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« Le voisin ne l’a pas vue depuis deux ans » : une retraitée utilisait son logement social comme résidence de vacances et conteste son expulsion

Publié par Killian Ravon le 13 Sep 2025 à 9:57

Dans une copropriété tranquille de Paris, un logement social est resté des mois portes closes. La locataire, une retraitée, y passait, selon ses propres mots, « en coup de vent ». Dans ce dossier, tout oppose la RIVP et l’occupante. D’un côté, un bailleur qui estime que l’appartement n’est plus une résidence principale.

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De l’autre, une locataire qui admet être « moins présente » depuis sa retraite mais refuse l’idée d’une résidence secondaire. Entre ces deux visions, une même question domine : à qui doit profiter un HLM quand la demande explose ?

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Quand un HLM devient un simple point de passage

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Les voisins racontent un palier silencieux, un deux-pièces où l’on n’entend plus de pas. L’occupante dit revenir ponctuellement, jamais longtemps. Elle a pris sa retraite en juin 2022 et ne cache pas des absences régulières. Ce choix de vie, la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) le lit autrement : un logement social réservé pour de rares passages, l’essentiel du temps vide, sans la vie quotidienne que suppose l’occupation principale.

C’est cette divergence qui a fait basculer l’affaire devant la justice. Le bailleur reproche à la locataire d’avoir transformé son HLM en pied-à-terre, une utilisation proscrite quand on parle d’un bien censé loger durablement celles et ceux qui en ont réellement besoin.

Un bail transmis, des obligations qui demeurent

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L’histoire du bail remonte loin. L’appartement a été obtenu en 1989 après le décès de la mère de la locataire, via un transfert de bail. Ce mécanisme légal, courant en HLM, n’efface pas pour autant les règles d’usage : pour rester en résidence principale, un logement social doit être occupé au moins huit mois par an. C’est l’esprit du dispositif : garantir la stabilité des ménages, éviter les logements fantômes et préserver l’équité entre bénéficiaires et demandeurs.

Dans ce cadre, la RIVP avance un point précis : selon elle, l’occupante n’habiterait plus réellement les lieux depuis 2020. Un calendrier long, qui alimente le grief central : le logement n’abriterait plus une vie continue, mais des retours sporadiques.

Façades d’immeubles HLM à Paris sous un ciel dégagé
Immeubles HLM à la porte de Vincennes, Paris — Crédit : Guilhem Vellut / CC BY 2.0
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Les indices d’un logement désert

Au dossier, un procès-verbal décrit des signes jugés « parlants ». Le réfrigérateur est débranché. La cuvette des toilettes est vide d’eau. Un voisin de palier assure « ne pas l’avoir vue depuis deux ans ». Ces éléments ne sont pas une preuve absolue du mode de vie de la locataire, mais ils installent un faisceau d’indices qui penche vers une sous-occupation prolongée.

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La retraitée, elle, conteste. Par la voix de son avocat, elle affirme que le bailleur chercherait surtout à récupérer le deux-pièces en vue d’une réhabilitation de l’immeuble. Son conseil réclame, si départ il doit y avoir, un relogement dans un appartement équivalent, aux mêmes conditions de loyer, afin d’éviter une rupture brutale dans sa trajectoire résidentielle.

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À qui doit profiter le parc social ?

Derrière ce dossier concret se cache une tension connue : la vocation des HLM est d’offrir une résidence principale à des ménages qui n’ont pas d’autre solution abordable. Chaque appartement laissé inoccupé des mois durant est un toit indisponible pour une famille en liste d’attente. Le parc social ne peut absorber ni les usages d’agrément ni les arrangements à temps partiel. Il s’agit d’un bien rare, financé collectivement, attribué à partir de critères sociaux, et régulé par des règles strictes d’occupation effective.

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Cette exigence explique la fermeté des bailleurs publics. Ils contrôlent la présence, vérifient le caractère principal de l’occupation, et engagent, le cas échéant, une résiliation du bail pour manque d’occupation. Le contrôle n’a rien d’anecdotique : il vise à protéger la crédibilité du système et à éviter que des logements ne deviennent des résidences secondaires déguisées.

Grand immeuble d’habitat social à Paris 19e
Habitat social à Paris 19e — Crédit : Guilhem Vellut / CC BY 2.0

La ligne de crête pour les locataires

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Pour les locataires, la règle des huit mois par an impose une organisation claire. On peut s’absenter, évidemment, pour des raisons de santé, professionnelles ou familiales. Mais à l’échelle d’une année, le cœur de la vie doit se dérouler dans le logement : courrier, consommations, présence. Dès que l’on bascule dans un usage d’appoint, on s’expose à la critique du bailleur qui, lui, ne regarde pas l’intention mais la réalité d’occupation.

