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Coincés sur l’autoroute, ils suivent Waze… et se retrouvent dans les vignes

Publié par Killian Ravon le 21 Août 2025 à 10:28

Les automobilistes qui roulaient vers le nord le samedi 9 août s’en souviendront longtemps. Sous un soleil de plomb. La file ininterrompue de véhicules bloqués entre Lodève et le tunnel du Pas-de-l’Escalette a transformé la portion héraultaise de l’A75 en immense aire de stationnement improvisée.

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Voitures de vacanciers s’engageant sur un chemin de vigne très étroit sous un viaduc, près de Soubès.

Pour échapper à la chaleur et à l’attente, des dizaines de conducteurs ont obéi sans réfléchir aux injonctions de leur fidèle GPS. Quitte à quitter l’asphalte pour un décor de carte postale… Et à se piéger eux-mêmes.

La vidéo du jour à ne pas manquer

Un samedi noir sur l’A75

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Depuis l’aube, les panneaux lumineux annonçaient un trafic saturé. Les départs en vacances, la promesse des plages. Et le chassé-croisé estival ont convergé pour engorger les 25 kilomètres séparant Lodève de l’aire du Caylar. À la mi-journée, la vitesse moyenne chutait sous les 10 km/h. Déclenchant cette angoisse si familière : et si un itinéraire bis permettait de s’en sortir ?

Le réflexe du guidage numérique

En quelques secondes, les applications de navigation ont détecté la densité du flux et proposé un détour. Sur l’écran, la courbe mauve serpentait jusque-dans les collines du Larzac, promettant un gain de temps miraculeux. À bord des monospaces familiaux, personne ne s’est vraiment demandé pourquoi les 16 minutes théoriques d’avance passaient par une simple ligne grise. Sans autre indication que « chemin de la Lergue ». La confiance aveugle dans l’algorithme a fait le reste : clignotant à droite, sortie numéro 52, direction Soubès.

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Embouteillage en soirée sur l’autoroute A41 à Entrelacs (Savoie).
Embouteillage au crépuscule sur l’A41 (Savoie) — Crédit : Florian Pépellin / CC BY-SA 4.0

Le chemin de la Lergue, faux bon plan

La route démarre pourtant bien. Asphaltée, bordée de platanes, elle dessert une zone d’activité, deux maisons isolées, puis s’effile sous le viaduc de la Brèze. Mais, très vite, le macadam disparaît. Il ne reste qu’un ruban cabossé, par endroits à peine plus large qu’un SUV. Qui longe la rivière avant d’attaquer les coteaux plantés de vignes. Sur près de quatre kilomètres, pas la moindre aire de croisement. Chaque virage dissimule des sarments qui griffent la carrosserie. Pour un break surbaissé, la pente et les ornières deviennent un véritable parcours d’obstacles.

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Des risques bien réels pour les automobilistes et les secours

La scène tourne rapidement au sketch. À mi-parcours, un monospace freine en voyant face à lui un camping-car belge. Aucun replat, aucun fossé assez large pour s’écarter : la seule option est la marche arrière. Derrière, cinq voitures freinent à leur tour. Devant, quatre autres restent bloquées. Les moteurs chauffent, les passagers s’impatientent, les klaxons résonnent entre les talus. S’il fallait acheminer une ambulance ou un fourgon de pompiers, le délai serait fatal. Et si un pneu crève, impossible de déployer le cric. Dans cette nasse, la promesse de quelques minutes gagnées vire à la panique.

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Circulation dense sur l’autoroute A6 près de Paris.
Bouchons sur l’A6 (région parisienne).
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Un impact inattendu sur les petites communes

Pour les riverains, la mésaventure des vacanciers a un coût. Chaque passage répété d’un véhicule trop lourd défonce un peu plus le maigre revêtement. Sur ce chemin communal, les travaux d’entretien ne relèvent ni du département ni de la région : la facture retombe sur Soubès, à quelques encablures de ses 800 habitants. Déjà, le ripage des pneus a mis à nu la terre rouge par endroits, creusant des rigoles qui se transformeront en torrents boueux lors du prochain orage. À cela s’ajoute le stress pour les vignerons, qui redoutent qu’un dérapage incontrôlé n’emporte un rang de ceps à la veille des vendanges.

La tentation du détournement numérique

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Comment expliquer un tel emballement ? Les spécialistes du trafic avancent trois raisons. D’abord, la popularité grandissante des calculateurs d’itinéraires : plus de 70 % des Français utilisent désormais une application sur smartphone pour se guider, même sur des trajets qu’ils connaissent. Ensuite, l’algorithme privilégie le temps de parcours estimé, sans toujours distinguer une départementale d’un chemin vicinal. Enfin, lorsque plusieurs dizaines d’utilisateurs empruntent le même raccourci, la donnée de vitesse moyenne se met à jour en temps réel, validant à tort la pertinence du détour. Le cercle est ainsi bouclé : plus il y a de véhicules, plus le logiciel recommande la piste.

Embouteillages sur l’autoroute A1, Fort-de-France.
Embouteillages en France (A1 – Fort-de-France) — Crédit : Florian Fèvre / Mobilys.

