Arrêts de travail limités à un mois, voire 15 jours: le gouvernement serre la vis
Depuis plusieurs années, les comptes de la Sécurité sociale se creusent. Les indemnités journalières versées pendant les arrêts de travail pèsent de plus en plus lourd, avec une progression sensible depuis 2019. Le gouvernement affirme qu’il ne s’agit plus d’un simple « à-coups » conjoncturel, mais d’une dérive de fond qui menace l’équilibre du système.
Le PLFSS 2026 (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) arrive donc avec une série d’ajustements jugés « responsables » par l’exécutif, mais scrutés avec inquiétude par les patients, les soignants et les employeurs.
Pourquoi les arrêts de travail sont dans le viseur
Derrière la hausse des dépenses, l’exécutif pointe une conjonction de facteurs : vieillissement, tensions dans l’organisation du travail, explosion des troubles psychiques, et allongement moyen des arrêts maladie. En filigrane, l’Assurance Maladie évoque aussi des prescriptions hétérogènes selon les territoires et les pratiques des médecins, avec des durées parfois éloignées des référentiels de la HAS. L’objectif affiché du PLFSS 2026 est donc de mieux encadrer les premiers arrêts, de fiabiliser leur suivi et de renforcer les contrôles, sans empêcher les prolongations quand l’état du patient le nécessite.
Ce qui va changer dans le parcours d’un salarié
Concrètement, l’exécutif veut agir dès l’émission de l’avis d’arrêt de travail. Le premier palier d’encadrement concerne la durée de la prescription initiale, avec un cadrage plus strict entre médecine de ville et hôpital. L’autre pilier touche au contenu du document que reçoit l’Assurance Maladie : les motifs médicaux de l’arrêt devront y figurer de manière explicite pour faciliter les contrôles et, le cas échéant, déclencher un contre-avis. À cela s’ajoute la volonté d’harmoniser les pratiques avec les recommandations HAS, afin d’éviter des durées très variables pour des pathologies comparables.
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Médecins : une crainte de bureaucratie, un appel à la nuance
Côté cabinets, beaucoup de praticiens redoutent une sur-administration du soin. Ils s’inquiètent d’un temps médical vampirisé par la justification des arrêts au détriment de l’écoute clinique. Ils rappellent qu’un arrêt s’évalue au cas par cas, en tenant compte du poste, des contraintes physiques et du psychique. Une fracture ne dit pas tout du geste professionnel, pas plus qu’un burn-out ne se résume à une durée standard. Pour autant, certains reconnaissent qu’un cadre plus lisible peut aider, surtout si l’on reste sur une primo-prescription encadrée et des prolongations assouplies selon l’évolution de l’état du patient.
Employeurs : visibilité bienvenue, vigilance de mise
Pour les entreprises, la mesure promet plus de prévisibilité sur la première phase d’absence, ce qui peut faciliter l’organisation interne, la répartition des tâches et l’éventuel recours à l’intérim. Les PME-TPE demandent toutefois des garde-fous : pas question que la pression se reporte sur elles, par exemple via un transfert supplémentaire de charges les premiers jours. Le dialogue social devra aussi se pencher sur les postes les plus exposés au risque psychosocial, où une reprise trop rapide peut aggraver la situation.
Salariés : que va-t-il se passer en pratique ?
Dans les faits, un salarié qui consulte son médecin traitant pour un problème aigu recevra un arrêt initial désormais plus borné dans le temps. S’il ne va pas mieux, une prolongation restera possible, mais devra être justifiée en cohérence avec l’évolution clinique et les référentiels HAS. Les indemnités journalières ne sont pas supprimées ; l’Assurance Maladie ajuste surtout la durée du premier palier et outille ses équipes de contrôle. En parallèle, l’exécutif promet de ne pas pénaliser les pathologies lourdes et de préserver l’accès à des prolongations quand le pronostic l’exige.
Ce que disent les chiffres et la temporalité de la réforme
L’augmentation des dépenses d’arrêts maladie a été régulière ces dernières années, plus rapide que sur la décennie précédente. L’exécutif met cette tendance en avant pour justifier un coup de frein dès le budget 2026. Le calendrier législatif doit encore passer par l’Assemblée et le Sénat, avec des amendements possibles, puis un déploiement progressif dans les logiciels métiers. Les entreprises comme les médecins ont demandé des périodes d’adaptation afin que les outils (téléservice, e-arrêt, justificatifs sécurisés) suivent sans casse.
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Les autres curseurs qui s’invitent dans le débat
Autour des arrêts de travail, le PLFSS 2026 évoque aussi d’autres pistes : renforcement des franchises médicales, économies ciblées sur certains postes de dépenses de santé, et lutte contre la fraude. Les mutuelles et la prévention en entreprise sont également citées comme leviers. L’exécutif assure que l’effort doit rester collectif : patients, soignants, employeurs et financeurs. Les syndicats, eux, réclament une politique plus préventive sur les conditions de travail, estimant qu’on ne soignera pas le système en compressant seulement les droits des malades.
L’épineuse question des contrôles et du secret médical
Le fait d’exiger des motifs sur l’avis d’arrêt de travail soulève des interrogations de confidentialité. Le gouvernement assure que les informations sensibles resteront protégées et accessibles aux seuls acteurs habilités de l’Assurance Maladie. Les médecins rappellent, de leur côté, que la confiance patient-soignant repose sur le secret médical et qu’il faudra éviter toute stigmatisation des pathologies psychiques ou des troubles musculo-squelettiques, deux motifs fréquents d’arrêt.
Ce qui ne change pas… et ce qui évolue à la marge
Le droit à un arrêt de travail justifié médicalement demeure. Les prolongations restent possibles, sous réserve d’un suivi cohérent et traçable. En toile de fond, la réforme pousse à la dématérialisation et à l’harmonisation des pratiques. Une autre évolution attendue touche à des examens obligatoires devenus redondants, afin d’éviter des formalités qui n’apportent pas de progrès médical tangible.
Ce que les patients doivent retenir dès maintenant
D’abord, rien n’est rétroactif : les dispositions entreront en vigueur dans le calendrier 2026, après vote et parutions réglementaires. Ensuite, la durée initiale de l’arrêt prescrit en ville sera plus courte, mais les prolongations ne sont pas bridées si l’état le justifie. Enfin, l’Assurance Maladie regardera de plus près la cohérence entre motifs, référentiels et durée, avec un objectif assumé : endiguer la dérive des indemnités journalières sans abîmer la qualité des soins.
Au terme de ce bras de fer budgétaire, la mesure phare du PLFSS 2026 tombe : la primo-prescription d’un arrêt de travail sera limitée à 15 jours en médecine de ville et à un mois à l’hôpital, les motifs médicaux devant figurer sur l’avis pour permettre le contrôle par l’Assurance Maladie. Les prolongations resteront possibles, mais devront s’aligner sur les référentiels HAS et l’évolution clinique du patient.