Dans cette affaire, la locataire n’a jamais nié ses absences répétées. Elle les rattache à sa retraite et à une nouvelle organisation personnelle. Le bailleur y voit au contraire une rupture durable avec l’esprit du logement social, lequel n’a pas vocation à être « gardé sous le coude » pour quelques séjours ponctuels.

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Balcons et fenêtres d’un immeuble parisien
Façades d’appartements à Paris — Crédit : Pixabay
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Le face-à-face judiciaire

L’audience oppose deux visions d’une même situation. Côté RIVP, la résidence principale n’est plus caractérisée ; les indices matériels et les témoignages appuient un défaut d’occupation. Côté locataire, l’argument se double d’une mise en cause des intentions prêtées au bailleur, accusé de vouloir libérer un lot pour travaux. Entre ces lignes, le juge doit dire non seulement le droit, mais aussi rappeler la finalité du parc social.

La locataire demande, quoi qu’il arrive, un relogement à l’identique. Cette revendication est fréquente lorsque le lien avec le quartier, les habitudes et les services de proximité est fort. Mais elle se heurte à la même question : peut-on être relogé si l’on ne démontre pas l’usage principal du logement qu’on s’apprête à quitter ? Le droit au relogement n’est pas automatique ; il dépend des situations et des fondements de la décision.

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Façade historique d’un immeuble de logement social parisien
Ancien immeuble de logement social à Paris — Crédit : Jeanne Menjoulet / CC BY 2.0

Les signes matériels, que valent-ils ?

Un frigo débranché ou une chasse d’eau sèche ne suffisent pas, à eux seuls, à condamner une personne. Ce sont des indices. Pris ensemble, sur la durée, ils alimentent une appréciation globale de la vie effective dans les lieux. La justice regarde l’ensemble : fréquence des passages, témoignages, destinataire principal du courrier, signes de consommation dans le logement, présence d’effets personnels réellement utilisés. Ici, le voisin de palier affirme ne pas avoir croisé la locataire « depuis deux ans ». Un propos qui, sans être décisif seul, renforce le tableau d’un appartement peu ou pas habité.

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À l’inverse, la défense insiste sur le caractère ponctuel des absences et sur le droit de toute personne à organiser sa retraite autrement. Mais lorsqu’il s’agit d’un HLM, la frontière entre liberté et obligation d’usage est tracée par la notion de résidence principale. C’est elle qui emporte, au final, la décision.

Ce que rappelle la loi des HLM

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Sans multiplier les références, l’idée directrice est simple : un logement social n’est pas un bien de confort, mais un outil de solidarité. Il est attribué sur critères, confié pour être habité au quotidien, gardé tant que l’usage principal est réel. Dès que l’on se contente d’y passer pour quelques jours, on rompt cet équilibre. C’est exactement ce que les bailleurs cherchent à éviter en contrôlant l’occupation et en sanctionnant les dérives.

Dans le cas présent, la RIVP a considéré que le seuil était franchi. Elle a saisi le tribunal pour demander la résiliation du bail et l’expulsion, estimant que l’appartement n’était plus une résidence principale depuis plusieurs années. La défense y a vu un prétexte lié à un chantier de réhabilitation. Deux lectures d’un même dossier, deux récits, une seule décision à rendre.

Gros plan d’un interphone d’immeuble
Interphone d’entrée d’un immeuble — Crédit : TBIT / Pixabay
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Le dernier mot du tribunal

Le tribunal judiciaire de Paris a rappelé la règle de fond : un logement social ne peut pas servir de résidence secondaire, compte tenu de sa vocation à loger en priorité celles et ceux qui en ont besoin. Au terme de cette appréciation, la justice a prononcé la résiliation du bail pour manque d’occupation et ordonné l’expulsion, avec un délai légal réduit à quinze jours.

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1 commentaire

  • z
    zaza
    16/09/2025 à 12:16
    La Justice a rendu une décision qui applique le Droit, que ce soit le droit au logement, et surtout le droit au logement social.D'ailleurs, on peut se poser la question de l'automacité du transfert de bail : cela ne devrait pas être possible, sauf à ce que le candidat remplisse les conditions d'obtention d'un logement social.

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