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Requins : doivent-ils vraiment nager sans arrêt pour rester à flot ?

Publié par Killian Ravon le 08 Déc 2025 à 20:30

La scène est connue : un requin lancé à pleine vitesse, condamné à nager en permanence sous peine de sombrer au fond de l’océan. Cette image, largement relayée par les films et les documentaires, semble presque évidente.

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Requin gris vu de profil nageant calmement en pleine eau bleue, illustrant la question de sa flottabilité naturelle.
Un requin en pleine eau pour illustrer le débat sur la nécessité de nager en permanence pour rester à flot.

Pourtant, la réalité scientifique est beaucoup plus subtile. Entre anatomie particulière, diversité des espèces et stratégies de respiration, la vie des requins ne se résume pas à une course sans fin.

La vidéo du jour à ne pas manquer
Groupe de requins nageant près de la surface vue depuis les profondeurs, silhouettes éclairées par la lumière du soleil à travers l’eau.
Un banc de requins patrouille sous la surface, image qui rappelle les vidéos tournées près de Nouméa.
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Une croyance qui vient de la flottabilité

Pour comprendre d’où vient cette idée, il faut d’abord s’arrêter sur la notion de flottabilité, c’est-à-dire la capacité d’un animal à se maintenir dans l’eau sans couler ni remonter. Chez de nombreux poissons que l’on connaît bien au quotidien, comme les sardines ou les saumons, tout se joue dans un organe interne très spécifique : la vessie natatoire.

Cette structure remplie de gaz fonctionne comme un ballon interne qui permet au poisson d’ajuster sa position dans la colonne d’eau. En augmentant ou diminuant le volume de gaz, il se stabilise sans fournir trop d’effort.

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Mais ce mécanisme n’existe pas chez les poissons cartilagineux, le groupe auquel appartiennent les requins. Eux n’ont pas de vessie natatoire, et c’est précisément cette différence qui alimente la fameuse idée selon laquelle ils seraient condamnés à nager pour ne pas couler.

Sans cet « airbag » interne, les requins doivent utiliser d’autres solutions. Leur squelette en cartilage, plus léger que l’os, les aide déjà un peu. Mais, même avec cette particularité, beaucoup d’espèces restent légèrement plus denses que l’eau de mer. Spontanément, elles auraient donc tendance à descendre si rien ne compensait ce poids. C’est là qu’entre en jeu l’un de leurs organes les plus surprenants, souvent méconnu du grand public.

Grand requin blanc photographié près de la surface, gueule entrouverte et profil net, en Afrique du Sud.
Le grand blanc, apex redouté… mais pas imbattable.
Crédit : Bernard Dupont – CC BY-SA 2.0
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Un foie huileux aux propriétés étonnantes

Chez les requins, le foie occupe une place énorme dans la cavité abdominale. Ce foie huileux peut représenter jusqu’à un quart de leur masse totale, notamment chez les grands prédateurs comme le requin blanc. Cette taille n’a rien d’anodin : il est bourré d’huiles légères, dont le fameux squalène, une substance moins dense que l’eau.

Concrètement, ce foie agit comme un flotteur interne. En stockant de grandes quantités de lipides, il allège la densité globale du corps du requin et limite sa tendance à couler. Certains biologistes comparent même ce système à une sorte de « ballast biologique », modulé au fil de l’évolution pour permettre aux squales d’économiser de l’énergie lorsqu’ils se déplacent en pleine eau.

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Mais, même avec ce flotteur naturel, la plupart des requins n’atteignent pas une flottabilité parfaitement neutre. Ils restent souvent légèrement plus lourds que l’eau et, sans autre mécanisme, finiraient peu à peu par descendre. Ce détail que peu de gens connaissent, c’est que les requins complètent ce système passif par un second pilier : la façon dont ils utilisent leurs nageoires lorsqu’ils avancent.

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Quand les requins pélagiques misent sur le mouvement

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Si l’on associe autant les requins au mouvement, c’est aussi parce que de nombreuses espèces vivent en pleine eau, loin des fonds, et nagent quasiment sans interruption. Ces requins pélagiques, comme le requin bleu ou le requin-mako, évoluent dans le grand bleu, là où il n’y a pas de substrat sur lequel se poser calmement.

