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Waymo : pourquoi ses voitures autonomes se mettent à conduire comme des taxis pressés ?

Publié par Killian Ravon le 09 Déc 2025 à 10:31

À San Francisco, les habitués des voitures autonomes de Waymo ont remarqué un changement déroutant : leurs trajets sont soudain plus nerveux, plus tranchés, parfois à la limite de l’inconfort.

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Voiture autonome Waymo blanche circule sur une rue en pente à San Francisco, proche d’autres voitures et d’immeubles.
À San Francisco, les robotaxis Waymo s’imposent désormais dans la circulation comme de vrais taxis pressés.

Derrière cette mise à jour assumée par l’entreprise, une question se pose : jusqu’où peut-on pousser la « confiance » d’un logiciel au volant sans inquiéter les passagers et les riverains ? Et surtout, comment les autorités vont-elles encadrer ces nouveaux comportements sur la route ?

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Voiture autonome Waymo blanche roulant sur une rue en pente bordée de maisons colorées à San Francisco, observée depuis l’arrière dans la circulation urbaine.
Une Jaguar bardée de capteurs, nouveau visage des taxis sans chauffeur à San Francisco.
Crédit : Dllu / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
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Des robotaxis soudain beaucoup moins timides

Pendant des années, les robotaxis de Waymo ont traîné une réputation presque caricaturale de conducteurs ultra prudents. À San Francisco, on les connaissait pour leurs arrêts interminables, leurs hésitations au moindre carrefour et cette façon de laisser systématiquement la priorité, quitte à bloquer la circulation. Certains clients se lassaient d’ailleurs de ces trajets trop lents, pas toujours adaptés au rythme d’une grande ville américaine.

Depuis quelques semaines, le décor a changé. Les véhicules de Waymo effectuent désormais des manœuvres qui surprennent même les usagers les plus familiers de ces services. Des demi-tours réalisés alors que le code de la route l’interdit, des changements de voie serrés à la sortie d’un tunnel, ou encore une impatience visible lorsque des piétons mettent un peu plus de temps à traverser : la conduite paraît plus tranchée, plus décidée, parfois à la limite de la conduite agressive.

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Dans les témoignages recueillis à San Francisco, certains passagers décrivent une sensation nouvelle à bord de ces véhicules sans conducteur. Là où les trajets semblaient auparavant presque trop lisses, la voiture se met désormais à « se battre » pour s’insérer dans le trafic, à s’approcher des autres véhicules, à saisir des opportunités de dépassement qu’elle aurait autrefois soigneusement évitées. L’impression générale est celle d’un robotaxi qui cherche moins à déranger, quitte à frôler la conduite d’un chauffeur de taxi pressé.

Ce changement trouble d’autant plus que ces voitures sont perçues, depuis leurs débuts, comme des machines incapables d’improviser ou de « s’énerver » au volant. Les utilisateurs, eux, se retrouvent face à un paradoxe : ils montent dans une voiture autonome précisément pour fuir les excès humains… et découvrent un algorithme qui se comporte parfois comme un conducteur impatient.

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Une nouvelle philosophie de conduite assumée par Waymo

Ce basculement n’a rien d’un bug isolé. Il résulte d’une mise à jour majeure du système de conduite autonome, dont les responsables chez Waymo parlent ouvertement. Chris Ludwick, l’un des directeurs produits, l’a confirmé : l’objectif est désormais de rendre les voitures plus « sûres d’elles » et plus affirmées dans la circulation, surtout dans une ville aussi encombrée que San Francisco.

D’après cette vision, la prudence excessive peut devenir, à terme, une forme de danger. Une voiture qui hésite trop longtemps à s’engager, qui se fige au milieu d’un flot dense ou qui refuse systématiquement de s’insérer peut perturber la circulation et provoquer des réactions imprévisibles de la part des autres conducteurs. Là où l’on imaginait la voiture autonome comme un élève modèle, la marque estime désormais qu’elle doit aussi savoir « s’imposer » pour ne pas devenir un obstacle.

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Pour Waymo, filiale du géant Alphabet, cette évolution est aussi une réponse à un problème plus pragmatique : l’expérience client. Les premiers utilisateurs reprochaient souvent à ces voitures autonomes de perdre du temps à chaque intersection, de se laisser dépasser en permanence ou de rater des créneaux pour tourner. Dans une ville où chaque minute compte, cette prudence extrême finissait par décourager une partie de la clientèle.

L’entreprise explique donc ces changements par une logique d’ajustement continu. Les robotaxis accumulent milliers de kilomètres de données, et les ingénieurs recalibrent régulièrement l’algorithme pour le rendre plus fluide. Officiellement, il ne s’agit pas de rendre les trajets plus risqués, mais d’aligner la conduite de la machine sur les attentes des passagers… et sur les usages réels d’une métropole surchargée.

SUV Waymo autonome circulant sur une grande avenue de San Francisco, entouré d’immeubles et de végétation en pleine journée ensoleillée.
En plein centre-ville, la voiture autonome Waymo s’insère comme n’importe quel autre véhicule.
Crédit : JirkaBulrush / Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
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Entre confort des passagers et inquiétude des riverains

Cette nouvelle manière de rouler ne déplaît pas à tout le monde, loin de là. Certains clients, jusque-là frustrés par la lenteur des trajets, redécouvrent les robotaxis de Waymo avec enthousiasme. Une utilisatrice habituée du service expliquait ainsi qu’elle trouvait désormais les voitures plus « vives », moins hésitantes, plus proches de ce qu’un conducteur humain ferait dans le même trafic.

