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Une locataire reste après la fin du bail et chute d’une fenêtre : le propriétaire condamné

Publié par Killian Ravon le 25 Sep 2025 à 18:03

Mettre un logement en location, c’est accepter une part d’imprévu. Quand un bail s’achève, il arrive qu’un occupant décide de rester, sans rendre les clés ni quitter les lieux. La procédure d’expulsion existe, mais elle prend du temps. Et lorsque la trêve hivernale approche, l’exécution forcée est suspendue plusieurs mois. Dans cet entre-deux, les tensions montent vite.

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Fenêtre d’immeuble ancien avec garde-corps en fer forgé barré par un ruban de sécurité rouge et blanc, évoquant un danger et un défaut d’entretien.

Pourtant, le droit français impose encore des obligations au propriétaire, même si la personne en place n’a plus aucun droit ni titre. Une affaire remontée jusqu’à la Cour de cassation l’a rappelé avec force.

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Un bail terminé, une occupante qui reste, et un accident

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Dans le dossier à l’origine de la décision, l’occupante d’un appartement se maintient dans les lieux après la fin du bail. Un jour, elle chute depuis la fenêtre de la cuisine, à cause de la rupture du garde-corps. L’élément était mal entretenu. Blessée, elle assigne les propriétaires en justice pour obtenir réparation de son préjudice.

L’argument des propriétaires est simple : puisque l’occupante est sans droit ni titre, ils estiment ne pas devoir répondre d’un dommage survenu durant cette occupation illégale. Les juges vont pourtant raisonner autrement, en s’intéressant à la sécurité du bâtiment et à la cause technique de la chute.

Quand l’obligation d’entretien prime sur le statut de l’occupant

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Le cœur du raisonnement tient à un principe ancien mais très actuel : la responsabilité du fait des bâtiments. Le Code civil pose que le propriétaire est responsable du dommage causé par la ruine de son immeuble lorsque cette ruine résulte d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction. Autrement dit, si un élément fixe du logement – garde-corps, rambarde, balcon, garde-fou, maçonnerie – cède par manque de maintenance, la faute du propriétaire n’a même pas besoin d’être prouvée. Il suffit d’établir le lien entre la défaillance matérielle et le dommage.

Dans l’affaire en question, l’expertise a révélé un descellement du garde-corps. La chute est donc directement liée à un défaut d’entretien de l’immeuble. C’est ce point factuel, bien plus que le statut administratif de l’occupante, qui a pesé dans la balance.

Façade du Palais de justice de Paris abritant la Cour de cassation vue depuis la Seine
Palais de justice de Paris, où siège la Cour de cassation, point d’orgue des contentieux locatifs en France. Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA.
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Le mythe de l’« excuse » de l’occupation illégale

Beaucoup de bailleurs pensent qu’en cas d’occupation illicite, toutes leurs obligations cessent. C’est inexact. Le statut de la personne dans le logement ne neutralise pas la responsabilité du propriétaire lorsque le dommage provient d’un danger structurel imputable au défaut d’entretien. La jurisprudence rappelle que l’occupation sans droit ni titre ne constitue pas, en soi, une faute de la victime susceptible d’exonérer le propriétaire.

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La victime peut, en revanche, voir son indemnisation diminuée si son propre comportement a joué un rôle causal déterminant – par exemple en adoptant une conduite manifestement imprudente. Mais cette réduction n’efface pas la cause première quand celle-ci tient à l’état dégradé du bâtiment.

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Décence du logement, fin du bail et ce qui subsiste vraiment

Il faut distinguer deux niveaux d’obligations. La décence du logement est une obligation contractuelle liée au bail. Une fois le bail éteint, elle s’éteint aussi. En revanche, la sécurité des éléments structurels et l’entretien de ce qui peut s’effondrer ou rompre relèvent de la qualité de propriétaire. Cette responsabilité extra-contractuelle subsiste indépendamment de l’existence d’un contrat. C’est précisément cette seconde couche d’obligations qui s’applique quand un garde-corps lâche, qu’un plafond s’effrite dangereusement ou qu’un escalier menace de céder.

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Salle d’audience historique lambrissée de la Cour de cassation à Paris
Une salle d’audience de la Cour de cassation, symbole du contrôle de la loi et de la jurisprudence. Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA.

Pourquoi on ne peut jamais « se faire justice » soi-même

Face à un squatteur ou un ancien locataire resté dans les lieux, la tentation est grande de couper l’électricité, de changer la serrure ou de déposer des éléments du logement. Ces gestes relèvent des voies de fait. Ils exposent à des sanctions pénales et civiles. Le cadre légal est clair : seule la procédure d’expulsion permet de récupérer légalement la jouissance du logement, avec, en bout de chaîne, le concours de la force publique.

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Dans l’intervalle, dès qu’un risque est identifié – garde-corps qui prend du jeu, fenêtre qui ferme mal, marche fissurée – le propriétaire doit faire intervenir un professionnel. Ne pas agir transforme un danger connu en responsabilité certaine.

