Cette habitude avec l’huile en cuisine pourrait nourrir un terrain propice au cancer du côlon
En France, notre assiette s’est peu à peu remplie d’aliments ultra-transformés. Jusqu’à représenter près d’un tiers des apports caloriques chez l’adulte. Une évolution qui inquiète les chercheurs, car elle se croise avec la progression du cancer colorectal. L’un des cancers les plus meurtriers.
Une nouvelle étude américaine s’est intéressée à un détail du quotidien que l’on sous-estime souvent. Le choix de l’huile avec laquelle on cuisine et celle que l’on retrouve dans de nombreux produits préparés.
Derrière ce geste anodin se cacherait en réalité un terrain inflammatoire discret. Capable de fragiliser les mécanismes de défense du corps. Et si ce n’était pas tant la quantité d’huile qui posait problème. Mais surtout le type d’huile et l’équilibre nutritionnel entre certains acides gras clés ?
C’est précisément ce que les chercheurs ont tenté de comprendre en disséquant le contenu de tumeurs colorectales. Et en le reliant aux habitudes alimentaires modernes.
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Un pays accro aux aliments ultra-transformés
Depuis plusieurs années, les rapports officiels tirent la sonnette d’alarme. En France, la part des aliments ultra-transformés ne cesse d’augmenter. Et pèse désormais près d’un tiers des apports énergétiques chez les adultes. Derrière ces produits pratiques et bon marché se cachent le plus souvent des recettes riches en sucres ajoutés. En graisses et en additifs. Souvent éloignées d’une cuisine maison simple et identifiable.
Dans le même temps, le cancer colorectal reste l’un des plus meurtriers. L’âge demeure un facteur majeur, puisque 9 personnes atteintes sur 10 ont plus de 50 ans au moment du diagnostic. Mais saviez-vous que les habitudes de vie pèsent aussi lourd dans la balance ? Une alimentation riche en graisses animales. Une consommation importante de viande rouge. L’alcool et la sédentarité font partie des facteurs de risque pointés depuis longtemps par les autorités sanitaires.
Ce tableau global laisse déjà entrevoir un lien entre mode de vie moderne et risque de cancer. Pourtant, l’étude américaine citée ici s’est penchée sur un maillon encore peu exploré du problème. Le rôle des huiles utilisées massivement par l’industrie pour fabriquer ces produits transformés. Et la manière dont elles influencent la chimie interne de nos cellules.
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Une étude américaine dissèque le rôle des huiles
Pour mieux comprendre ce qui se passe au cœur même des tumeurs. Une équipe de l’USF Health. Et du Tampa General Hospital Cancer Institute a analysé des échantillons provenant de plus de 80 patients âgés de 30 à 85 ans. Tous atteints de cancer colorectal. L’objectif n’était pas de désigner un « coupable » unique. Mais de décrypter comment certains choix alimentaires répétés peuvent modifier l’environnement biologique dans lequel se développe la maladie.
Les chercheurs se sont particulièrement intéressés à la composition en lipides des tumeurs, c’est-à-dire aux différents types de graisses présentes. Le constat est apparu net : un large déséquilibre entre oméga-6 et oméga-3. Deux familles d’acides gras essentiels que l’organisme ne sait pas fabriquer seul. Et doit donc puiser dans l’alimentation. Ce déséquilibre reflète, selon eux, ce que l’on observe dans le régime occidental moderne.
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L’étude rappelle que notre alimentation quotidienne ne se résume pas à la simple addition d’ingrédients. Elle constitue un ensemble de signaux biochimiques qui, jour après jour, influencent notre système immunitaire. Nos mécanismes de réparation et même la façon dont une tumeur peut progresser. Ou, au contraire, être mieux contrôlée. Le rôle des huiles, omniprésentes dans les produits ultra-transformés, est au cœur de cette réflexion.
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Quand le déséquilibre oméga-6 / oméga-3 alimente l’inflammation
Les analyses menées sur les tumeurs ont donc mis en évidence une surabondance d’oméga-6, associée à un manque d’oméga-3. Ce duo est pourtant censé fonctionner en complémentarité : les oméga-6 participent à la mise en route des réactions inflammatoires, utiles pour se défendre, tandis que les oméga-3 aident à y mettre fin et à restaurer l’équilibre.
Quand les premiers sont présents en excès et les seconds en quantité insuffisante, l’inflammation chronique peut s’installer. L’organisme reste alors dans un état de vigilance permanente, avec une activation prolongée du système immunitaire qui finit par s’épuiser. C’est ce terrain inflammatoire, mal résolu, qui pourrait favoriser la croissance et la progression du cancer colorectal.
Ce déséquilibre est fréquemment retrouvé dans certaines huiles de graines très utilisées dans l’industrie alimentaire. Leur métabolisme génère des molécules capables de perturber les défenses naturelles du corps et de nourrir une inflammation de bas grade. Les chercheurs soulignent d’ailleurs que cette configuration reflète le régime occidental actuel, dominé par les produits ultra-transformés, les sucres ajoutés et les graisses industrialisées.
Sans parler d’interdiction ni de diabolisation totale, l’étude suggère qu’une alimentation qui dépend chaque jour de ces produits pourrait réduire la capacité du corps à se réparer correctement. Le message est clair : plus l’alimentation entretient l’inflammation chronique, plus les mécanismes de protection risquent d’être débordés, ouvrant la voie à des pathologies graves.
