Groupe sanguin : qui est celui qui semble mieux protéger le cœur
De nouvelles données pointent un lien discret mais persistant entre groupe sanguin et risque cardiovasculaire. Les personnes de groupe O paraissent un peu moins exposées à l’infarctus, quand les groupes non-O (A, B, AB) cumulent de modestes sur-risques, y compris d’AVC précoce.
Une piste biologique se dessine, entre coagulation et inflammation de fond, qui pourrait affiner la prévention cardiovasculaire demain.
Crédit : Wambui Mash / CC BY-SA 4.0.
Ce que les études récentes suggèrent (sans tout bouleverser)
Depuis des années, l’idée qu’un groupe sanguin puisse infléchir la santé cardiaque revient régulièrement. Les travaux les plus récents, menés sur de vastes cohortes suivies pendant plus de vingt ans, consolident ce signal : à âge, sexe et autres facteurs comparables, le groupe O est associé à un risque cardiovasculaire un peu plus faible, tandis que les groupes A, B et AB — rassemblés sous l’étiquette « non-O » — présentent un excès relatif d’événements. Autrement dit, cette variable biologique, longtemps perçue comme anecdotique hors des transfusions, glisse désormais dans le champ des déterminants de la maladie coronarienne.
Ce n’est pas une révolution : l’hypertension, le cholestérol, le tabagisme ou la sédentarité continuent de peser bien davantage dans l’équation individuelle. Mais le faisceau d’observations s’étoffe. Dans une synthèse publiée dans une revue spécialisée en athérosclérose et thrombose, l’écart de risque entre non-O et O varie grosso modo de 6 % à 23 % selon les événements considérés. Autre éclairage marquant : un travail antérieur rapportait, pour le groupe AB, un risque d’AVC parfois multiplié — dans certaines analyses — par des facteurs allant au-delà de 1,5, comparé au groupe O. Ce détail que peu de gens connaissent : l’empreinte du système ABO s’aperçoit bien au-delà des seules transfusions, dans la façon dont le sang coagule et réagit à l’inflammation.
Sans surprise, ces ordres de grandeur n’invitent ni à l’alarme ni au relâchement, mais à situer correctement ce « petit plus » de biologie au milieu de facteurs de risque bien plus lourds et, surtout, modifiables.
À lire aussi
Crédit : Jason Ruck / CC BY-SA.
D’où viendrait l’écart entre O et non-O ?
Deux mécanismes dominent les explications avancées. D’abord, les groupes non-O affichent en moyenne des niveaux plus élevés de facteur VIII et de facteur von Willebrand, protéines clés de la coagulation. Des taux accrus favorisent plus facilement la formation de caillots capables d’obstruer une artère coronaire ou cérébrale. L’idée n’a rien de théorique : des différences hémostatiques mesurables, liées au système ABO, sont bien documentées et se traduisent par un terrain légèrement plus pro-thrombotique chez les non-O.
Ensuite, une composante d’inflammation chronique basse intensité pourrait se greffer à cette histoire. On sait qu’une inflammation de fond accélère l’athérosclérose, déstabilise les plaques et rend les événements plus probables. Dans certains jeux de données, les marqueurs inflammatoires suivent — modestement — la même partition que la coagulation, épaulant l’hypothèse d’une vulnérabilité légèrement différente selon le groupe sanguin.
Mais saviez-vous que ces différences ne signifient pas qu’un individu groupe O soit « protégé » par défaut ? La biologie du risque est cumulative : un groupe O fumeur, hypertendu et sédentaire restera beaucoup plus à risque qu’un groupe AB actif, non-fumeur, au LDL-cholestérol maîtrisé. La nuance compte, et c’est là que la prévention retrouve toute sa place.
Crédit : NASA
Ce que cela change (concrètement) en prévention
Connaître son groupe sanguin ne transforme pas un cœur du jour au lendemain. En revanche, l’information peut aider à mieux stratifier une vigilance, au même titre qu’un antécédent familial ou qu’une glycémie limite. Pour une personne non-O, deux attitudes pragmatiques se dégagent.
La première tient au dépistage ordinaire : surveiller plus régulièrement la pression artérielle, la glycémie et le profil lipidique, surtout si l’âge, l’hérédité ou d’autres facteurs s’accumulent. Rien d’exceptionnel, mais l’idée de ne pas « laisser filer » entre deux bilans. La seconde relève de l’hygiène de vie : activité physique régulière, alimentation peu transformée, riche en fibres, sommeil suffisant, gestion du stress, arrêt du tabac si besoin. Autrement dit, tout ce qui stabilise la paroi artérielle, calme l’inflammation de fond et diminue la coagulabilité globale.
À lire aussi
Dans certains contextes particuliers — par exemple, si des antécédents familiaux d’infarctus précoce existent —, savoir que l’on est non-O peut inciter à discuter plus tôt, avec son médecin, de la fréquence des bilans, d’un score calcique coronaire à un âge donné, ou d’un objectif LDL plus bas. Rien d’automatique : simplement un aiguillage de plus dans une décision partagée.
Des zones d’ombre… et des certitudes qui demeurent
Toute corrélation populationnelle pose sa part d’incertitude. Les différences observées entre groupe O et non-O restent des moyennes, l’hétérogénéité individuelle étant énorme. Suivant les cohortes, l’ampleur du signal varie, la façon de mesurer les événements aussi. Les scientifiques insistent sur un point : on parle d’excès de risque relatif modeste, pas d’un déterminisme. Les personnes non-O ne « naissent » pas condamnées à l’insuffisance cardiaque ou à l’AVC, pas plus que les O ne seraient immunisées contre l’infarctus du myocarde.
Ce qui ne change pas, en revanche, c’est le poids des piliers classiques : pression artérielle, LDL-cholestérol, diabète, tabac, sédentarité. Dans la pratique, un groupe sanguin O malmené par ces facteurs perd presque toute « avance » théorique. À l’inverse, un profil non-O rigoureux sur ces axes gomme largement l’écart statistique. En bref, le système ABO s’invite dans l’explication, mais ne prend la main sur aucun destin individuel.
Crédit : U.S. Navy
Pourquoi parler de « possible protection » plutôt que de « bouclier » ?
La tentation est grande de résumer en une phrase : « le groupe O protège ». Elle est trompeuse. Les chercheurs parlent plutôt d’association compatible avec un rôle biologique — via facteur VIII, facteur von Willebrand et inflammation — qui confère, en population, une légère probabilité moindre d’événement. C’est précieux pour comprendre la maladie coronarienne et peut-être affiner, à terme, des algorithmes de prévention cardiovasculaire. Mais cette « protection » supposée n’est ni un vaccin ni une garantie. Elle n’exonère jamais des mesures connues pour sauver des années de vie en bonne santé.
Et si l’on devait retenir un seul fil rouge ? Le groupe sanguin n’est pas un verdict ; c’est une donnée parmi d’autres, utile pour éclairer le tableau d’ensemble. La vraie bascule reste, encore et toujours, dans les leviers modifiables du quotidien.
Crédit : U.S. Navy
La petite révélation finale
Ce que l’on découvre en fin de parcours, c’est que l’avantage observé du groupe sanguin O tiendrait surtout à une coagulabilité un peu moindre et à une inflammation plus discrète ; dit autrement, le cœur n’est pas « protégé » par le type de globules rouges, mais par l’environnement hémostatique et inflammatoire que ce groupe influence… et que votre mode de vie peut, lui aussi, remodeler chaque jour.