unités de gendarmerie mobile, spécialistes NRBC si nécessaire, appui aérien avec hélicoptères, tout se superpose. Et, détail que peu de gens connaissent, cette grille de lecture existe déjà dans les plans, mais c’est l’échelle qui interroge. D’où les mots du CEMA : se tenir prêts à absorber un choc dans les « trois ou quatre ans ».

Alignement de véhicules de la gendarmerie mobile prêts au départ, photographiés en 2005
: Les colonnes bleues prêtes à se déployer. Crédit : Domenjod (CC BY-SA 3.0).

Matériel et entraînement : remplacer 22 000 fusils, équiper la nuit

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Le volet capacitaire est très concret. « 22 000 fusils d’assaut doivent être remplacés », chiffre le DGGN, pour un budget évalué à 110 millions d’euros. Et si l’on additionne les besoins en équipements militaires au sens large – du monoculaire de vision nocturne pour traquer un poseur de charge sur une voie ferrée aux armes tactiques des escadrons mobiles – l’enveloppe grimpe à 800 millions d’euros. Ce n’est pas un luxe : la nuit, l’avantage va à celui qui voit le premier. La doctrine évolue avec la menace : détecter des micro-groupes, sécuriser un pont, neutraliser un sabotage opportuniste, dissoudre un blocage avant qu’il ne se mue en point de fixation. Chaque achat correspond à une tactique et à un scénario, pas à une vitrine.

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Hélicoptère EC135 de la Gendarmerie nationale en statique, photographie prise lors d’un événement public en 2019
L’œil du ciel de la Gendarmerie. Crédit : Kevin.B (CC BY-SA 4.0).

« Agir tôt, agir juste » : ce qui va changer sur le terrain

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S’il fallait résumer la feuille de route, elle tiendrait en quatre verbes : détecter, dissuader, protéger, judiciariser. Détecter, c’est renforcer le maillage de renseignement local, mais aussi la surveillance technique des itinéraires et des lieux de passage. Dissuader, c’est rendre lisible – sans l’exhiber – que les convois sont protégés et que les perturbations seront contenues. Protéger, c’est garder les nœuds : dépôts, infrastructures critiques, parcs de matériels. Judiciariser enfin, c’est documenter vite et bien, pour judiciariser toute action organisée, depuis le tag répétitif jusqu’au sabotage caractérisé. Mais saviez-vous que certains « tests » de dispositif se jouent déjà en conditions réelles ? À chaque grand mouvement logistique, les process se frottent au monde ; ils s’améliorent, se modélisent, s’enseignent.

Oppinions publiques, droit de manifester et résilience

Rien ne sert de le nier : un engagement majeur à l’Est divise. Le droit de manifester est une liberté fondamentale ; la Gendarmerie devra composer avec, sans renoncer à l’ordre public. La ligne est fine : permettre l’expression, prévenir les débordements, démanteler les proxies qui chercheraient à instrumentaliser les foules. Dans ce contexte, la résilience ne se décrète pas ; elle se fabrique. Elle passe par des messages clairs – ce qu’on protège, pourquoi, comment – et des actes concrets : transparence des parcours de convois quand c’est possible, explications sur les mesures de sécurité, et réponses rapides aux infox. La banalité est stratégique : plus la société connaît ses réflexes en cas de tension, moins elle se prête aux manœuvres.

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Vue détaillée des équipements sous un hélicoptère EC135 de la Gendarmerie nationale, projecteur et caméras visibles
Les capteurs qui changent la nuit. Crédit : Kevin.B (CC BY-SA 4.0).

Un cap fixé : « se tenir prêts » sans jouer à se faire peur

On ne gouverne pas avec des hypothèses ; on s’y prépare. Le CEMA a fixé le cap : horizon trois à quatre ans pour un possible choc. Le DGGN a traduit l’angle intérieur : si l’Otan se renforce par l’Ouest, il faudra serrer les rangs chez nous. Le message n’est pas alarmiste, il est préparatoire. Et il se conclut par une évidence : la Gendarmerie nationale ne peut pas tout seule. C’est un jeu d’équipe : forces armées, préfets, transporteurs, industriels de la BITD, élus locaux. La bonne nouvelle ? Le pays a l’expérience de ces montées en puissance graduées. La moins bonne ? Elles demandent des moyens, du temps, et une discipline de tous les instants.

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L’adhésion difficile mais nécessaire

Le DGGN l’a laissé entendre entre les lignes : la première épreuve ne sera peut-être pas un convoi bloqué, mais une bataille d’adhésion. La clé, avant tout, sera d’empêcher que des micro-actions coordonnées ne transforment une simple montée en puissance logistique en crise de confiance nationale.

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