Congés payés : un gros changement va changer pour les salariés Français
Le droit aux congés payés n’est plus un simple avantage social. Mais un véritable droit fondamental que la France doit désormais appliquer. En accord avec le droit européen. Sous la pression de la Cour de justice de l’Union européenne. Et des juridictions nationales, l’Hexagone est contraint de revoir sa copie.
Derrière ce mouvement juridique. Ce sont concrètement les jours de repos de millions de salariés français qui sont en jeu. Notamment lorsqu’un aléa de santé vient perturber la vie professionnelle.
Un droit aux congés payés reconnu comme fondamental
Depuis plusieurs décennies, le droit international des droits de l’homme érige les congés payés au rang de droit fondamental. La convention n° 132 de l’Organisation internationale du travail, le Pacte de l’ONU de 1966. Ou encore la Charte sociale européenne rappellent que chaque travailleur a droit à une période annuelle de repos rémunéré.
L’Union européenne s’inscrit dans cette même logique avec la Charte des droits fondamentaux, qui consacre explicitement ce droit. Autrement dit, prendre des vacances rémunérées n’est pas un bonus accordé par l’employeur. Mais une composante de la dignité de la personne qui travaille.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) prend cette qualification très au sérieux. Elle considère que le droit au congé annuel payé est un « principe du droit social communautaire ». Auquel il ne peut pas être dérogé. Pour la Cour, l’objectif est double. Permettre au travailleur de récupérer de la fatigue liée au travail. Et lui offrir une véritable période de détente et de loisirs.
Derrière cette formulation, se dessine une idée simple. Un salarié n’est pas seulement une force de production. C’est une personne dont la sécurité et la santé au travail doivent être protégées sur le long terme.
Quand l’Union européenne encadre le temps de travail
Pour concrétiser ce droit, l’Union européenne a adopté une directive de 2003 sur l’aménagement du temps de travail. Ce texte fixe des prescriptions minimales en matière de repos, de durée maximale de travail et de congés annuels. C’est sur cette base que la CJUE a bâti, au fil des années. Une riche jurisprudence européenne. Avec plus d’une trentaine de décisions consacrées aux congés payés.
Ces arrêts ont progressivement fait évoluer les pratiques nationales. Parfois bien au-delà de ce que prévoyaient les codes du travail des différents États membres.
Dès le début des années 2000, certaines décisions de la Cour ont obligé les États à modifier leur législation. Ainsi, elle a admis l’acquisition de congés sans exiger une durée minimale de travail sur la période de référence. Elle a également précisé que le congé maternité et les congés payés se cumulent sans se confondre : le premier vise la protection de la maternité, le second le repos annuel, et l’un ne peut pas « manger » l’autre.
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Ce détail que peu de gens connaissent illustre bien la portée de ces décisions : en interprétant la directive, la Cour impose parfois aux États de revoir des mécanismes installés depuis longtemps.
Une transposition française lente et incomplète
En théorie, chaque État doit adapter son droit interne pour respecter le droit européen. En pratique, la France s’est montrée particulièrement lente à intégrer ces avancées en matière de droit du travail. Plusieurs gouvernements ont tardé, voire refusé, d’aligner complètement le Code du travail sur les exigences européennes, alors même que les décisions de la CJUE se multipliaient.
La loi dite Valls-El Khomri du 8 août 2016, qui a profondément remanié l’architecture des règles sur le temps de travail, illustre cette tension : elle n’a pas pleinement tiré les conséquences de la jurisprudence européenne sur les congés.
Constatant ces insuffisances dans certains États, dont la France, la Cour de justice a durci le ton. Dans des arrêts de 2018, elle s’est appuyée sur la Charte des droits fondamentaux pour imposer l’application directe du droit au congé payé quand la législation nationale est incompatible.