Elle raconte par exemple ces dépassements plus francs, cette manière de se rapprocher des véhicules voisins pour se glisser dans une file, ou ces insertions décidées sur les grands axes. Installée à l’arrière, elle avoue parfois se sentir un peu secouée par des manœuvres très serrées, au point de se dire que la voiture « passe vraiment près ». Mais paradoxalement, cette nervosité contrôlée donne aussi l’impression d’avancer plus vite, de perdre moins de temps dans les bouchons.

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Pour d’autres usagers et riverains, la perception est beaucoup moins positive. Voir un véhicule bardé de capteurs, mais sans personne derrière le volant, effectuer un demi-tour interdit ou se montrer pressant face à un piéton étonne, voire inquiète. Dans l’espace public, ces véhicules sans conducteur occupent une place très particulière : ils sont observés en permanence, filmés, commentés sur les réseaux sociaux à la moindre manœuvre inhabituelle.

À chaque comportement jugé limite, la question revient : s’agit-il d’une simple optimisation du logiciel ou d’un franchissement de ligne rouge en matière de sécurité routière ? Et surtout, qui porte la responsabilité si cette nouvelle agressivité algorithmique finit par provoquer un accident grave ?

Vue intérieure d’une voiture moderne au coucher du soleil, avec deux passagers à l’avant et un écran central affichant les commandes de conduite.
À bord, les passagers s’habituent peu à peu à laisser la technologie gérer le trajet.
Crédit : Creative_Media_Imaging / Pixabay
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Quand la conduite agressive tourne au drame

Les dernières semaines ont malheureusement apporté des exemples très concrets de ce qui inquiète les habitants. Toujours à San Francisco, un robotaxi Waymo a percuté un chien errant, qui n’a pas survécu. Quelques semaines plus tôt, c’est la mort d’un chat renversé par l’un de ces véhicules qui avait déjà ému tout un quartier et alimenté les débats dans la presse nationale.

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Sur le plan purement statistique, ces drames restent rares au regard du nombre de trajets effectués. Mais dans l’opinion, chaque incident impliquant une voiture autonome a un poids symbolique énorme. Voir un animal sans défense se faire écraser par une machine censée « tout voir » et tout anticiper provoque une émotion très différente d’un accident classique entre deux conducteurs humains.

Ces événements ont renforcé la pression sur les autorités locales. En Californie, une nouvelle loi californienne entrera en vigueur en juillet 2026. Elle permettra aux policiers d’émettre directement des contraventions à des véhicules sans conducteur, comme les voitures autonomes de Waymo. Concrètement, la voiture pourra être sanctionnée comme n’importe quel automobiliste, même s’il n’y a personne derrière le volant.

Ce texte vise précisément à répondre aux polémiques liées à la montée en puissance de ces services. Il ne règle pas toutes les questions de responsabilité, mais envoie un signal clair : les robotaxis ne bénéficieront pas d’un vide juridique durable. Ils devront respecter les règles avec la même rigueur – voire plus – que les conducteurs humains.

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Voiture autonome Waymo blanche photographiée sur California Street à San Francisco, au milieu d’un trafic urbain typique avec immeubles et câbles aériens.
Sur California Street, la présence des robotaxis Waymo fait désormais partie du décor.
Crédit : Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)

Sécurité, chiffres et ambitions européennes

Face à ces critiques, Waymo défend une réalité différente, celle des statistiques globales. Pour la société, ces incidents restent des exceptions qui ne remettent pas en cause le bilan général. Ses représentants affirment que la conduite autonome permet de réduire fortement le nombre de collisions graves par rapport à la conduite humaine.

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La filiale d’Alphabet rappelle qu’elle a bâti sa réputation sur la prudence, quitte à agacer les usagers les plus pressés, et insiste sur le fait que la recentralisation de son approche ne vise pas à transformer ses robotaxis en bolides incontrôlables. Selon cette vision, la voiture autonome « affirmée » n’est pas une voiture imprudente, mais un véhicule qui sait prendre sa place dans le trafic sans multiplier les hésitations dangereuses.

Parallèlement, Waymo regarde déjà bien au-delà de la Californie. L’entreprise ambitionne de s’implanter en Europe, présentée comme en retard sur les robotaxis face aux États-Unis et à la Chine. En octobre dernier, elle a ainsi annoncé l’arrivée de ses véhicules à Londres pour 2026, profitant d’une nouvelle législation britannique pensée pour favoriser le développement des véhicules automatisés.

Voiture autonome Waymo stationnée sur un parking de San Francisco, vue de côté, avec océan et collines en arrière-plan par temps dégagé.
À l’arrêt comme en mouvement, les capteurs de la Waymo surveillent en permanence l’environnement.
Crédit : Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0)
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Et dans l’Union Européenne ?

Cette perspective ouvre un autre front de débat. Le Vieux Continent, plus prudent en matière de sécurité routière et de régulation technologique, devra décider s’il accepte sur ses routes des voitures programmées pour conduire de manière plus « sûre d’elles », au risque de choquer les usagers. Les images de robots-taxis effectuant des manœuvres serrées à San Francisco pourraient peser dans les discussions, tout comme les exemples d’accidents impliquant un chien écrasé ou un chat renversé.

Mais Waymo met en avant un chiffre précis pour convaincre régulateurs et futurs utilisateurs : selon la société, sa technologie permettrait de diminuer de 91 % le risque de gros accidents par rapport à la conduite humaine.

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Une statistique que la filiale d’Alphabet brandit comme son meilleur argument au moment où ses voitures autonomes plus offensives s’apprêtent à quitter les rues de San Francisco pour tenter de s’imposer, demain, sur celles de Londres et du reste de l’Europe.

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