Détail d’un balcon parisien avec garde-corps en ferronnerie, 1 rue Boulard
Garde-corps d’immeuble à Paris : l’entretien des éléments structurels engage la responsabilité du propriétaire. Crédit : Wikimedia Commons / CC BY-SA.

Trêve hivernale : ce qu’elle bloque, ce qu’elle n’empêche pas

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La trêve hivernale suspend l’exécution des expulsions sur plusieurs mois. Elle n’autorise pas pour autant l’inaction face à un danger. Si un élément du bâti est défaillant, il faut réparer. La trêve n’est pas un bouclier pour le propriétaire. C’est un gel de la sortie forcée, pas un sauf-conduit pour laisser un garde-corps branlant ou un balcon fissuré.

De la même manière, la trêve ne transforme pas l’occupant en locataire. Elle ne réactive pas le bail ni les obligations contractuelles associées. Elle coexiste simplement avec l’obligation générale d’assurer la sécurité des structures.

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white concrete building under white clouds during daytime
Cours de justice. Photo by Adam Michael Szuscik
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Assurances, recours et bonnes pratiques

La plupart des propriétaires non occupants souscrivent une assurance PNO. Elle peut couvrir la responsabilité civile attachée aux dommages causés par l’immeuble. En cas de sinistre, il est recommandé de déclarer rapidement l’événement, de conserver les constats, les photos, les rapports d’expertise et les devis de remise en état. L’assureur peut ensuite exercer un recours contre l’occupant si une faute personnelle de celui-ci a aggravé la situation. Mais ce recours ne dispensera pas d’indemniser la victime lorsque la cause réside d’abord dans un défaut d’entretien.

La prévention reste la meilleure défense. Un diagnostic régulier des points sensibles – garde-corps, garde-fous, rampe d’escalier, gonds de fenêtres, fixations de volets, balcons, ouvrants, toitures – réduit mécaniquement le risque. Dès les premiers signes de jeu, de corrosion, de rouille ou de fissures, il faut intervenir. Ce réflexe protège les personnes et verrouille juridiquement la position du propriétaire.

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Procédure d’expulsion : la seule voie, même quand tout traîne

La procédure suit un chemin balisé. Un commandement de quitter les lieux est délivré. En l’absence de départ, on assigne devant le tribunal judiciaire. Le juge peut accorder des délais. Une fois la décision rendue et le titre exécutoire obtenu, l’huissier procède aux actes nécessaires. Si l’occupant refuse encore, la préfecture peut accorder le concours de la force publique. Ce parcours est frustrant et chronophage, mais c’est le seul cadre légal. Toute initiative hors cadre expose à des poursuites et, en cas d’accident, à une condamnation plus sévère.

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Ce que cette affaire change dans la tête des bailleurs

Le premier réflexe après un impayé, un bail terminé ou une occupation illégale est de geler toutes les dépenses sur le bien. C’est compréhensible, mais dangereux. Les réparations urgentes qui touchent à la sécurité ne sont pas facultatives. Elles relèvent de la responsabilité de propriétaire. Et si un accident survient, le juge regardera d’abord l’état de l’immeuble, la cause technique, puis l’existence d’un défaut d’entretien.

Le bon réflexe consiste à documenter les anomalies, à missionner rapidement un artisan ou un bureau de contrôle, à archiver les interventions, puis à poursuivre en parallèle la procédure d’expulsion. On sécurise le bien, on sécurise sa position juridique, et on avance sur la sortie par la voie judiciaire.

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Le rappel de droit à connaître, sans faux espoirs

Le droit français opère une séparation nette entre ce qui relève du contrat de location et ce qui découle de la propriété du bâtiment. La décence est contractuelle et s’éteint avec le bail. La sécurité des éléments structurels, elle, découle de la qualité de propriétaire et ne disparaît jamais. C’est pour cela que, même face à un occupant sans droit ni titre, la responsabilité du propriétaire peut être retenue si un défaut d’entretien cause un dommage. En clair, un garde-corps qui cède, une rampe qui lâche ou un balcon qui s’effrite resteront imputables au propriétaire, tant que la preuve d’un entretien suffisant n’est pas apportée.

Ce que révèle finalement l’arrêt : la hiérarchie des causes

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Au bout du compte, la Cour de cassation a confirmé un principe très concret. Quand un accident est provoqué par la ruine d’un élément du bâtiment due à un défaut d’entretien, la cause première l’emporte. Le fait que la victime soit occupante illégale ne suffit pas à exonérer le propriétaire. C’est cette hiérarchie des causes qui explique la condamnation dans l’affaire de la chute par la fenêtre : l’élément déterminant était le garde-corps non entretenu, pas le statut de la personne tombée. Voilà pourquoi, dans une situation pourtant illégale, le propriétaire a été tenu pour responsable en application de la règle attachée à la ruine d’ouvrage et au défaut d’entretien.

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