Des Français recouvrent leur Linky de papier alu : l’astuce virale qui intrigue et ce qu’on oublie souvent
Autour du compteur Linky, une nouvelle « solution » circule partout sur les réseaux. En quelques secondes de vidéo, l’idée paraît simple, presque rassurante.
Sauf qu’entre l’impression à l’écran et la réalité d’un appareil électrique installé chez vous, il y a un détail que beaucoup passent sous silence.
Une astuce qui explose sur les réseaux et s’installe dans les foyers
Sur TikTok et Instagram, des vidéos montrent des compteurs recouverts de papier aluminium. Le geste est présenté comme un réflexe de protection, à la fois rapide et accessible. Et comme souvent avec les tendances virales, la mise en scène fait le reste : un avant, un après, et la promesse d’un « bouclier » contre quelque chose d’invisible.
Ce qui frappe, c’est la vitesse à laquelle ce type de conseil se répand. Quelques séquences bien montées, des commentaires anxieux, puis l’envie d’essayer « juste pour voir ». Mais saviez-vous que, lorsqu’il est question d’électricité domestique, une manipulation « pour tester » peut déjà être une mauvaise piste ?
Crédit : Wikimedia Commons / CC0
Pourquoi Linky continue de cristalliser des peurs très tenaces
Déployé depuis 2015, Linky s’est imposé dans le paysage du quotidien. Le compteur a apporté une relève automatisée et évite des déplacements de techniciens pour certaines opérations. Pourtant, il reste l’un des appareils les plus associés à des inquiétudes… parfois très éloignées de son fonctionnement réel.
Certaines rumeurs reviennent en boucle. On parle de caméra cachée, alors qu’il s’agit d’une simple LED de contrôle. On évoque une transmission continue de données personnelles, alors que le compteur ne communique qu’une fois par jour, durant la nuit. Cette accumulation d’idées reçues finit par créer un climat où la moindre vidéo « explicative » peut sembler crédible.
Dans ce contexte, la peur des ondes électromagnétiques devient le cœur du débat. Des utilisateurs rapportent des symptômes comme des maux de tête ou des vertiges, qu’ils attribuent à la présence du compteur. Et c’est précisément là que la mécanique des réseaux s’enclenche : plus l’inquiétude est forte, plus une « astuce » simple a de chances d’être partagée.
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Les ondes : ce que montrent les mesures, loin des scénarios alarmistes
Sur le terrain scientifique, le tableau décrit est beaucoup moins spectaculaire que ce qu’on voit passer en vidéo. Une étude menée en 2017 par l’ANFR indique que les émissions du Linky restent largement en dessous des seuils réglementaires. Concrètement, elles seraient entre 25 et 37 fois inférieures aux valeurs limites autorisées.
Autre point qui revient rarement dans les clips viraux : la comparaison avec la vie de tous les jours. Les émissions du compteur sont présentées comme plus faibles que celles de nombreux appareils domestiques courants, comme une box Wi-Fi ou certains équipements électroménagers. Dit autrement, ceux qui veulent « se protéger » d’un côté oublient souvent qu’ils vivent déjà entourés de sources d’émissions bien plus banales… et acceptées.
Et surtout, la communication du compteur est limitée dans le temps. Le Linky transmet ses données une seule fois par jour, sur une courte période comprise entre minuit et 6 heures. Ce détail change la perception : même en imaginant une gêne, on n’est pas dans l’idée d’une émission permanente, continue, toute la journée.
Quand la peur des ondes devient un marché… et nourrit les fausses solutions
Avant le Linky, d’autres objets ont déjà concentré les mêmes peurs. Smartphones d’abord, puis écouteurs sans fil ensuite : la crainte des ondes suit souvent l’innovation. À mesure que l’anxiété monte, des réponses commerciales apparaissent, prêtes à « rassurer » là où les explications techniques peinent à convaincre.
C’est dans ce contexte qu’ont émergé des produits comme les patchs anti-ondes. Certaines entreprises, dont Fazeup, ont surfé sur cette demande. Puis, quelques mois plus tard, des études scientifiques ont montré non seulement que ces patchs ne servaient à rien, mais qu’ils pouvaient même augmenter l’émission d’ondes.
Ce schéma est presque toujours le même. Une inquiétude se diffuse, une promesse simple se vend, et le public se retrouve avec une solution qui rassure… sans régler quoi que ce soit. Et parfois, ce détail que peu de gens connaissent, c’est que la « solution » peut créer un autre problème, bien plus concret.
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Ce que l’on ne voit pas dans les vidéos : un compteur, ce n’est pas un objet à “emballer”
Un compteur électrique n’est pas un gadget posé sur une étagère. C’est un équipement lié à une installation, avec des contraintes de sécurité et de fonctionnement. Les vidéos virales, elles, montrent souvent une action isolée, sans le contexte : ventilation, chaleur, environnement électrique, proximité de fils, manipulations au tableau.
C’est d’ailleurs ce qui rend ces « astuces » si trompeuses. On pense agir sur quelque chose d’invisible, comme un champ ou une émission, alors qu’on intervient physiquement sur un appareil électrique. Et à ce moment-là, le risque n’a plus rien de théorique.
Il y a aussi un effet psychologique puissant : si le geste est facile, on suppose qu’il est sans conséquence. Or, en matière de sécurité domestique, le danger ne ressemble pas toujours à un « gros choc » immédiat. Il peut venir d’un enchaînement plus banal, plus silencieux, et donc plus sous-estimé.
Si l’idée vous rassure, voici le réflexe le plus sûr avant de “tester” quoi que ce soit
Quand une peur s’installe, on a vite envie de faire un geste immédiat, surtout si une vidéo promet une protection simple contre les ondes électromagnétiques. Pourtant, avec un appareil électrique comme Linky, le meilleur réflexe reste de ne rien ajouter, ne rien recouvrir, ne rien “bricoler”, même quelques minutes. Ce détail paraît évident… mais c’est précisément ce que les contenus viraux omettent le plus souvent.
Si vous avez un doute, le plus utile est de chercher des informations fiables et de garder en tête ce que rappellent les mesures : les émissions sont faibles et, surtout, limitées dans le temps, puisque le compteur ne communique qu’une fois par jour, la nuit. De quoi relativiser sans s’exposer à un risque inutile, juste pour reproduire une “astuce” vue sur un écran.
Que retenir ?
Recouvrir un Linky de papier aluminium n’apporte pas la protection espérée, mais peut au contraire créer des problèmes très concrets. En empêchant la ventilation naturelle du compteur, on augmente le risque de surchauffe, ce qui peut entraîner des coupures de courant et, dans les cas les plus graves, un risque d’incendie.
Et comme l’aluminium est conducteur, le simple fait de manipuler l’ensemble dans un environnement électrique peut exposer à un danger d’électrocution.