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Le plus ancien détenu de France, va être libéré après quarante ans en prison

Publié par Elsa Fanjul le 17 Juil 2025 à 12:54

Après quatre décennies derrière les barreaux, la justice française a finalement ordonné la libération de Georges Ibrahim Abdallah, considéré comme l’un des plus anciens détenus de France. Retour sur l’histoire d’un homme devenu un symbole, pour certains, de la cause palestinienne et, pour d’autres, d’un passé trouble marqué par le terrorisme international.

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Une libération longtemps refusée

Ce jeudi 17 juillet, la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Paris a prononcé la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Une décision qui intervient après dix refus successifs de remise en liberté. L’homme, aujourd’hui âgé de 73 ans, avait pourtant atteint, dès 1999, la période légale pour demander sa libération conditionnelle. Mais depuis, chaque tentative avait échoué.

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Lors de sa dernière audience, le 19 juin dernier, son avocat, Me Jean-Louis Chalanset, avait déclaré à la presse : « J’ai dit aux juges : soit vous le libérez, soit vous le condamnez à mort. » Une phrase qui illustre la lassitude et l’incompréhension de la défense face à une incarcération devenue, selon elle, démesurée.

Qui est Georges Ibrahim Abdallah ?

Né au Liban, Georges Ibrahim Abdallah est soupçonné d’avoir été le responsable en Europe des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), un groupe marxiste libanais à tendance chrétienne, radicalement pro-palestinien. Il est arrêté en octobre 1984 à Lyon, alors qu’il réside en France sous une fausse identité, et est immédiatement placé en détention provisoire.

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Ce que la justice française lui reproche, ce sont notamment les assassinats de deux diplomates, survenus en 1982 à Paris : Charles Robert Ray, un attaché militaire américain, et Yacov Barsimantov, diplomate israélien de deuxième rang. En 1985, les enquêteurs découvrent dans un appartement qu’il louait des armes et des explosifs, dont l’arme ayant servi aux assassinats.

Un procès dans un climat de tension

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Dans un premier procès en 1986, Georges Ibrahim Abdallah est condamné à quatre ans de prison pour « association de malfaiteurs », « détention d’armes et d’explosifs », et « usage de faux documents ». Mais l’année suivante, en 1987, il est jugé une seconde fois, cette fois pour complicité d’assassinats, et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Cette condamnation survient dans un contexte particulièrement tendu en France. Le pays est alors frappé par une série d’attentats meurtriers, notamment en 1985 et 1986, ayant causé la mort de 13 personnes, dont 7 lors de l’attentat du magasin Tati de la rue de Rennes à Paris. Même si Georges Ibrahim Abdallah n’a jamais été lié à ces attaques, il est perçu à l’époque comme une figure de la mouvance terroriste proche du Moyen-Orient, ce qui alimente la suspicion.

Ironie de l’histoire, les véritables auteurs de ces attentats seront identifiés deux mois après sa condamnation à perpétuité. Il s’agissait de pro-Iraniens, sans lien avec Abdallah. Mais le mal était fait, et le nom de ce dernier reste associé, à tort, à cette vague de violence.

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Une incarcération jugée « disproportionnée »

Dès 1999, Georges Ibrahim Abdallah est éligible à une libération conditionnelle. Il entame alors une longue série de démarches, déposant dix demandes successives, toutes rejetées, jusqu’à celle qui vient d’aboutir. En 2013, une décision de justice lui accorde une libération sous condition : qu’il fasse l’objet d’un arrêté d’expulsion vers le Liban. Mais à l’époque, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, refuse de signer l’arrêté nécessaire à son retour au pays. Résultat : le détenu reste en prison.

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En 2022, Abdallah tente une nouvelle stratégie en saisissant le tribunal administratif. Il demande à ce que la justice ordonne son expulsion. Mais là encore, nouvel échec : le tribunal juge ne pas avoir compétence pour contraindre le ministère de l’Intérieur à agir.

C’est finalement en novembre 2024 que les choses changent. Le tribunal d’application des peines valide une nouvelle demande, estimant que la durée de l’emprisonnement est devenue « disproportionnée », au regard des faits reprochés et de la dangerosité actuelle du détenu. Le Liban se dit alors prêt à l’accueillir.

Mais le parquet national antiterroriste fait appel, arguant notamment de l’opposition des États-Unis, partie civile au procès de 1987, à toute libération. Cet appel sera finalement rejeté en juillet 2025, ouvrant la voie à la libération effective du détenu.

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Une figure encore soutenue

Malgré le temps qui passe, Georges Ibrahim Abdallah reste un symbole fort pour une partie de la gauche radicale, et pour plusieurs collectifs de soutien à la cause palestinienne. Depuis des années, des manifestations ont lieu régulièrement devant la prison de Lannemezan, dans les Pyrénées-Atlantiques, où il était incarcéré. Encore lundi dernier, quelques dizaines de personnes s’y sont rassemblées pour réclamer sa libération.

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Le détenu peut aussi compter sur des soutiens politiques, notamment à gauche. En février 2025, le député Éric Coquerel (LFI) publiait sur les réseaux sociaux des photos de lui dans la cellule de Georges Abdallah, qualifiant cette visite de « rencontre fraternelle entre militants politiques. »

Pour ses soutiens, l’homme est aujourd’hui un prisonnier politique, détenu bien au-delà du raisonnable, au seul motif de son engagement idéologique. Pour ses détracteurs, il reste un terroriste condamné pour complicité d’assassinats.

Et maintenant ?

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Après plus de 40 ans de détention, Georges Ibrahim Abdallah devrait enfin retrouver la liberté dans les jours qui viennent, sous condition d’une expulsion vers le Liban. Le pays a fait savoir qu’il était prêt à l’accueillir. À ce jour, aucune date précise n’a été annoncée pour ce transfert.

Sa libération ne manquera pas de susciter des réactions, en France comme à l’international. Car au-delà du destin personnel d’un homme, l’affaire Georges Abdallah cristallise toujours des tensions entre justice, mémoire des victimes, diplomatie, et engagements idéologiques.