Votre compte bancaire vérifié tous les mois par la DGFIP s’il dépasse 5.000 euros ?
Depuis quelques jours, une vidéo TikTok fait monter la pression autour des comptes bancaires. Selon son autrice, tout compte courant avec plus de 5.000 euros serait contrôlé chaque mois par la DGFIP et la Banque de France, dès le 1er octobre. Le message coche toutes les cases de la rumeur virale : une date précise, un seuil qui parle à tout le monde. Des menaces d’amende et la mention de grands médias pour asseoir l’autorité du propos.
Difficile de ne pas s’inquiéter quand on lit, par ailleurs. Que les Français détiennent en moyenne 7.701 euros sur leurs comptes courants. Si une telle règle existait, elle concernerait mécaniquement une part énorme de la population. C’est précisément ce ressort qui rend cette info si partageable et si anxiogène.
Ce que prétend la vidéo devenue virale
Postée le 5 septembre, la séquence accumule en quelques jours près d’un demi-million de vues. Des milliers de « j’aime » et des centaines de commentaires. On y entend que « tout compte bancaire avec plus de 5.000 euros » sera désormais « vérifié chaque mois » par les impôts. Et par la Banque de France.
L’internaute assure que la mesure serait officiellement relayée par BFMTV et Le Parisien, sans renvoyer vers un article identifiable. Elle évoque un arsenal punitif : amende pouvant grimper jusqu’à 7.500 euros, redressement et suspension temporaire de certaines aides. Si un virement « incohérent » n’est pas justifié. Dans les commentaires, le fil se déchire entre ceux qui y croient et ceux qui flairent l’intox.
Ce que disent l’administration et les textes
Contactés, Bercy et la Direction générale des finances publiques ont confirmé l’essentiel. Il n’existe aucune annonce officielle allant en ce sens. Sur Légifrance, aucun texte législatif ni décret ne prévoit un contrôle mensuel automatique des comptes courants au-delà d’un seuil.
La DGFIP rappelle en outre que l’administration fiscale ne surveille pas les comptes bancaires des usagers. Elle utilise le Fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA). Mais ce registre ne contient ni les soldes ni les mouvements. Les données listent l’identité des titulaires, l’établissement qui gère le compte, le type de compte et les dates d’ouverture, de modification ou de clôture. Rien qui permette un suivi mensuel des montants détenus.
Pourquoi cette intox marche si bien
La rumeur naît sur un terrain fertile. Depuis des mois, la lutte contre la fraude fiscale occupe l’espace médiatique. Dans ce contexte, une mesure choc paraît « plausible », surtout si elle promet de débusquer des « ressources cachées » chez les bénéficiaires d’aides. Le chiffre 5.000 euros frappe l’imaginaire : assez élevé pour paraître sérieux, assez bas pour concerner beaucoup de monde.
La mécanique est connue. On annonce une date, on cite des médias crédibles, on fixe une sanction « jusqu’à 7.500 euros », puis on mélange impôts, Banque de France et aides sociales. L’ensemble a l’air solide, mais rien ne tient quand on vérifie. Les fautes qui parsèment les sous-titres, et les autres publications douteuses du compte à l’origine de la vidéo, complètent le tableau.
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Ce que sont vraiment la DGFIP et FICOBA
La DGFIP est l’administration qui gère l’impôt et les finances publiques. Dans le cadre de ses missions légales, elle peut identifier l’existence des comptes via FICOBA. Ce fichier n’est pas une fenêtre en temps réel sur vos opérations. Il ne livre ni solde ni mouvements, mais une cartographie administrative des comptes ouverts en France : qui, où, quel type, quand.
Quant à la Banque de France, son rôle est distinct. Elle supervise le système financier, gère des fichiers comme le Fichier central des chèques ou les incidents de paiement, et pilote des missions de stabilité. Rien, dans ces missions, n’équivaut à un contrôle mensuel des soldes des particuliers à partir d’un seuil arbitraire.
