En Australie, une idée inattendue pourrait enfin mieux protéger les surfeurs face aux requins blancs
En pleine fin d’année, une équipe de chercheurs avance une piste aussi simple que surprenante pour limiter les accidents en mer.
Le tout repose sur un détail que l’on ne soupçonne pas forcément… et qui pourrait changer la routine de nombreux surfeurs.
Crédit : Sharkcrew / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
Quand l’océan devient imprévisible
Sur l’eau, tout peut sembler parfaitement calme. Puis, en une fraction de seconde, l’ambiance bascule, surtout dans les zones où l’on sait que de grands prédateurs circulent. Ces récits d’incidents, parfois très médiatisés, pèsent durablement sur l’imaginaire collectif.
En Australie, où les sports nautiques font partie du quotidien, la question revient sans cesse. Comment réduire le risque sans transformer la mer en espace totalement verrouillé, ni imposer des dispositifs lourds à celles et ceux qui passent leur vie à surfer, pagayer ou naviguer au large ?
C’est justement ce que cherche à faire une équipe de l’Université de Macquarie, avec une approche qui ne ressemble pas aux réponses classiques. Plutôt que de miser sur la force ou la contrainte, l’étude s’intéresse à ce que l’animal “comprend” au moment de l’approche.
Crédit : Brocken Inaglory / Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0)
Pourquoi le requin blanc se trompe de cible
Le requin blanc n’est pas systématiquement en “chasse” contre l’humain. La biologiste Laura Ryan insiste sur un point clé : dans certains cas, l’animal pourrait surtout commettre une erreur d’identification, parce qu’il ne perçoit pas assez finement ce qu’il a en face de lui.
Selon elle, la perception visuelle du requin est plus limitée que celle de l’homme. Les formes et les contrastes se lisent différemment sous la surface, et ce qui paraît évident pour un surfeur ne l’est pas forcément pour un prédateur qui se fie à des indices rapides.
C’est là qu’entre en jeu la confusion la plus souvent évoquée : la silhouette d’un humain sur une planche peut rappeler celle de certaines proies, notamment des phoques. Ce détail que peu de gens connaissent, c’est que l’erreur peut venir autant des conditions de lumière que de la forme générale perçue à distance.
L’expérience qui a fait basculer l’hypothèse
Pour vérifier cette idée, les chercheurs ont mené des observations et des tests à Mossel Bay, en Afrique du Sud. La zone est réputée pour accueillir des requins blancs, ce qui permet d’étudier leurs réactions dans un contexte réel, au plus près des comportements naturels.
L’équipe a choisi de travailler avec des leurres imitant des phoques, afin d’évaluer ce qui déclenche l’intérêt du requin… ou au contraire ce qui le fait renoncer. Le professeur Nathan Hart et Laura Ryan ont orienté la réflexion vers un élément précis : le contraste, et la manière dont une silhouette “ressort” dans l’eau.
La biologiste résume l’idée ainsi : si l’objet devient clair sur un fond sombre, il peut cesser d’être interprété comme une proie reconnaissable. Mais saviez-vous que ce type de réglage ne se fait pas en un seul essai ? L’équipe a testé plusieurs configurations, car une solution efficace devait aussi rester utilisable dans la vraie vie.
Une piste plus douce que les filets et les drones
Ce qui intrigue dans cette démarche, c’est son côté relativement “léger” comparé à d’autres moyens déjà utilisés. En Australie, les autorités s’appuient sur des systèmes variés, parfois indispensables pour la surveillance, mais pas toujours neutres pour l’écosystème.
On pense notamment aux filets anti-requins, aux drones chargés d’observer les zones côtières, ou encore au marquage d’animaux pour déclencher des alertes en cas de présence près des rivages. Ces méthodes peuvent renforcer la sécurité en mer, mais elles s’accompagnent aussi de débats, notamment sur leurs effets sur la faune.
Là, l’idée est différente. Elle ne cherche pas à “bloquer” le requin ni à l’éloigner de force, mais à agir sur ce qu’il croit voir. C’est une nuance importante : plutôt qu’un affrontement, on parle d’un ajustement de perception.
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Crédit : Kerry Raymond / Wikimedia Commons (CC BY 4.0)
Un détail de silhouette qui change l’interprétation
Au fil des essais, les chercheurs ont constaté que toutes les configurations ne se valent pas. Certaines approches demandent trop d’énergie, d’autres sont trop contraignantes, et certaines n’apportent pas la modification de perception attendue. Ce n’est pas seulement la présence de lumière qui compte, mais la façon dont elle redessine l’objet.
Laura Ryan explique que l’objectif est de casser les codes visuels associés à une proie. Un requin s’appuie sur des indices rapides : une forme allongée, un contraste net, un profil cohérent. Si l’on altère ce “profil”, l’objet devient moins évident à identifier et perd de son intérêt.
C’est là que l’orientation des lignes a pris toute son importance dans l’étude. En travaillant sur la manière dont l’œil du requin recompose l’image, l’équipe a vu émerger une solution plus efficace, parce qu’elle modifie la perception de la largeur et de la longueur de la silhouette.
Crédit : bigwavephoto / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
Entre peur collective et réalité des chiffres
La crainte du requin blanc ne date pas d’hier. Des œuvres comme « Les Dents de la Mer » ont installé l’idée d’un prédateur presque “programmé” pour attaquer l’homme, et cette représentation colle encore à la peau de l’espèce. Laura Ryan le reconnaît : la peur existe aussi parce que le requin reste mal compris.
Pourtant, même si chaque incident marque les esprits, l’étude rappelle que l’enjeu n’est pas de nourrir une guerre symbolique contre l’animal. Il s’agit plutôt de réduire les situations à risque, notamment celles où l’humain est pris pour autre chose.
Dans la source citée, une base de données de la Taronga Conservation Society recense des attaques en Australie depuis 1791, avec une part de morsures mortelles, et une proportion attribuée aux requins blancs. Ces chiffres donnent de la perspective, tout en rappelant pourquoi les chercheurs cherchent des réponses plus fines et plus durables.
Crédit : Mark Harpur / Unsplash via Wikimedia Commons (CC0 1.0)
Ce que cela implique pour des prototypes réels
L’équipe ne veut pas s’arrêter à un résultat de laboratoire ou à une démonstration sur le terrain. Elle envisage désormais de passer à la phase la plus délicate : transformer l’idée en objet réellement utilisable, avec des prototypes adaptés à des planches de surf ou même à des kayaks.
Laura Ryan insiste sur un point concret : elle veut une solution pratique. En tant que surfeuse, elle sait que la moindre contrainte supplémentaire peut rendre un équipement inutilisable, même s’il est prometteur sur le papier. L’autonomie, la résistance à l’eau, la facilité de fixation et la gêne éventuelle dans l’usage sont des paramètres aussi importants que l’efficacité.
Autre limite assumée : ce qui fonctionne sur un requin blanc pourrait ne pas s’appliquer aux autres espèces. Les chercheurs expliquent que les mécanismes de prédation diffèrent selon les requins, et que la réaction d’un tigre ou d’un bouledogue pourrait être différente. L’étude ouvre donc une voie, mais elle appelle aussi des vérifications.
Et au bout du compte, la solution testée repose sur un geste étonnamment simple : fixer sous la planche un dispositif de bandes lumineuses à LED, conçu pour modifier la silhouette perçue par le requin blanc et réduire le risque de morsure.