Réapprendre à choisir ses huiles au quotidien
Face à ces constats, les chercheurs ne plaident pas pour un bannissement radical des matières grasses, mais pour une meilleure répartition entre oméga-6 et oméga-3. Le Vidal rappelle qu’un ratio équilibré se situe autour de cinq parts d’oméga-6 pour une part d’oméga-3, alors que l’alimentation actuelle peut parfois monter à quinze contre une. Ce détail, que peu de gens connaissent, illustre à quel point le curseur s’est déplacé sans que l’on s’en rende compte.
Un premier levier consiste à réintroduire des sources naturelles d’oméga-3 : les poissons gras, certains fruits comme l’avocat ou encore les noix, dont les lipides contribuent à rééquilibrer l’apport en acides gras. Diversifier ses huiles plutôt que s’en remettre systématiquement aux mêmes références, y compris en cuisine, permet aussi de corriger progressivement ce déséquilibre sans bouleverser toute son alimentation.
Dans ce contexte, l’huile d’olive extra-vierge occupe une place particulière. Riche en acides gras monoinsaturés, elle aide à faire baisser le LDL, le « mauvais » cholestérol, tout en soutenant le HDL, souvent présenté comme plus protecteur. Elle apporte également des polyphénols, ces composés antioxydants qui participent à la prévention cardiovasculaire et peuvent limiter l’impact de l’inflammation chronique sur l’organisme.
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L’un de ses atouts est sa facilité d’utilisation : assaisonnement de salades, cuisson douce, ajout en fin de préparation… Elle s’intègre sans effort au quotidien, ce qui en fait un allié privilégié lorsqu’on souhaite ajuster, pas à pas, la qualité globale de ses apports lipidiques. Sans promettre de miracle, elle s’inscrit dans une logique de équilibre nutritionnel plus favorable aux mécanismes naturels de guérison.
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L’huile, un levier sous-estimé de prévention
L’étude américaine ne prétend pas clore le débat sur le lien entre huiles alimentaires et risque de cancer. Les auteurs insistent au contraire sur la nécessité de poursuivre les travaux, notamment pour préciser comment chaque type d’huile influence l’immunité et les processus inflammatoires. Des études plus larges permettront de confirmer ou de nuancer ces premières observations.
En parallèle, d’autres instances, comme le Sénat ou l’Inserm, pointent déjà le rôle des aliments ultra-transformés dans l’augmentation des risques cardiovasculaires, métaboliques et probablement oncologiques. Les résultats de cette recherche s’ajoutent donc à un faisceau d’indices convergents : la façon dont nous mangeons au quotidien pèse directement sur la santé à long terme, bien au-delà du simple nombre de calories.
L’un des messages forts de ce travail est que l’alimentation reste un levier modifiable, contrairement à l’âge ou à certains facteurs génétiques. Les chercheurs ne plaident pas pour des interdits brutaux, mais pour une prise de conscience progressive, basée sur une meilleure compréhension de ce que contiennent réellement les produits ultra-transformés et des huiles sur lesquelles ils reposent.
En pratique, cela signifie limiter la place de ces produits industriels dans l’assiette, privilégier les aliments bruts ou peu transformés, et faire davantage de place aux matières grasses qui soutiennent la réparation des tissus plutôt que l’inflammation chronique. Une démarche simple, mais qui, répétée jour après jour, peut contribuer à réduire le risque de cancer colorectal et à protéger durablement la santé.
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Ces huiles de cuisson à surveiller de près
Reste une question que beaucoup se posent en lisant cette étude : de quelles huiles parle-t-on concrètement quand on évoque un excès d’oméga-6 dans le cadre du cancer colorectal ? Les auteurs mentionnent notamment les huiles de graines les plus couramment utilisées par l’industrie agroalimentaire : l’huile de tournesol, l’huile de maïs, l’huile de pépins de raisin et l’huile de canola.
Riches en oméga-6, souvent présentes dans les marinades, les plats préparés, les sauces prêtes à l’emploi ou certaines fritures, elles ne sont pas toxiques en soi. C’est leur consommation répétée, associée à un manque d’oméga-3 et à un excès général d’aliments ultra-transformés, qui pourrait alimenter ce fameux terrain inflammatoire observé dans les tumeurs. C’est là que se dessine le lien possible avec la progression du cancer colorectal.
En face, l’huile d’olive extra-vierge apparaît comme une alternative plus protectrice, notamment lorsqu’elle remplace progressivement ces huiles riches en oméga-6 dans le quotidien. Loin d’imposer un régime strict, l’étude invite surtout à un déplacement du curseur : moins de plats industriels riches en huiles de graines, plus de préparations maison, mieux équilibrées en oméga-6 et oméga-3, où l’huile d’olive et les sources naturelles de bons gras prennent davantage de place.
Au final, la principale révélation de ces travaux tient en une idée simple mais puissante : en cuisinant très régulièrement avec des huiles comme le tournesol, le maïs, les pépins de raisin ou le canola, dans un contexte déjà chargé en produits ultra-transformés.
On pourrait sans le savoir nourrir un terrain inflammatoire qui favorise le développement du cancer du côlon. À l’inverse, revoir calmement son choix d’huiles et la place des aliments bruts dans l’assiette devient un geste concret pour alléger ce risque, sans révolutionner toute sa vie en une nuit.