Comment vérifier une info de ce type
Premier réflexe : remonter aux sources officielles. Une mesure touchant des millions de comptes laisserait forcément une trace sur Légifrance, sur economie.gouv.fr ou dans un communiqué clair de l’administration. Deuxième réflexe : chercher l’article précis quand une vidéo évoque des médias. Un « vu sur BFMTV / Le Parisien » sans lien ni titre exact doit alerter.
Troisième réflexe : examiner le contenant. Un montage approximatif, des fautes répétées, des promesses de « tout savoir en 30 secondes » et des menaces d’amende chiffrées au centime sont des signaux faibles. Enfin, regarder l’historique du compte émetteur : s’il relaye d’autres fake news (« conduire sans permis devient légal », « amende pour avoir prêté sa voiture »), on a rarement une exception.
Le parallèle avec l’« opération Doppelganger »
Au-delà du cas d’espèce, la rhétorique rappelle les campagnes dites d’opération Doppelganger : des contenus qui usurpent les codes de la presse ou de l’institutionnel, et s’infiltrent dans les fils pour parasiter la confiance. Le procédé ne consiste pas forcément à cloner un site ; il peut aussi imiter le ton et la mise en scène d’un reportage, au service d’un récit anxiogène.
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Dans un contexte politique tendu, ce type d’intox prospère. Il suffit de « faire vrai » le temps d’un partage. Une rumeur autour de la Banque de France, de la DGFIP et des aides sociales touche à l’intime des foyers : l’argent, la peur d’une sanction, l’idée d’être surveillé. Le cocktail est puissant, la vérification prend du temps, et l’émotion circule plus vite que le démenti.
Ce que disent les chiffres… et ce qu’ils ne disent pas
Le chiffre de 7.701 euros détenus en moyenne sur les comptes courants a été largement repris. Il donne de l’épaisseur à la rumeur, parce qu’il laisse croire qu’une majorité de Français serait concernée. Mais ce même chiffre révèle l’impensé : une surveillance mensuelle de millions de comptes serait techniquement lourde, juridiquement fragile et politiquement explosive.
Surtout, ce chiffre ne dit rien d’un mécanisme légal qui n’existe pas. Il mesure un état des dépôts, pas une conduite des contrôles. Utiliser une moyenne bancaire pour lui coller un dispositif de sanction fantôme, c’est exactement le piège argumentatif de la désinformation.
Pourquoi il n’y a pas de « police du solde » à 5.000 euros
Un contrôle automatique, mensuel, fondé sur un seuil unique, supposerait un texte clair, une base juridique solide et un outillage proportionné. Or rien de tout cela n’apparaît : pas de loi, pas de décret, pas de circulaire qui en fixe le périmètre, le champ, les recours et la base de données utilisée. Sans cadre, pas de contrôle systématique.
Par ailleurs, FICOBA n’enregistre pas les soldes ni les mouvements, ce qui rend impossible toute surveillance à partir d’un montant. L’administration elle-même dément l’idée d’un monitoring des comptes. Quant aux médias cités dans la vidéo, aucun article ne vient étayer la rumeur. La chaîne des preuves s’arrête là.
Le bon réflexe pour l’avenir
La meilleure défense reste la méthode. Devant une annonce spectaculaire, notez la date, le seuil, la sanction et les sources revendiquées. Puis vérifiez Légifrance et les sites officiels. Si rien n’apparaît, c’est presque toujours qu’il n’y a pas de mesure. Enfin, gardez à l’esprit que les vidéos jouent sur l’urgence et l’affect ; la loi, elle, laisse des traces.
Ce réflexe protège des emballements, surtout quand les sujets touchent au portefeuille et aux aides sociales. Il évite aussi de nourrir, malgré soi, des campagnes qui exploitent le climat d’instabilité pour affaiblir la confiance.
Ce qu’il faut retenir, tout simplement
La rumeur affirme qu’à partir du 1er octobre, tout compte courant de plus de 5.000 euros serait vérifié chaque mois par la DGFIP et la Banque de France. Les textes n’existent pas, l’administration dément, FICOBA ne contient ni soldes ni mouvements, et les médias cités n’ont rien publié qui confirme cette idée. La vidéo est fausse : il n’existe pas de contrôle mensuel automatique des comptes dépassant 5.000 euros.