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« C’est extrême, tout est décuplé, tout est démesuré dans le sport » : Paolo Singh, en équipe de France de pentathlon moderne, dévoile les dessous de la vie intense des sportifs de haut niveau !

Publié par Salomee le 26 Juil 2020 à 19:33

Les sportifs de haut niveau ont une existence à part, unique. Ils vivent de leur passion pour le sport. Paolo Singh est un jeune homme de 22 ans, qui a intégré l’équipe de France de Pentathlon moderne, un sport complexe et technique, à l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (Insep). Il nous raconte les coulisses de ce monde si intense, « extrême » dans lequel « tout est décuplé, tout est démesuré » .

Les sportifs poussent leur corps et leur mental au delà de leurs limites naturelles, forcent sur leurs muscles pour performer, gagner, remporter. Entre compétitivité, blessures, remises en question, leur vie est rythmée de doutes, de sacrifices pour la gloire, de sensations fortes et de création de liens humains indestructibles. Découvrez cette interview exclusive dans la vidéo ci-dessous :

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Le sport de haut-niveau, le choix d’une vie hors normes

Dans cette interview, une facette de la vie de ce jeune sportif ressort particulièrement : celle d’une existence parallèle. En effet, les sportifs de haut niveau vivent dans une bulle à part. Ils doivent entretenir leur corps tout en le poussant au bout de ses limites avec le risque et la peur permanente de la blessure. La peur d’abîmer le fruit de leur travail acharné. Pour cette raison, ils sont rapidement coupés du monde. Pour la plupart, le rythme effréné des entrainements les pousse à partir jeunes de la cellule familiale, à s’émanciper rapidement dans cet univers verrouillé. 

À côté, être sportif de haut niveau, c’est savoir prendre à coeur cette vie hors normes et mettre son existence au service de la performance, ce qui peut générer de l’incompréhension chez les proches, notamment les amis qui proposent des activités inconcevables pour un sportif. En effet, l’alcool, les soirées sont anecdotiques pour ces compétiteurs, ce qui les éloigne d’une jeunesse « normale » . Il faut en permanence anticiper la fatigue, reposer son corps. Ce n’est pas un travail comme les autres, c’est une vie entière mise au service d’un sport, d’une passion. Comme le rappelle Paolo Singh, « tu ne peux pas t’autoriser de sortir avec tes amis le soir » , car ton style de vie influence tes capacités physiques. Être sportif de haut-niveau, c’est accepter de mener une vie entière consacrée au sport.

Un avenir incertain

Pour replacer le contexte, il est important de rappeler que le corps est l’outil de travail des sportifs de haut-niveau. La peur de la blessure est permanente à l’esprit de ces compétiteurs. Se blesser c’est perdre un rythme d’entrainement, c’est rater des opportunités de performer, c’est risquer de perdre son endurance, des techniques et voir s’envoler un rêve, du jour au lendemain, après des années de travail. 

De plus, les carrières de sportifs sont de courte durée, parfois sans rémunération, car de nombreux sports sont peu médiatisés, possèdent moins de sponsors, à l’image du Pentathlon moderne, dans lequel la compétition est rude et l’avenir plus qu’incertain.

À côté, la majorité des sportifs de haut-niveau, qui, à l’image de Paolo, s’entraînent au moins 35 heures par semaine, ne peuvent pas envisager de suivre des études supérieures normales ou trouver un emploi servant de gagne-pain. Ils doivent avancer dans le flou, sans réelle sûreté d’avoir une reconversion professionnelle ou des études adaptées à leurs besoins. Comme l’explique Paolo, c’est soit choisir entre la raison et la passion, soit réussir à trouver des études, un travail, une perspective d’avenir adaptés à l’emploi du temps déjà plein d’un sportif de haut-niveau.

Quelques passerelles et voies de réinsertions professionnelles sont ouvertes mais très peu sont réellement adaptées aux besoins des sportifs de haut-niveau. En une blessure, un échec, la vie de nombreux sportifs est bouleversée, remise en question. Ils se sentent alors vulnérables face au monde professionnel, qui demande des compétences qu’ils n’ont pas pu développer. Une perte de confiance en entraine une autre, ce monde fabuleux et intense peut vite se transformer en cauchemar.

Paolo Singh, en équipe de France de pentathlon moderne, nous a raconté les différentes phases de doutes qu’il a traversé, à l’image de sa fracture de fatigue, qui l’a empêché de performer dans des compétitions importantes et de son burn-out, phase d’extrême vulnérabilité, qui lui a permis de prendre du recul et de se questionner en profondeur sur son avenir pour envisager d’avancer plus sereinement. S’épanouir et performer dans un sport, c’est aussi avoir l’assurance de ne pas se retrouver dans une situation précaire, de ne pas fournir un travail monumental sans gagner d’argent, le minimum pour vivre dignement.

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Un quotidien extrême

Faire du sport de haut-niveau, c’est mettre son corps au service d’une discipline rigoureuse. Comme l’explique Paolo, « c’est extrême, tout est décuplé, tout est démesuré dans le sport » . En effet, lorsque le corps est poussé au delà de ses limites naturelles, les sensations sont décuplées à l’extrême : « la douleur, c’est quelque chose qu’on ressent nulle part ailleurs, dans une vie normale, au quotidien. La souffrance, les blessures mais aussi les sensations, la sensation de vitesse, de légèreté, de maîtrise, ça non plus on le retrouve nulle part ailleurs » 

« On a une relation d »amour et de haine à la fois avec le sport » , rappelle justement Paolo. En effet, les sensations sont incroyables : la compétition, les victoires, les rencontres exceptionnelles, les liens indestructibles. Ce positif est malheureusement contre-balancé par le négatif ressenti via la douleur des entrainements, une vie sous contrôle, les échecs sportifs, … C’est un monde à part, qui rend extrême toutes sensations ressenties. 

À côté, l’athlète se sent intégré à la société car il devient un symbole au service de son pays. En effet, le sport sert le lien entre états, rapproche les peuples, créé une véritable solidarité internationale via des affrontements pacifiques qui rassemblent et fédèrent.

Pour cette raison, ne faudrait-il pas plus sécuriser nos fédérateurs pour mieux les préparer à leur avenir ? Mieux adapter leurs rémunérations, qui sont aujourd’hui basées que sur la relation sponsoring et la popularité d’un sport? Dans n’importe quel type de sport, quand on intègre l’équipe de France, ne faudrait-il pas mieux encadrer l’avenir professionnel de ces sportifs de haut-niveau au service de leur nation? Il est important de mettre en lumière les problématiques sous-jacentes de cet univers, qui brille et rayonne par son excellence et sa rigueur, pour construire un avenir meilleur, plus sécurisant.

Laissons véritablement les sportifs de haut niveau nous représenter dignement, à l’image de Paolo Singh, un jeune homme déterminé à travailler dur pour honorer la France aux Jeux Olympiques.

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