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Orques contre requins blancs : la révolution silencieuse qui bouscule l’ordre des océans

Publié par Killian Ravon le 07 Nov 2025 à 17:30

Depuis des décennies, le grand requin blanc occupait le sommet de la chaîne alimentaire. Mais une nouvelle donne se joue à l’abri des regards. Dans le Pacifique, des orques mettent en œuvre une stratégie d’une précision glaçante : neutraliser les requins, prélever leur foie ultra-énergétique… et repartir sans un bruit.

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Orque de profil en mer ouverte près d’un grand requin blanc, eaux claires et lumière rasante, cadrage horizontal au format 1536×1030.
Une coopération de chasse qui inverse le rapport de force au sommet des océans.

Une tactique transmise au sein du groupe, avec des effets en chaîne sur tout l’écosystème marin.

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Une méthode d’attaque millimétrée qui désarme les requins

Dans le golfe de Californie, des biologistes ont filmé une scène aussi rare que troublante : des orques retournant de jeunes requins blancs pour les plonger en « immobilité tonique ». Ce réflexe neuro-musculaire, connu des scientifiques, paralyse temporairement l’animal.

En quelques instants, la proie cesse de se débattre. Les orques n’ont alors plus qu’à viser, avec une efficacité chirurgicale, l’organe le plus riche en lipides : le foie, véritable batterie de graisses qui alimente la nage des requins.

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Ce prélèvement ciblé laisse souvent le reste de la carcasse intact, comme si l’on avait découpé l’animal avec un compas. Les scènes documentées montrent une aisance presque clinique : pas d’acharnement inutile, pas de dispersion, juste l’exécution d’un protocole maîtrisé.

Et ce détail que peu de gens connaissent : le foie des requins, particulièrement volumineux, peut représenter une part considérable de la masse de l’animal, ce qui en fait une récompense énergétique incomparable pour un prédateur coopératif.

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Pod d’orques progressant en surface dans une mer calme, dorsales bien visibles, photographiées en plan large dans le Pacifique Nord.
Une famille d’orques traverse une zone de chasse potentielle.
Crédit : NOAA Photo Library
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Chasse en équipe, savoirs partagés : la force de l’intelligence sociale

Rien d’isolé, rien de fortuit. Dans les deux cas observés (2020 et 2022), cinq orques ont coopéré pour capturer, retourner puis maintenir le requin. Une division des rôles se dessine : certaines immobilisent, d’autres frappent, une dernière se place en barrage. Cette coordination suppose une communication fine et, surtout, un apprentissage social. Les adultes initient, les jeunes observent, puis reproduisent la manœuvre à leur tour.

Le biologiste Erick Higuera Rivas va plus loin : cette technique traduirait l’émergence d’une culture prédatrice propre au groupe. Chez les mammifères marins, ces traditions de chasse se transmettent au fil des générations et peuvent façonner des « spécialisations » impressionnantes. Ici, la spécialité, c’est l’attaque ciblée de requins blancs. Et le message implicite est clair : l’intelligence collective des orques rivalise avec n’importe quel arsenal de dents.

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Orque solitaire photographiée de profil en surface, mer bleue, éclaboussures au niveau de l’étrave, ciel dégagé.
Une orque isole sa proie avant l’assaut.
Crédit : NOAA

Quand les orques s’invitent, les requins s’en vont

Les conséquences écologiques ne tardent pas. En Afrique du Sud, la présence d’orques spécialisées a suffi à faire fuir des requins adultes de zones où ils étaient historiquement dominants. Résultat : un bouleversement des chaînes alimentaires côtières, où des espèces autrefois régulées par le grand blanc prolifèrent soudain, déstabilisant l’équilibre local. Dans le golfe de Californie, les chercheurs redoutent un scénario similaire si ces interactions se multiplient.

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L’écologiste Salvador Jorgensen le rappelle : cette dynamique peut être instinctive ou apprise. Dans les deux cas, elle impose d’observer attentivement l’évolution des populations : quand un super-prédateur en déloge un autre, c’est tout un réseau trophique qui se recompose, avec des effets parfois inattendus sur les espèces proies et sur les habitats côtiers.

