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Une célèbre chanteuse de 88 ans vient de nous quitter

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Elle avait prêté sa voix à l’un des airs les plus emblématiques du cinéma français. Nicole Croisille, chanteuse au timbre inoubliable et figure du jazz, de la comédie musicale et de la variété française, est décédée le 4 juin 2025. Retour sur la vie passionnante d’une artiste totale.

Une voix inoubliable, une chanson culte

Si vous avez déjà fredonné le célèbre « Da ba da ba da », c’est à elle que vous le devez. Nicole Croisille, voix inoubliable du film Un homme et une femme de Claude Lelouch, nous a quittés à l’âge de 88 ans. Cette chanson, entêtante, tendre et mélancolique, devenue l’un des symboles du cinéma français, a traversé les générations sans jamais perdre de sa magie. Pour beaucoup, elle reste synonyme de romance intemporelle.

Mais derrière cette mélodie planante et ces trois syllabes répétées comme une litanie douce, se cachait une femme au parcours artistique aussi riche qu’éclectique.

Une enfance bercée par la musique… et les réticences

Née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, Nicole Croisille grandit dans une famille où l’art est présent, mais pas encouragé. Son père, accompagnateur de voyages, voit d’un mauvais œil les aspirations artistiques de sa fille unique. Sa mère, pianiste amatrice, lui transmet l’amour de la musique, notamment les œuvres de Chopin et Liszt.

Très tôt, Nicole s’initie à la danse classique. La scène l’appelle, irrésistiblement. Elle le sait dès l’enfance : son destin est artistique. « J’ai toujours su que ma place était sur scène. C’est l’endroit où je me sens le mieux », confiait-elle dans une interview.

La révélation du jazz

L’adolescence est pour elle une période de bascule. Elle découvre Sidney Bechet, les clubs de Saint-Germain-des-Prés, l’effervescence de la scène jazz parisienne des années 50. Un choc. « Je suis née avec le jazz ! J’éprouve ce besoin de pulsations sans savoir d’où ça vient », expliquait-elle avec fougue.

Son amour du rythme, de la voix, de l’improvisation, la conduit à travailler d’arrache-pied pour parfaire sa technique. Et bientôt, l’internationale l’attend.

Une artiste de scène avant tout

Formée au mime auprès de Marcel Marceau, elle intègre sa troupe et part en tournée en Amérique du Sud (1957), puis aux États-Unis (1960). Elle devient meneuse de revue à Reno, participe aux Folies Bergère à New York, chante au Playboy Club de Chicago. Sa voix chaude et profonde, teintée de swing, séduit l’Amérique.

On la surnomme « Soul Sister », preuve de sa capacité à s’approprier les rythmes afro-américains avec une sincérité rare pour une artiste française de l’époque. Le jazz, pour elle, n’est pas un style : c’est une manière de respirer.

La rencontre qui change tout

Claude Lelouch prépare un film singulier, aux dialogues rares, aux silences intenses, à la musique omniprésente : Un homme et une femme. Il fait appel au compositeur Francis Lai et au chanteur Pierre Barouh. Pour l’accompagner, il choisit Nicole Croisille. C’est elle qui interprète, avec lui, le désormais légendaire « Da ba da ba da ».

Le film est un succès mondial, Palme d’or à Cannes, Oscar du meilleur film étranger. La chanson, minimaliste et hypnotique, devient un standard. L’univers entier découvre la voix de Nicole Croisille.

Une muse fidèle de Claude Lelouch

Claude Lelouch ne l’oubliera pas. Elle interprètera d’autres chansons dans ses films : Vivre pour vivre (1967), Les Uns et les Autres (1981), Itinéraire d’un enfant gâté (1988). À chaque fois, sa voix sublime les émotions, les non-dits, les histoires.

Leur collaboration s’inscrit dans une fidélité artistique rare, marquée par une affection mutuelle et une vision commune de la sensibilité à l’écran.

