Épargne : ce placement à 5 % peut-il vraiment remplacer le Livret A ?
Depuis des mois, le Livret A cristallise les inquiétudes. Après des années d’inflation élevée, son taux a reculé, et beaucoup cherchent une alternative plus rémunératrice. C’est dans ce contexte qu’un nouveau fonds grand public, axé sur l’industrie de la défense, arrive avec un objectif de 4,5 % à 5 % par an. Un chiffre qui accroche le regard et bouscule des habitudes d’épargne très ancrées.
Dans l’esprit des Français, « 5 % » évoque un rendement solide, presque « confortable ». Mais la question essentielle n’est pas seulement « combien », c’est « à quelles conditions ». Car ce produit n’a ni la liquidité ni la garantie d’un livret réglementé. Il impose de penser long terme, d’accepter des aléas, et de laisser travailler son capital sans y toucher trop vite.
Un placement pensé pour durer, pas pour piocher dedans
Ce fonds d’investissement orienté défense a une durée de vie de 20 ans. Le ticket d’entrée reste accessible (entre 500 € et 500 000 €), mais les fonds sont bloqués pendant cinq ans. Les professionnels conseillent d’y rester au moins dix ans pour laisser le temps à la stratégie de porter ses fruits. On est donc à l’opposé du compte d’épargne liquide qui sert de coussin en cas d’imprévu.
Ce caractère illiquide n’est pas un défaut caché : il fait partie de la promesse. En échange, les gestionnaires peuvent accompagner des projets stratégiques plus longs, souvent innovants, qui ne rentrent pas dans les cases d’une épargne à court terme. C’est un choix d’allocation : accepter d’immobiliser une part de son patrimoine pour viser un couple rendement/risque différent.
Crédit : Avij / Wikimedia Commons (PD)
Qui pilote l’argent ? Et vers quoi ?
La sélection et la gestion des projets sont assurées par Bpifrance. Les épargnants n’arbitrent pas eux-mêmes les dossiers : ils confient un mandat à une équipe d’investissement chargée d’identifier les entreprises issues de la base industrielle et technologique de défense. L’ambition est claire : renforcer la souveraineté technologique et l’autonomie européennes, notamment face aux tensions géopolitiques.
Concrètement, l’épargne récoltée finance des systèmes d’information et des activités stratégiques. C’est une posture d’investisseur : soutenir un cap industriel et accepter que la performance suive la réussite des projets, avec les aléas que cela implique.
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Rendement affiché : prometteur, mais non garanti
L’objectif de 4,5 % à 5 % est attractif parce qu’il dépasse largement la rémunération actuelle du Livret A. Mais il faut le regarder pour ce qu’il est : une cible, pas une certitude. Un fonds de ce type peut connaître des années faibles, voire des contre-performances. Le capital n’est pas garanti : en cas de choc majeur ou d’échecs industriels, la perte partielle – dans des cas extrêmes totale – est possible.
C’est précisément ce risque qui permet d’espérer mieux qu’un livret sans aléa. On ne parle ni d’un fonds en euros d’assurance-vie ni d’un livret réglementé : on parle d’investissement. Cela implique d’étaler ses entrées, de diversifier son patrimoine, et de ne pas engager l’épargne de précaution.
Crédit : Mario Antonio Pena Zapatería / CC BY
Fiscalité : ce que change l’enveloppe choisie
Hors enveloppe, les gains sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 %. Il existe toutefois des optimisations légales selon le support utilisé :
Dans une assurance-vie, au-delà de huit ans, l’imposition effective peut descendre autour de 24,7 % (pour des gains sous certains seuils), avec l’intérêt d’une sortie plus douce et d’avantages en transmission. En PEA, après cinq ans, les gains sont exonérés d’impôt sur le revenu (les prélèvements sociaux de 17,2 % restent dus). Beaucoup de conseillers plébiscitent donc l’ordre suivant : d’abord PEA, puis assurance-vie, et en dernier compte-titres classique.
La fiscalité ne doit pas dicter seule la décision, mais elle pèse sur le rendement net. À 5 % brut, l’enveloppe choisie peut faire la différence entre un projet gagnant sur dix ans… ou trop juste.
Le Livret A reste-t-il has been ?
Non. Le Livret A ne joue pas dans la même catégorie. Il demeure l’outil idéal pour l’épargne de précaution : liquidité immédiate, capital garanti, simplicité totale. Même moins rémunérateur, il protège contre les coups durs et évite de désinvestir un placement long terme au mauvais moment. Le vrai débat n’est pas « Livret A ou le reste », c’est « quelle proportion » affecter à la sécurité et quelle part à la performance potentielle.
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On peut très bien garder trois à six mois de dépenses en liquide et déployer le surplus sur des horizons plus longs : assurance-vie diversifiée, PEA prudent, obligations de qualité, ou fonds thématiques comme celui qui vise 5 %.
Qui devrait s’y intéresser… et à quelles conditions ?
Ce fonds n’est pas pour celui qui anticipe un achat proche ou qui peut avoir besoin de son capital sous deux ans. Il s’adresse aux épargnants capables de tenir un cap de 5 à 10 ans, à l’aise avec l’idée de variations et d’un capital non garanti. Autrement dit, un public prêt à assumer une part de risque pour viser mieux qu’un livret.
Dans un patrimoine équilibré, il peut être une brique complémentaire : pas la totalité, pas l’alpha et l’oméga, mais un levier de diversification aligné avec une conviction : soutenir des projets stratégiques européens.
Crédit : Pixabay
Le vrai mode d’emploi : épargne de précaution d’abord, diversification ensuite
Avant toute souscription, constituer son matelas de sécurité sur un livret liquide est la priorité. Ensuite, calibrer une allocation progressive : fractionner les entrées pour lisser les points d’entrée, répartir entre PEA, assurance-vie et compte-titres selon ses objectifs, et accepter que la performance se construit dans la durée.
Rien n’empêche de démarrer par des montants modestes pour se familiariser avec la stratégie, puis d’augmenter progressivement si l’on est à l’aise. Et, surtout, de garder en tête que la finance n’est pas une promesse, c’est une probabilité.
Ce que changent vraiment les 5 % annoncés
La meilleure manière de lire ce « 5 % », c’est comme un objectif crédible sur long terme, pas comme une garantie annuelle. Il faut y ajouter la fiscalité de l’enveloppe choisie, retrancher des frais éventuels, et accepter une période de blocage initiale. On est loin d’un placement sans risque : c’est un investissement avec des contreparties.
Derrière le chiffre rond de 5 %, le produit en question est un fonds Bpifrance dédié à la défense avec une durée de vie de 20 ans, une période de blocage de 5 ans, un rendement visé de 4,5 % à 5 %, une sélection gérée par Bpifrance et une fiscalité qui dépend strictement de l’enveloppe (PEA/assurance-vie/compte-titres). En clair, ce n’est pas un remplaçant du Livret A, mais une brique possible pour ceux qui assument le risque et le temps.