Leurs nageoires pectorales jouent un rôle clé. Elles se comportent comme des ailes d’avion sous-marines, générant une portance quand l’animal se déplace vers l’avant. Tant que le requin avance, cette portance compense sa légère tendance à couler et lui permet de rester à une profondeur relativement stable. Dès que la nage ralentit, cette portance disparaît et l’animal commence à descendre lentement.

Dans le même temps, beaucoup de ces espèces dépendent d’un mode de respiration très particulier appelé ventilation ramale. L’eau pénètre par la bouche lorsque l’animal avance, passe sur les branchies et en ressort par les fentes branchiales. Tant qu’il nage, le flux d’eau est continu et l’oxygène peut être extrait efficacement. Mais si le requin s’immobilise, l’eau ne circule plus assez et la respiration devient insuffisante.

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C’est ce double lien entre portance et respiration des requins qui a fait naître l’idée du mouvement obligatoire. Pour certains pélagiques, s’arrêter de nager revient surtout à ne plus pouvoir respirer correctement. Ils risquent alors l’asphyxie bien avant de « couler comme une pierre ». Pourtant, même dans ce groupe d’athlètes des mers, la réalité cache quelques nuances étonnantes.

Requin récif à pointes noires Carcharhinus melanopterus, vue latérale nette, espèce représentative des requins requiem.
Un requin requiem emblématique, souvent confondu avec des espèces plus menacées.
Crédit : Luc Viatour, CC BY-SA 3.0

Ces requins benthiques qui restent posés au fond

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Face à ces grands migrateurs infatigables, il existe un autre groupe de squales au mode de vie radicalement différent. Les requins benthiques, comme le requin nourrice ou les espèces regroupées sous le nom de requin-tapis, passent une bonne partie de leur temps allongés sur le fond marin.

Ces animaux n’ont aucune difficulté à rester immobiles. Ils ne cherchent pas à flotter au milieu de la colonne d’eau : ils acceptent tout simplement d’être posés sur le substrat. Dans leur cas, la question de la flottabilité n’a plus la même importance. Qu’ils soient légèrement plus denses que l’eau n’est pas un problème, puisqu’ils ne cherchent pas à se maintenir en suspension.

Surtout, ces requins ont développé une stratégie de respiration différente. Grâce à la ventilation buccale, ils sont capables de pomper activement l’eau à travers leurs branchies sans avoir besoin d’avancer. Des mouvements réguliers de la bouche et du pharynx assurent le flux d’eau nécessaire à l’oxygénation. Ils peuvent ainsi rester de longues périodes immobiles, tout en respirant normalement.

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Ce mode de vie contredit frontalement l’idée que tous les requins doivent nager en permanence. Pour ces espèces de fond, il est parfaitement possible de rester immobile, parfois dissimulé dans le sable ou entre les rochers, en attendant qu’une proie passe à portée. Là encore, tout dépend du type de requin dont on parle et du milieu dans lequel il a évolué.

Requin nageant dans un grand bassin bleu aux côtés d’un plongeur et de poissons tropicaux sous la lumière diffuse de l’aquarium.
Un requin observé derrière la vitre d’un aquarium géant, ambiance très proche de celle du lagon.

Une respiration plus variée qu’on ne le croit

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Même chez les espèces actives, la frontière entre obligation de nager et capacité à se reposer n’est pas aussi nette qu’on l’imagine. Certains grands prédateurs comme le requin-tigre peuvent, dans des conditions contrôlées, survivre un certain temps sans nager, à condition que l’eau soit suffisamment oxygénée et mise en mouvement autour d’eux.

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Des observations ont également montré que des espèces emblématiques comme le requin blanc ne sont pas condamnées à un effort permanent uniforme. Dans certains contextes, elles peuvent se laisser porter par les courants, planer légèrement grâce à leur corps profilé et à leur foie riche en lipides, et réduire ainsi leur dépense énergétique. Ce comportement n’a rien à voir avec une nage frénétique : il ressemble davantage à un vol plané sous-marin.

