Pensions de retraite : pourquoi deux millions de retraités vont devoir se justifier
Avant d’exposer les mesures prévues, revenons sur les enjeux qui poussent l’État à renforcer ses vérifications. Depuis plusieurs années, le gouvernement et les institutions financières alertent sur le coût de la fraude aux pensions, évalué à plusieurs dizaines de millions d’euros par an.
Face à ces pertes, la Cour des comptes a décidé d’agir, sans toutefois dévoiler d’emblée l’ampleur exacte des opérations. L’objectif principal reste la fiabilité du versement et la protection des finances publiques.
Un défi permanent : la lutte contre la fraude aux pensions
Chaque année, l’État consacre d’importants moyens pour traquer les anomalies dans les versements de retraite. Les magistrats de la rue Cambon soulignent qu’une partie des sommes échappe aux caisses à cause de dossiers obsolètes ou de bénéficiaires décédés. Plus complexe, la surveillance des pensions versées hors du territoire national requiert des dispositifs spécifiques. Sans contrôle, certaines situations de fraude peuvent perdurer pendant des années, au détriment de la solidarité entre générations.
Retraités expatriés : une première catégorie sous surveillance
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La première groupe concerné regroupe les retraités expatriés, soit plus d’un million de personnes établies hors de France. Les principaux pays d’installation comprennent le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie, le Royaume-Uni et Israël. Dans ces dix pays, la traçabilité des décès est moins fiable qu’en France, ouvrant la porte aux versements indus. Des proches peu scrupuleux peuvent continuer à encaisser une pension après le décès du titulaire. Aggravant le manque à gagner pour l’État.
Cumul emploi-retraite : un dispositif sous tension
La seconde catégorie vise les retraités qui cumulent un emploi salarié avec leur pension. En 2022, près de 381 000 personnes bénéficiaient de ce dispositif, et la Cour des comptes estime que ce chiffre a presque doublé pour atteindre 710 000 bénéficiaires aujourd’hui. À l’origine conçu pour soutenir les plus modestes, le cumul emploi-retraite profite désormais à des profils plus aisés, y compris des professions libérales dont les revenus annuels dépassent parfois 100 000 €. Les magistrats dénoncent cette dérive et réclament un durcissement des conditions d’éligibilité.
Une démarche encadrée et rigoureuse pour les certificats d’existence
Pour les expatriés, l’État va instaurer des contrôles “sur pièces”. Chaque retraité concerné devra transmettre, dans un délai maximal de trois mois, un certificat d’existence, une pièce d’identité en cours de validité et son acte de naissance original. À défaut de réponse ou si les documents sont jugés insuffisants, le versement de la pension pourra être suspendu. Parallèlement, des convocations physiques seront multipliées dans les consulats, obligeant le senior à se rendre sur place pour justifier de son existence.
Renforcer les vérifications du cumul emploi-retraite
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Pour les salariés retraités, les autorités comptent intensifier l’analyse des contrats de travail et des fiches de paie. Les caisses de retraite pourraient demander la transmission de bulletins de salaire et procéder à des croisements avec les données fiscales. En cas de non-conformité, des sanctions financières ou l’arrêt du versement de la pension seront envisagés. L’objectif est d’endiguer les effets d’aubaine et de restaurer l’esprit initial du dispositif.
Les enjeux pour l’État et les pensionnés
Ce renforcement des contrôles porte deux visages : d’un côté, il cherche à préserver l’équilibre financier des régimes de retraite, soumis à des besoins de financement croissants. De l’autre, il vise à garantir que chaque bénéficiaire touche une pension légitime, sans dérive ni abus. Selon l’OCDE, le montant moyen d’une pension française représente 74 % du dernier salaire, ce qui incite certains seniors à compléter leurs revenus par un emploi ou à profiter de failles administratives.
L’ampleur des contrôles annoncés
Au total, la Cour des comptes prévoit de soumettre deux millions de retraités à ces nouvelles procédures de vérification. Ces contrôles concerneront à la fois les personnes vivant à l’étranger et celles combinant emploi et retraite, représentant ainsi une part significative des bénéficiaires du système. Entamée dès cet automne, cette vaste opération vise à restaurer la confiance dans la gestion des pensions et à assurer la pérennité des régimes pour les générations futures.
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