Le succès populaire à 40 ans

Nicole Croisille connaît le succès du grand public dans les années 1970. À 40 ans, elle devient une figure majeure de la chanson française avec des titres forts, portés par une voix mature et une parole féminine assumée : Parlez-moi de lui, Téléphone-moi, Une femme avec toi, La Garonne…

« Quand le succès est arrivé, j’avais 40 ans. Je pouvais avoir le langage d’une femme qui parle aux femmes », racontait-elle. Ses chansons deviennent les hymnes d’une génération de femmes qui revendiquent une certaine liberté, une sensualité assumée, un regard neuf sur l’amour et les relations.

L’Olympia et la consécration

1976, puis 1978 : elle triomphe à l’Olympia. Deux dates gravées dans la mémoire de ses fans, deux moments de communion avec un public conquis par son énergie, sa prestance, son professionnalisme.

Croisille refuse d’être enfermée dans une case. Elle alterne les registres avec une aisance rare : variété, jazz, comédie musicale. En 1987, elle sort Jazzille, un album hommage à ses racines musicales profondes.

La comédie musicale, son rêve d’enfant

En 1992, c’est la consécration d’un rêve d’enfance : elle interprète Hello Dolly au Théâtre du Châtelet, dans une production américaine. « Dans ma tête, à 10 ans, j’avais décidé : “Je veux faire comme Judy Garland” », confiait-elle. Ce rôle, elle l’habitera avec une joie et une intensité bouleversantes.

Elle continuera à s’illustrer dans des spectacles musicaux prestigieux : Follies (2013), Cabaret (2014), Irma la Douce (2015). À chaque fois, elle prouve qu’elle n’a rien perdu de sa fougue, de sa grâce et de sa capacité à émouvoir.

Une carrière d’actrice aussi

Nicole Croisille ne se limite pas à la musique. Elle joue au théâtre (Folle Amanda, Coup de soleil, Hard), au cinéma (La Cage dorée) et à la télévision. En 2005, elle marque les esprits avec son rôle d’Yvonne Le Bihan, la marâtre de la série Dolmen sur TF1, suivie par plus de 12 millions de téléspectateurs.

Actrice, chanteuse, danseuse, meneuse de revue : elle incarne à elle seule l’artiste totale. Toujours là où on ne l’attend pas, toujours prête à surprendre.

Une vie privée discrète

Très discrète sur sa vie personnelle, Nicole Croisille préférait se confier sur scène. En 2006, elle publie son autobiographie, Je n’ai pas vu passer le temps, coécrite avec Thierry Lecamp. Un titre révélateur : six décennies de carrière, mille vies en une, et la même passion intacte.

Ce livre est une plongée sensible dans la vie d’une artiste pudique mais lumineuse, marquée par l’amour du travail bien fait, le goût de l’exigence, et la quête de sens à travers l’art.

Une disparition saluée avec émotion

Depuis l’annonce de sa mort, de nombreuses personnalités ont salué la mémoire de cette femme exceptionnelle. Claude Lelouch, profondément ému, a déclaré : « Nicole, c’était la vie, l’élégance et la fidélité. »

Les hommages se multiplient, soulignant à la fois sa voix unique, son élégance, son engagement pour l’excellence artistique. Les réseaux sociaux voient fleurir des extraits de ses chansons, des souvenirs partagés, des vidéos d’archives émouvantes.

Une empreinte indélébile dans la culture française

Nicole Croisille laisse derrière elle une œuvre foisonnante, une voix immédiatement reconnaissable, et un pan entier de la mémoire musicale française. Elle fut l’amie des grands, la muse des cinéastes, l’inspiratrice des femmes.

Elle était cette artiste qui traversait les modes sans jamais trahir ses valeurs, cette voix qu’on reconnaît en une note, ce regard franc qui disait tout sans artifices.

En quittant la scène pour la dernière fois, Nicole Croisille laisse un vide, mais surtout une trace ineffaçable dans les cœurs. Le « Da ba da ba da » résonnera encore longtemps, comme un murmure d’éternité.