D’autres espèces, notamment celles vivant à grande profondeur, affichent une densité corporelle encore plus faible grâce à un foie hypertrophié très riche en squalène. C’est le cas du discret requin-lutin, par exemple, qui évolue dans des zones où la lumière ne pénètre quasiment plus. Pour ces squales des abysses, la flottabilité est ajustée de façon à limiter au maximum les efforts. Ils n’ont pas besoin d’un mouvement perpétuel pour se maintenir dans leur environnement.

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Ces différents cas montrent que la grande famille des requins n’obéit pas à une seule règle. Certains ont effectivement besoin d’un déplacement constant pour assurer un flux d’eau continu sur leurs branchies, d’autres peuvent compter sur une mécanique de pompage active, et d’autres encore exploitent davantage la flottabilité naturelle de leur foie.

Une diversité d’espèces qui casse les idées reçues

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Autre point souvent oublié : il existe plus de 500 espèces de requins, avec des tailles, des formes et des modes de vie extrêmement variés. Entre un petit requin benthique caché dans les herbiers et un grand pélagique taillant l’océan sur des kilomètres, les contraintes ne sont évidemment pas les mêmes.

Certains combinent plusieurs stratégies. Ils peuvent alterner entre phases d’activité soutenue, nécessaires pour chasser ou migrer, et moments plus calmes où ils se reposent partiellement en profitant des courants. D’autres sont mieux adaptés à la vie près du fond, là où la question de flotter au milieu de l’eau ne se pose tout simplement pas.

Cette diversité explique pourquoi de nombreuses affirmations générales sur les requins sont, au mieux, des simplifications. La croyance populaire d’un animal condamné à nager jusqu’à l’épuisement total vient surtout de quelques espèces stars très médiatisées, comme le requin blanc ou le requin-mako, que l’on filme le plus souvent en pleine activité. Mais saviez-vous que cette image ne représente qu’une fraction de la réalité ?

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En prenant en compte l’ensemble des comportements observés chez les squales, on comprend que la question « Doivent-ils nager en permanence ? » n’a pas une seule réponse valable pour tous. Il faut toujours se demander de quelle espèce précise on parle, dans quel milieu elle vit et comment elle respire.

Requin blanc approchant la surface, lumière rasante.
Great white shark, Carcharodon carcharias. Crédit : wikimédia Commons (CC BY-SA)

Les requins doivent-ils nager sans arrêt : info ou intox ?

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Arrivons enfin au cœur de la question : cette idée selon laquelle tous les requins doivent nager tout le temps pour ne pas couler est-elle vraie ou complètement fausse ?

Le verdict est nuancé. Pour certaines espèces, notamment de grands requins pélagiques, le mouvement continu joue un rôle crucial. Leur portance hydrodynamique et leur ventilation ramale font que la nage soutenue est bel et bien liée à leur survie. S’ils s’arrêtent trop longtemps, ils respirent mal et finissent par descendre peu à peu. Mais même dans ce cas, ils ne chutent pas soudainement comme une pierre : leur foie huileux ralentit la descente, et de petits ajustements de nageoires suffisent parfois à corriger leur position.

Pour d’autres espèces, en particulier les requins benthiques capables de ventilation buccale, cette croyance est clairement une intox. Ils peuvent rester immobiles au fond de l’eau, respirer sans se déplacer et attendre patiemment que l’occasion de se nourrir se présente. Ils ne dépendent ni d’un mouvement perpétuel, ni d’une portance continue pour survivre.

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Dire que « les requins doivent nager en permanence pour ne pas couler » revient donc à généraliser abusivement le cas de quelques espèces emblématiques à tout un groupe animal extrêmement varié. La prochaine fois que vous entendrez cette affirmation, la vraie question à poser sera : de quel requin parle-t-on exactement ? Car dans le monde des squales, tout est affaire d’espèce, de milieu et de stratégie de respiration.

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