Grand requin blanc vu de trois-quarts, nageant près de la surface au large de Gansbaai, Afrique du Sud.
Le grand blanc, icône redoutée des côtes sud-africaines.
Crédit : Olga Ernst (CC BY-SA 4.0)

Surveiller, cartographier, comprendre : le nouveau plan de bataille scientifique

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Face à cette bascule, la communauté scientifique change d’échelle. Prochaine étape : cartographier les zones critiques où orques et requins se croisent, préciser les périodes de présence, et décrypter le régime alimentaire des orques impliquées. Francesca Pancaldi, de l’institut CICIMAR, souligne l’enjeu : mieux connaître ces habitudes, c’est se donner les moyens de protéger à la fois les prédateurs et leurs proies, tout en régulant l’activité humaine dans les secteurs sensibles.

Concrètement, cela passe par des suivis fins, des relevés de carcasses et l’analyse des marquages. Cette traçabilité permettra de distinguer les épisodes opportunistes de véritables spécialisations régionales. Mais saviez-vous que les orques ne partagent pas toutes le même « menu » ?

Certaines lignées ne s’intéressent qu’aux poissons, d’autres aux mammifères marins, d’autres encore aux requins blancs ou aux raies : une mosaïque de cultures alimentaires susceptibles d’évoluer au gré des opportunités.

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Grand requin blanc filmé en plongée, poursuivant une proie en pleine eau, visibilité excellente.
Dans les eaux claires de Guadalupe, l’élégance d’un chasseur.
Crédit : Sharkcrew (CC BY-SA 4.0)

La hiérarchie des prédateurs, un sommet moins immuable qu’il n’y paraît

L’image du grand requin blanc, seigneur inégalé des mers, vacille. L’ascendant pris par les orques rappelle une loi simple : au sommet, rien n’est figé. Dès lors qu’un groupe développe une stratégie coopérative plus rentable, la hiérarchie des prédateurs se renégocie. Ce renversement, amorcé par quelques individus, peut suffire à redistribuer les cartes à l’échelle d’un littoral entier.

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Faut-il s’en inquiéter ? Le phénomène n’est ni « bon » ni « mauvais » en soi. Il témoigne d’une nature adaptative, où les espèces ajustent leurs comportements pour maximiser leur survie. La vigilance s’impose toutefois du côté humain : en surpêchant certaines proies ou en perturbant des zones clés, nous pouvons involontairement accélérer des transferts de domination, avec des conséquences sur la biodiversité locale.

Grand requin blanc en phase d’approche, gueule close, eau claire, lumière rasante en surface.
Un super-prédateur qui doit composer avec un rival inattendu.
Crédit : Andrew Shiva (CC BY-SA 4.0)

Derrière le spectacle, une mécanique énergétique impitoyable

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Si le foie des requins est si convoité, c’est parce qu’il concentre l’énergie nécessaire à des migrations et à une nage soutenue. Pour un groupe d’orques, c’est un jackpot calorique. L’arithmétique du vivant est brutale : une attaque réussie contre un individu bien précis peut nourrir plusieurs membres du groupe et leurs petits.

Là encore, l’apprentissage social joue à plein : les baleineaux observent, participent parfois à la répartition des morceaux, et intègrent le « mode d’emploi » d’une proie exigeante.

Ce détail que peu de gens connaissent : en ciblant l’organe le plus riche plutôt que d’engloutir une carcasse entière, les orques maximisent le rendement de chaque chasse. Moins de risque, moins d’effort, plus d’énergie. Une logique d’optimisation qui pourrait expliquer la diffusion rapide de cette technique au sein d’un même groupe.

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Et maintenant ? Un nouvel équilibre (peut-être) durable

Tout indique que nous assistons à la naissance d’une tradition au sein de certaines orques du Pacifique. Si la méthode continue de se transmettre, les requins blancs pourraient durablement éviter les zones où ces prédateurs opèrent en meute. Les scientifiques, eux, suivent de près ces trajectoires, conscients qu’un simple « ajustement » comportemental peut redessiner la carte du vivant.

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Révélation finale : si les orques ont pu renverser l’ordre établi, ce n’est pas par force brute, mais par culture et coopération. Dans l’océan, l’intelligence partagée vaut, parfois, plus qu’une mâchoire légendaire.

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