Autrement dit, lorsque la loi interne ne peut pas être interprétée en conformité avec le droit de l’Union, le juge national doit tout simplement écarter la règle nationale et appliquer le standard européen. Pour les salariés, cela ouvre une porte : celle de faire valoir un droit garanti par l’Union même si le Code du travail ne l’a pas encore clairement intégré.
Les juges en première ligne pour appliquer le droit européen
Face à l’inaction du législateur, les juridictions nationales se retrouvent en première ligne. C’est ce qu’on appelle le « dialogue des juges » : les tribunaux français interrogent la CJUE, interprètent les directives à la lumière de sa jurisprudence, puis appliquent ces solutions dans les litiges individuels.
Peu à peu, le droit européen « diffuse » ainsi dans les décisions des prud’hommes, des cours d’appel ou de la Cour de cassation, même sans réforme spectaculaire de la loi.
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Pour les salariés français, cette mécanique peut paraître abstraite, mais ses effets sont très concrets. Un arrêt de la CJUE finit par inspirer une décision de la Cour de cassation, qui s’impose ensuite aux juges du fond. Puis, les employeurs et les services RH adaptent leurs pratiques.
Mais saviez-vous que certaines de ces évolutions sont directement liées à des situations de vie très quotidiennes ? C’est précisément le cas pour les congés tombant en période de maladie, qui ont fait l’objet d’une attention particulière de la Cour.
Maladie, maternité : des congés payés qui ne disparaissent plus
L’un des terrains où l’écart entre droit français et droit européen a été le plus flagrant, c’est celui des congés et de l’arrêt maladie. La CJUE a affirmé que le droit au congé annuel payé a une finalité propre : permettre au travailleur de se reposer réellement et de profiter de loisirs. Être malade, même si l’on reste officiellement en congés, ne répond pas à cette logique de repos.
À partir de là, la Cour en déduit que la maladie ne doit pas faire disparaître le droit à congés : le salarié conserve sa créance de jours de repos payés, qu’il doit pouvoir exercer ultérieurement.
C’est dans ce contexte qu’a été reconnu le droit d’acquérir des congés pendant un arrêt de travail pour maladie. Le travailleur, en sa qualité de travailleur, reste titulaire d’un droit à congé annuel payé, même s’il n’est temporairement plus en mesure de fournir une prestation de travail.
Le droit à congés n’est donc pas subordonné au fait d’avoir travaillé sans interruption, ni à l’absence de maladie sur la période de référence. Pour les salariés, cela signifie que les périodes d’incapacité ne devraient plus être traitées comme des « trous » annulant tout droit au repos payé.
Les mêmes logiques valent pour le congé maternité, qui se cumule avec les congés payés sans se confondre. Une salariée ne devrait pas avoir à choisir entre sa protection en cas de maternité et son droit au repos annuel. Là encore, la Cour européenne impose aux États de réfléchir à la manière dont ils sécurisent ces droits croisés.
Que retenir en France ?
En France, ces exigences européennes obligent à repenser la façon dont les entreprises gèrent les compteurs de congés en cas de maladie, de maternité ou d’autres absences protégées. C’est un enjeu à la fois juridique, organisationnel et financier.
Pour les salariés français, la conséquence la plus forte de cet alignement sur le standard européen est désormais bien claire : lorsqu’un salarié tombe malade pendant la période où il aurait dû travailler, il continue d’acquérir des congés payés au titre de son contrat de travail, et lorsqu’il tombe malade alors qu’il est déjà en congés, ses jours de repos ne sont plus considérés comme « perdus » au seul motif de cette incapacité.
En pratique, cela ouvre la voie au report de congés ou à leur reconstitution, sous le contrôle des juges, lorsque la maladie est venue perturber ce temps de repos. C’est cette évolution, imposée par le droit fondamental au congé annuel payé et par la jurisprudence européenne, que la France doit désormais pleinement intégrer dans son droit interne : les congés payés ne disparaissent plus simplement parce que le salarié a eu le tort de tomber malade au mauvais moment.