L’effet boule de neige sur les réseaux sociaux

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Dans l’heure qui a suivi, photos et vidéos des voitures coincées parmi les vignes ont envahi X (ex-Twitter) et Instagram. Hashtags « #galereduvendredi » et « #A75 » en tête, les posts accumulaient des milliers de vues. Certains internautes y voyaient la preuve que la voiture individuelle est à bout de souffle, d’autres se gaussaient des « disciples du GPS » prêts à suivre leur écran jusque-dans un lac. Cette visibilité soudaine a eu un revers : d’autres conducteurs, alertés par leurs proches, ont cru bon d’imiter l’itinéraire, saturant encore un peu plus le chemin de la Lergue.

Une répétition générale avant la grande transhumance d’août ?

Les autorités redoutent déjà le chassé-croisé du 15 août. La circulation sur l’autoroute A75 devrait battre un nouveau record, avec un pic attendu à plus de 52 000 véhicules. Si chaque application persiste à proposer des pistes champêtres, l’ensemble du réseau secondaire pourrait se transformer en labyrinthe impraticable. Les centres de secours de Lodève et de Millau planchent sur des scénarios d’intervention, tandis que la gendarmerie envisage un dispositif de filtrage aux sorties 50, 51 et 52 pour décourager les aventuriers numériques.

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Route étroite serpentant au milieu des vignes en Bourgogne.
Chemin de vigne en Bourgogne (route étroite) — Crédit : tama66 / Pixabay.

Les solutions envisagées par les professionnels de la route

Du côté des spécialistes, plusieurs pistes sont à l’étude. Certains prônent l’intégration, dans les algorithmes, d’une pénalité automatique pour les voies classées « non carrossables » ou dépourvues de ligne blanche centrale. D’autres suggèrent une coopération renforcée entre collectivités et fournisseurs de cartographie afin de bloquer, en temps réel, les itinéraires menant à des chemins privés ou agricoles. Enfin, l’idée germe d’un label officiel « Route de délestage » qui indiquerait aux applis les seules voies aptes à absorber un trafic de substitution sans danger.

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Un appel à la responsabilité individuelle

En attendant, la Préfecture rappelle que le meilleur pare-souci reste le bon sens : consulter une carte papier, observer la signalétique, se souvenir qu’une voie jonchée de gravier n’est jamais taillée pour accueillir un flot continu de berlines. Les associations d’automobilistes, elles, martèlent qu’il vaut mieux patienter quinze minutes de plus sur l’A75 climatisée que d’user freins et embrayage sur un sentier de vigneron, au risque de repartir avec une franchise de pare-choc en souvenir de vacances.

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Aux premières loges, les vignerons s’inquiètent

Sur le coteau, Pierre*, viticulteur depuis trois générations, observe le ballet des plaques d’immatriculation. « On est contents quand les touristes découvrent notre vin, pas quand ils raclent nos murs en crépis avant d’acheter une bouteille », soupire-t-il. Le bruit, la poussière et le stress animal pèsent aussi sur la faune locale : les perdrix déjà effrayées par la canicule fuient les moteurs, compromettant l’équilibre fragile d’un écosystème méditerranéen.

Le dilemme touristique des communes rurales

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Soubès et Pégairolles-de-l’Escalette vivent du charme discret de leurs ruelles, de leurs marchés et des panoramas sur le causse. Chaque visiteur supplémentaire est un potentiel consommateur pour les terrasses de café. Mais lorsque l’afflux se fait brutal, il dégrade l’expérience même qu’il venait chercher. Dans ce jeu d’équilibriste, la maire Isabelle Périgault sait qu’elle devra ménager automobilistes et riverains, tout en protégeant le patrimoine naturel.

Écran GPS dans l’habitacle d’une voiture de tourisme.
GPS au tableau de bord (illustrer l’itinéraire bis) — Crédit : USA-Reiseblogger.

Une première mesure symbolique : la signalisation renforcée

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Dès le lendemain du chaos, les services techniques ont posé des panneaux « Route étroite » et « Interdit aux véhicules de plus de 2 m ». Si ces avertissements ont calmé les ardeurs de certains conducteurs, ils restent insuffisants : un simple clic sur un écran peut balayer un panneau physique à 90 km/h. L’élue prépare donc un arrêté plus contraignant.

Quand la maire de Soubès dit stop

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Au fil des réunions, la possibilité d’un barrage physique s’est imposée. Les services juridiques ont validé l’installation d’une barrière pivotante juste avant le gué de l’Oulette, point névralgique où la chaussée se rétrécit à moins de trois mètres. Dans les prochains jours, une clôture métallique peinte en rouge et blanc condamnera l’accès aux non-riverains. Seuls les exploitants agricoles disposeront d’une clé.

Contrairement aux rumeurs qui circulent encore sur les réseaux, le « raccourci miracle » n’existe plus : le chemin de la Lergue est désormais officiellement fermé au trafic de transit, scellant la mésaventure estivale des conducteurs et rappelant que tous les raccourcis ne mènent pas plus vite à destination.

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