Permis de conduire : une validité de 15 ans fixée par l’EU et des visites médicales obligatoires
Deux décisions majeures viennent d’être validées à Bruxelles. La durée de validité du permis sera uniformisée à 15 ans pour les voitures et motos. Et une visite médicale deviendra obligatoire avant l’obtention ou le renouvellement du permis.
Objectif affiché : renforcer la sécurité routière sur un continent où près de 20 000 décès surviennent chaque année. Mais derrière ces règles, l’Union laisse aux États une marge d’adaptation importante. Et un détail, passé presque inaperçu, pourrait tout changer…
Quinze ans pour la majorité des conducteurs, cinq ans pour les professionnels
Le cœur de la réforme tient en une phrase. Les permis B et A seront valides 15 ans dans toute l’Union européenne. Jusqu’ici, la durée variait de 10 à 15 ans selon les pays, créant des écarts de calendrier et de démarches administratives. Cette harmonisation promet, sur le papier, de simplifier la vie des automobilistes et des motards qui circulent ou s’installent d’un pays à l’autre.
Les poids lourds et bus conservent, eux, une validité de 5 ans. Cette différence n’est pas anodine : elle reflète l’exigence particulière de ces catégories, où la vigilance, la résistance à la fatigue et l’acuité sensorielle sont considérées comme critiques. Mais saviez-vous que certains États pourront « resserrer » encore le calendrier pour des publics spécifiques ? C’est l’un des leviers de souplesse glissés par le texte pour tenir compte des réalités nationales.
Autre exception notable : lorsqu’un pays utilise le permis comme pièce d’identité, il pourra raccourcir la validité à 10 ans. C’est le cas de la France, où le titre rose a progressivement cédé sa place à une carte sécurisée qui sert aussi de justificatif d’identité. Une subtilité qui, concrètement, fera que tous les conducteurs européens ne renouvelleront pas leur document au même rythme, malgré l’affichage d’une règle commune.
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Une visite médicale obligatoire, avec des tests de vue et cardiovasculaires
Deuxième pilier de la réforme : un contrôle médical deviendra obligatoire pour tous avant l’obtention du premier permis et lors de chaque renouvellement. L’examen inclura au minimum des tests de la vue et une évaluation cardiovasculaire. L’idée est simple : détecter précocement les troubles qui peuvent dégrader les aptitudes à la conduite au fil du temps.
Dans les faits, la palette de vérifications pourra être élargie par chaque État membre : audition, troubles neurologiques, pathologies métaboliques affectant la vigilance… Cette latitude permettra de coller aux priorités sanitaires nationales et à la situation des services de santé. Ce détail que peu de gens connaissent : la Commission ne fixe pas un « menu » médical uniforme ; elle impose un socle et laisse les capitales organiser le reste, y compris la fréquence des rendez-vous.
Dans le débat public, l’annonce a ravivé une question délicate : faut-il contrôler plus souvent les conducteurs âgés ? Le texte n’impose pas un âge couperet, mais autorise les pays à raccourcir la validité pour les plus de 65 ans, afin de multiplier les contrôles ou proposer des remises à niveau. Entre autonomie, mobilité et prévention, la ligne de crête est étroite : l’enjeu n’est pas de stigmatiser, mais d’anticiper.
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« Du bon sens » pour prévenir les drames, disent ses partisans
Sur les plateaux comme dans les familles, le principe d’un bilan de santé périodique suscite une adhésion pragmatique. Ceux qui l’applaudissent y voient une mesure « de bon sens » : au fil des années, la vue, l’ouïe ou l’endurance peuvent chuter sans que l’on s’en rende compte. Un simple test peut faire la différence entre un conducteur apte et un risque pour lui-même et pour les autres.
Derrière ces témoignages se lit une réalité de terrain : des accidents impliquant des conducteurs âgés surviennent, et les proches se retrouvent parfois démunis. Mais réduire le sujet à l’âge serait trompeur. Un quadra qui ne corrige pas une myopie revenue, une personne qui reprend le volant après un problème cardiaque ou un trouble neurologique mal stabilisé : la vulnérabilité peut concerner tout le monde. C’est précisément le message de la réforme : instaurer une vigilance régulière pour tous les conducteurs.
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Suivi continu ou contrôle périodique ? Le débat n’est pas tranché
La réforme fixe des rendez-vous obligatoires. Mais certains experts insistent sur une évidence : un événement médical peut survenir entre deux visites. Une épilepsie diagnostiquée, une syncope inexpliquée, une maculopathie qui s’installe… Faut-il dans ce cas attendre l’échéance de renouvellement ? Évidemment non.
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C’est là que l’information et la responsabilisation entrent en jeu. La réforme invite les États à sensibiliser l’ensemble du corps médical : tout praticien au contact d’un patient doit pouvoir l’alerter et, le cas échéant, déconseiller la conduite jusqu’à avis spécialisé. Une sorte de filet de sécurité permanent, complément indispensable aux contrôles périodiques. Mais saviez-vous que l’UE a prévu une soupape supplémentaire ? Elle change la donne pour l’application concrète du texte.
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Auto-évaluation possible : la marge de manœuvre laissée aux États
En effet, et c’est un point clé de la réforme, chaque État membre pourra remplacer la visite médicale par un formulaire d’auto-évaluation ou par un autre système national de vérification des aptitudes physiques. Ce dispositif alternatif reste encadré, mais il ouvre la voie à des approches différenciées en Europe : certains pays privilégieront la consultation médicale, d’autres miseront sur une déclaration responsabilisante et sur des contrôles ciblés.
Cette faculté d’adaptation soulève des questions. Une auto-déclaration est-elle aussi fiable qu’un bilan objectif ? D’un autre côté, un formulaire peut déclencher une orientation médicale pour ceux qui signalent des symptômes, tout en évitant d’engorger les cabinets pour des conducteurs sans antécédents. Entre pragmatisme et rigueur, les capitales devront trouver l’équilibre qui convient à leur système de santé et à leur culture routière.
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Calendrier, objectifs et mise en œuvre : ce qu’il faut retenir
Sur le plan juridique, le paquet validé par les eurodéputés le 21 octobre 2025 s’inscrit dans la stratégie « Vision zéro », qui vise zéro mort sur les routes de l’Union d’ici 2050. Les nouvelles règles entreront en vigueur 20 jours après leur publication au Journal officiel de l’UE. Les États disposeront ensuite de trois ans pour les transposer dans leur droit interne, puis d’une année supplémentaire pour leur application.
Autrement dit, rien ne change du jour au lendemain. Les conducteurs devront s’informer du choix national : visite médicale systématique, auto-évaluation encadrée, durée réduite pour les plus de 65 ans, validité de 10 ans lorsque le permis sert aussi de pièce d’identité… Ce puzzle organisé par Bruxelles est pensé pour sauver des vies, sans brusquer des systèmes de santé déjà sollicités.
Et la révélation principale de cette réforme, c’est que l’obligation de contrôle médical coexistera avec la possibilité, pays par pays, d’opter pour une auto-déclaration ou un système national alternatif : derrière l’harmonisation affichée, l’UE a délibérément laissé des options qui feront des différences concrètes d’un État à l’autre.