Cures thermales : de 65 % à 15 % de remboursement ? Le gouvernement ouvre la porte à une cure d’austérité
La ministre déléguée chargée de la Solidarité a confirmé au Sénat une proposition choc. Ramener le remboursement des cures thermales par l’Assurance maladie de 65 % à 15 %.
Une inflexion majeure, débattue dans le PLFSS. Qui pourrait bouleverser l’équilibre d’un secteur déjà fragile et doper le reste à charge des patients. En parallèle, l’alignement des prises en charge à 100 % pour les personnes en ALD sur le régime commun est sur la table.
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Ce que la ministre a dit au Sénat : une mesure proposée, pas votée
Devant les sénateurs, Charlotte Parmentier-Lecocq a confirmé que l’exécutif « proposait » d’abaisser la prise en charge des forfaits thermaux de 65 % à 15 %. Nuance importante : le gouvernement avance, mais c’est le Parlement qui tranche.
L’échange intervient dans le cadre du débat budgétaire de la Sécurité sociale. Où chaque point de dépense est scruté à l’aune des économies recherchées. Le message est clair. Rien n’est arrêté tant que le vote n’est pas intervenu, mais l’orientation est bel et bien posée.
Dans l’hémicycle, la ministre a aussi tenu à écarter le terme de « déremboursement », préférant parler d’ajustement. Elle souligne que les dépenses non couvertes par la Sécu pourraient être prises en charge par les complémentaires santé. Une promesse qui interroge toutefois : toutes les garanties ne prévoient pas d’absorber ce type de reste à charge, et l’ampleur du transfert vers les contrats pourrait peser sur les cotisations.
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Concrètement, ce qui changerait pour les curistes
Aujourd’hui, une cure de trois semaines bénéficie, lorsqu’elle est prescrite et acceptée, d’un remboursement majoritaire par l’Assurance maladie : 65 % pour le forfait thermal et le forfait de surveillance médicale associé. Si la réforme aboutit, la Sécu ne couvrirait plus que 15 % du forfait thermal. Le reste à charge grimperait mécaniquement pour les ménages, sauf prise en relais par leur mutuelle.
Pour les patients en affection de longue durée (ALD), l’exécutif avait déjà annoncé un alignement : les cures, aujourd’hui remboursées à 100 % dans ces situations, basculeraient sur le même taux que tout le monde. Autrement dit, si le plan est validé, c’est une double marche qui attend les curistes : fin du remboursement intégral en ALD et abaissement général à 15 %. De quoi rebattre profondément les arbitrages de santé… et de budget familial.
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Les économies visées et le financement par les complémentaires
La ministre avance un objectif d’environ 200 millions d’euros d’économies en combinant l’alignement ALD et la chute du taux de prise en charge. Côté pouvoirs publics, l’argument est limpide : concentrer les remboursements sur les soins jugés prioritaires pour la collectivité. Côté assurés, la question est plus délicate : toutes les complémentaires santé couvriront-elles le différentiel ? Et à quel coût sur les primes ?
Dans les faits, une part non négligeable des assurés n’a pas de garantie renforcée sur les cures. Les contrats d’entrée de gamme, souvent choisis pour préserver le pouvoir d’achat, risquent de laisser une portion significative à la charge du patient. Pour les stations thermales, l’incertitude est tout aussi grande : la fréquentation dépendra du niveau réel de prise en charge par les mutuelles et du budget des ménages.
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Un secteur à l’équilibre fragile, entre santé et bien-être
Les cures thermales jouent un rôle historique dans la prise en charge de pathologies comme les affections rhumatologiques ou respiratoires. Elles irriguent aussi l’économie de territoires entiers – de Dax à Vichy, d’Aix-les-Bains à Balaruc-les-Bains. Après les années d’à-coups, beaucoup d’établissements ont misé sur une montée en gamme, des « mini-cures » et des offres thermoludiques pour retrouver des volumes. Un coup de rabot sur le remboursement pourrait reconfigurer ce fragile équilibre.
Reste le sujet, sensible, du service médical rendu. Les partisans des cures rappellent les améliorations rapportées par les patients et la faible iatrogénie comparée à certains traitements. Les critiques, eux, pointent des bénéfices jugés hétérogènes selon les indications et l’absence d’un consensus massif sur l’ampleur des effets. D’ailleurs, au passage, certains moquent des résultats « à la frontière du bien-être », où l’effet placebo ferait parfois plus que l’eau.
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« Pas un déremboursement » : ce que changerait réellement la sémantique
Dire qu’il ne s’agit pas d’un déremboursement n’efface pas l’augmentation du reste à charge. La bascule à 15 % transfère la charge vers les complémentaires santé et, in fine, vers les assurés via leurs cotisations.
Dans un contexte d’inflation des prix de l’énergie et de tension sur le pouvoir d’achat, ce déplacement de coût sera scruté à la loupe. Les débats parlementaires porteront autant sur la soutenabilité budgétaire pour la Sécu que sur l’accessibilité réelle des cures pour les ménages.
Mais saviez-vous que l’adhésion des prescripteurs fait aussi l’actualité ? La pratique médicale elle-même s’adapte : des médecins renégocient leurs parcours de soins en intégrant ou en retirant les cures selon l’accès financier local de leurs patients.
Anecdotique ? Pas complètement, lorsque trois semaines d’absence du travail et des frais d’hébergement entrent dans l’équation.
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Ce qui se joue maintenant : calendrier, arbitrages, et un chiffre-clé
Le PLFSS fixe le cadre. L’exécutif a mis ses cartes sur la table, et les groupes politiques entendent amender, repousser ou durcir les curseurs. Le calendrier parlementaire déterminera rapidement si l’effort portera sur les taux, sur des plafonds, ou sur des critères d’éligibilité plus stricts. À suivre : le périmètre exact des forfaits thermaux concernés et la place laissée aux contrats responsables côté mutuelles.
En toile de fond, un chiffre revient : 200 millions d’euros d’économies potentielles. C’est l’estimation avancée pour justifier la manœuvre. S’il était atteint, ce montant pèserait dans l’équilibre des comptes sociaux… tout en redessinant le paysage du thermalisme médical.
Que retenir ?
Si la proposition est adoptée telle quelle, la Sécu ne couvrirait plus qu’une part symbolique des cures – 15 % – et tout le reste dépendrait, très concrètement, de la générosité (et du prix) de votre complémentaire santé.